Les pérégrinations jazzistiques

vu le mardi 24 juillet 2012

Amrat Hussain trio au Péristyle

Si le World Jazz avait un côté fascinant, ne serait-ce pas induit par sa manière fine et insidieuse de nous happer indubitablement, de faire pulser notre corps au rythme de sa volonté ?

Musique d'ambiance, musique mystique ou simplement monochrome, même si elle soulève dès la première écoute diverses controverses, personne ne peut rester indifférent à la musicalité subtile surtout transcendante et spirituelle du groupe Amrat Hussain Trio. Un jeu éloquent, des musiciens habités dont les syllabes s'imbriquent, répondent aux pensées diffuses, communiquent avec une précision de l'ordre du sublime.

Qualifier le World Jazz du groupe Amrat Hussain Trio de monochrome serait une conclusion lapidaire. World Jazz, une musique qui nous détache de la réalité, certes ! une musique qui nous embarque aux confins des sens à destination des terres chaudes orientales, cheminant au travers de nos images mentales. Paysages sauvages, villages reculés, couleur ocre, rouge, bleu saphir aux nuances cristallines tel un chant d'une tribu imaginaire semant au gré du vent la richesse intérieure inhérente d'un visage placide et serein.

Transportés ! L'habileté, la résistance, le souffle étiré d'Amrat Hussain subjugue. Yves Perrin (guitare), Grégory Jouandon (batterie) soulignent, improvisent autour de la mélodie sensitive jusqu'à ce que la tension limite palpable atteigne son paroxysme.

J'ai lu !

J'ai lu la présentation d'Amrat Hussain dit Maître de tablas sur les divers supports de communication. Maître, un doux euphémisme. Guitare, tablas, batterie, auxquels s'est invité brièvement le saxophone. Une entente entre les timbres, les rythmes. Les mélodies qui s'entrecroisent. Les duos, les trios, les solos qui suivent leur propre inspiration. Des battements continus qui suggèrent une musique classique, traditionnelle, gitane, indienne, africaine, orientale... Délicate, équilibrée, parfumée, épicée. Jazz de part sa structure, Jazz de part son caractère pulsatile, son métissage. Une fusion musicale d'une rare pureté s'est exprimée ce mardi 24 juillet, en parfaite accointance avec un public enthousiaste et ouvert.

Amrat Hussain Trio, oserai-je simplifier ? Une musique envoûtante, à la lisière du shamanique, du mythe, bravant sa propre complexité...

Aurélie Gravallon-Combier

(Amrat Hussain: tablas, voix ; Grégory Jouandon: batterie ; Yves Perrin: guitare + invités : Jérôme Bartholomé: sax ; Mathieu Picard: basse)

PG project au RhinoJazz(s)

Lors de leur passage, en janvier 2011, à Grenoble et à Chambéry, PG Project avait soulevé l'enthousiasme. L'accueil du public du théâtre de verdure à Saint-Victor a été du même ordre. D'abord l'attente d'un groupe que l'on ne connaît pas, ensuite la surprise devant la qualité des musiciens et des compositions et enfin l'enthousiasme devant ce groupe qui sonne admirablement. C'est un bijou de septet avec un son terrible dans le sens où il suscite une émotion profonde, un bloc sonore sculpté dans un granit rare et qui rutile de mille feux. Dès le premier morceau, VCs4U, les saxophones embrasent le public, les cuivres crachent des flammes et la section rythmique embarque tout le monde à un train d'enfer. Après cette course à 240 à l'heure, une petite balade, sur une route départementale, N°8, nous permet de souffler un peu avant de repartir pour de folles randonnées à pleine vitesse.

Au milieu de ces alternances d'explosions et de calmes avant les orages, deux merveilleuses ballades, Mélancolie et November Encounter. La première est jouée en trio, un long solo de trombone nous laisse pantelants aux mains du contrebassiste puis du pianiste qui nous enfoncent à leur tour un peu plus dans la noirceur, enfin le final, en trio, reste très sombre, jusqu'au dernier accord du piano, la dernière note que nous lance Bruno Martinez, en forme de catharsis, comme un appel à notre résilience. Le reste du concert est de la même eau (comme on dit en parlant de diamant): une succession d'émotions fortes et de sensations fines, non dénuées les unes et les autres de profondeur.

Pierre Guicquéro avait fait le choix de jouer acoustique avec juste un renfort d'amplification pour la contrebasse. Ce choix qui aurait pu paraître préjudiciable au piano sur les premiers titres s'est révélé judicieux par la suite. Le contact direct entre les spectateurs et les artistes crée une atmosphère particulière, la relation est sans intermédiaire, le public bénéficie de l'ambiance chaleureuse que le leader et compositeur suscite entre les musiciens. On prend ainsi conscience de la formidable écoute qui règne à l'intérieur du groupe.

Sur le plan musical, tout est bien en place. Les compositions de Pierre Guicquéro inspirent visiblement les musiciens, on sent qu'ils ont épuré leur chorus jusqu'à ne garder que le sensible et l'inventif et les émotions sont directement perceptibles.

Après avoir entendu PG Project, on se dit qu'il n'est pas étonnant qu'il soit programmé sur France musique et TSF Jazz et cité par Alex Dutilh, Xavier Prévost ou Jean-Charles Dukhan dans les émissions de ces deux radios comme l'un des meilleurs représentants français de ce type de formation.

Michel Mathais

(Pierre Guicquéro: trombone, compositions, direction ; Julien Silvand: trompette, bugle ; Davy Sladek: saxophone alto, flûte, clarinette ; Frank Pilandon: saxophones tenor, soprano, baryton ; Bruno Martinez: piano ; Dominique Mollet: contrebasse ; Marc Verne: batterie)

vu le mercredi 25 juillet 2012

Frank McComb avec Samir Hodzic et Stella Scrivo en apéro-jazz du CosmoJazz : "Soul & slave"

Premier apéro-jazz du CosmoJazz 2012 dans le cadre prestigieux du Hameau Albert 1er (Relais & Châteaux).

Le pianiste et chanteur Frank McComb commence en duo avec l'accordéoniste Samir Hodzic, citoyen du monde et résident de Chamonix. Deux cultures, deux tempéraments au service d'une musique de l'âme. Une rencontre comme les affectionne André Manoukian.

Le talent de Frank McComb n'est plus à rappeler, on se souvient de son concert cette saison à la salle Molière à Lyon dans son répertoire soul et gospel. Samir l'accompagne sur ce terrain et parfois reprend la main avec ses propres compositions. Frank le suit de bonne grâce et se permet même de sortir son iPhone pour filmer ce duo tout en accompagnant de la main gauche. Visiblement la rencontre n'est pas pour leur déplaire. Pour compléter le tout, la chanteuse Stella Scrivo viendra poser son groove sur quelques morceaux.

L'ambiance est chaude et moite tant le public est serré comme jamais dans ce bar "select", qu'importe il prend également un réel plaisir à cette rencontre authentique.

Pascal Derathé

Shaolin Temple Defenders au Cabaret Frappé à Grenoble

Ce mardi soir, sous le chapiteau du Cabaret Frappé à Grenoble, il fait déjà très chaud quand l'orchestre démarre en force. Six musiciens bordelais, chemise rouge et chapeau noir introduisent The Lion Of Bordeaux, très élégamment coiffé avec une casquette bleue. Déjà, ça secoue ! On frappe dans les mains, on se déhanche ! I'm gonna be fine, fine, and fine... le chanteur frappe les cymbales; les guitares marquent le temps. Le public est ravi, reprend We got more soul puis se laisse entrainer par SOS...

Soudain plus tendre, plus émouvant, We still get something to share rappelle leur engagement humaniste. Un feu d'artifice, un long et puissant roulement de batterie en apothéose pour annoncer leur quatrième CD, du funk et encore plus de soul, qui sortira en début d'année. Ces amoureux et gardiens du temple du soul funk traditionnel se sont laissés emportés par le groove urbain actuel. Ils nous ont proposé un moment de partage, de communion, nous ont invité à réapprendre à sourire dans les rues... le public a suivi !

Chantal Hardy

The Excitements au Cabaret Frappé à Grenoble

Des musiciens basés à Barcelone, une chanteuse Koko Jean Davis, originaire du Mozambique, bercés par le jazz, le blues, la soul. On en demande pas plus pour rêver et danser !

Quand notre chanteuse entre sur scène, sa robe rouge illumine, sa voix rauque et puissante vous interpelle. Tout de suite, ça bouge ! Elle enchaîne sans vous laisser le temps de respirer, elle se défoule sur scène ! Le rythme est endiablé ! Soudain, surprise, un slow, une jolie ballade. Le bras tendu, elle vous pointe du doigt If you love somebody too much.. Puis elle danse, virevolte. Le public est enchanté. Il claque des mains avec enthousiasme.

Alternance d'énergie et de tendresse, un jeu de scène époustouflant, des cuivres bien sonores et une rythmique impeccable !

Quelle belle soirée !

Chantal Hardy

vu le mercredi 25 juillet 2012

Miss White and the Drunken Piano au Cabaret Frappé à Grenoble

Une fleur blanche au piano, des petits mots sautillants scandés avec énergie, une rythmique soutenue, du beatbox enchanteur, c'est Miss White and the Drunken Piano au kiosque du jardin de Ville! Le public grenoblois, sous les platanes, les applaudit chaleureusement !

Quelques rires, des touches légères sur le clavier puis on repart en puissance. Son regard ne vous quitte pas... et quel sourire !

Sur Bitter Better, sa voix claire et chaude nous entraîne. Le public suit sur un beatbox prononcé sur le "Stop" ! Quel plaisir !

Le saxo se lamente, chemine... ambiance orientale ??? Puis la musique s'amplifie, sourde mais énergique pour se reposer enfin. On swingue aussi. Elle minaude...

Same, Same, qui a donné son titre à leur dernier CD, est élégant, prenant, subtil, même envoûtant.

Ce groupe issu de Grenoble n'a pas oublié tous les lieux grenoblois qui les ont accueillis. Le rappel, Chilly G., composé à la Chaufferie, nous marquera par son énergie et prendra fin avec Miss White debout au-dessus du piano !

Leur agenda est plein, alors ne les manquez pas !

Chantal Hardy

(Marieke (chant, piano); David (batterie, beatbox); Martin (basse, saxophone, beatbox)

vu le jeudi 26 juillet 2012

Battista Acquaviva et Gaguik Mouradian au lac Bleu

Un des concerts phare du CosmoJazz, celui du Lac Bleu, dans le massif de l'Aiguille du Midi. On se souvient de la découverte du lieu l'année passée avec Erik Truffaz.

Aujourd'hui, André Manoukian a programmé deux nouvelles rencontres dont la première très inattendue.

La jeune chanteuse corse Battista Acquaviva, spécialiste des chants sacrés corses, une voix qui s'étale sur trois octaves et Gaguik Mouradian autre spécialiste de musiques sacrées et traditionnelles arméniennes sur son kamantcha Ivièle à pique (violon sacré arménien). Ca fait beaucoup de sacré !

Le lac bleu est une cathédrale minérale qui va servir d'écrin à cette rencontre. Le public est massé sur l'autre rive du lac et à l'invite d'André Manoukian fait silence pour entendre cette rencontre. Le pari est osé car le kamantcha n'est pas très sonore et la voix de Battista sait se faire discrète.

Et ça passe, le public retient son souffle pendant près d'une heure pour déguster cette prestation. Une concentration extrême pour recevoir cette rencontre. On bascule alternativement des rives de la Méditerranée à celles de la mer Caspienne. Là où l'on attendait des polyphonies corses (difficile avec une seule voix) on entend une polyphonie corso-arménienne.

A la fin du spectacle, la chanteuse ira à la rencontre de son public en se jetant à l'eau pour traverser le lac... courageux et apprécié.

Vincent Segal et Magik Malik au Lac Bleu

Seconde rencontre du lac Bleu, celle du violoncelliste Vincent Segal et du flûtiste Magic Malik. Le premier est un habitué des rencontres, c'est un peu son fond de commerce. On se rappelle de l'instant magique (déjà) proposé en clôture de Jazz à Vienne en 201O avec Piers Faccini (voir icii ), présent comme spectateur au lac Bleu ou encore celle avec Ballaké Sissoko à la kora.

Vincent et Magik se connaissent depuis longtemps et s'apprécient. Le cadre est idéal pour ces retrouvailles. Magik ne se met pas tout de suite à la flûte. Il joue du tarigot, il percute des cailloux, il frappe l'eau avec ses pieds, bref il exploite le lieu. Et puis le tandem s'installe. Improvisations libres inspirées par le cadre. Les deux musiciens se font plaisir, ils jouent pour eux et transmettent leur bonheur au public toujours attentif et concentré.

Pascal Derathé

Thierry Fanfant quartet

De très nombreuses formations sont au menu des apéro-jazz ce soir. On a choisi de s'arrêter à la terrasse de l'Elevation 1904 pour suivre le quartet de Thierry Fanfant. Une terrasse bien exposée, en face de la gare du Montenvers, un endroit de gros passage. Il fallait ici un jazz entraînant, du jazz qui fait bouger, du jazz "pas prise de tête".

Le choix de la programmation du quartet de Thierry Fanfant est on ne peut plus judicieux.

Tout y est : une batterie énergique (trop peut-être ?) du frangin Jean-Philippe Fanfant, un sax mélodique du copain Thibault Hien et le clavier de Vincent Bidal et Thierry Fanfant, un "gros père" qui respire la joie de vivre et plaque une rythmique impeccable sur sa basse. Il nous propose ses compositions et même des titres de son prochain album. Un jazz qui n'est pas sans rappeler celui de Spyro Gyra ou de Groover Washington junior.

Ça fonctionne, les têtes pourtant fatiguées des balades de la journée dodelinent en cœur, sans compter que parfois les rythmes nous rappellent ceux des "îles", bon sang ne saurait mentir.

Pascal Derathé

vu le vendredi 27 juillet 2012

Imperial Tiger Orchestra et Hamelmal Habaté

L'année dernière au Montenvers, le concert s'était passé sous le préau de la gare par un froid de canard. Cette année changement de programme et grand beau. La scène domine le Grand Hôtel du Montenvers avec vue imprenable sur les Aiguilles Rouges et les Drus. Le public s'installe dans le cirque naturel dans les herbes et les fleurs.

Au menu de l'après-midi les six zonzons de l'Imperial Tiger Orchestra. Six Genevois entraînés par le trompettiste Raphaël Anker qui ont fondé ce groupe dédié à la musique éthiopienne et font référence à l'un de ses maîtres Mahmoud Ahmed et son "Imperial Bodyguard Band". Au fil des ans (depuis 2007) ils ont trouvé leur place au sein de la communauté ethiojazz. Repérés par Francis Falceto, ils ont même tourné à Addis Abeba. C'est là qu'ils ont rencontré des chanteurs et chansons abyssiniennes.

Depuis quelques temps ils tournent avec la diva éthiopienne Hamelmal Habaté. C'est donc cette petite troupe augmentée de deux danseurs qui va enflammer la montagne pendant plus de deux heures. Le spectacle commence par une action de grâce à la nature, mélopée envoûtante de Hamelmal Habaté, qui déjà vous file des frissons. Derrière les tigres helvètes enchaînent sur des rythmes éthiopiens revisités. La transe commence à prendre forme. Le couple de danseurs vient en remettre une couche, invitant le public à se lever... et ça commence pour devenir une boîte de nuit d'Addis en plein jour.

Changements de rythmes, changement de costumes, un programme musical varié, mais toujours "à fond". Paroxysme final quand Getu Tirfe endosse sa crinière de lion et imite l'animal sacré.

Pascal Derathé

(Hamelmal Habate: voix ; Getu Tirfe: danse ; Emebet Tizazu: danse ; Raphaël Anker: trompette ; John Menoud: sax baryton, alto ; Alexandre Rodrigues: clavier ; Cyril Moulas: phin, guitare basse, krar ; Julien Israelian: batterie ; Luc Détraz: kebero, naal)

Laurent Sarrien quartet à l'Hôtel Les Aiglons

Contrairement à ce qui est annoncé, le vibraphoniste Laurent Sarrien se présente avec une nouvelle formation, en quartet avec Linus Olsson à la guitare, Fabrice Bistoni à la contrebasse et Daniel Drey à la batterie. Une équipe de PACA.

Dans le cadre cosy du bar de l'hôtel, le quartet nous propose un programme très cool. Une guitare à la Wes, une batterie très calme où les balais sont de rigueur, des thèmes du répertoire, des fauteuils confortables. Cet apéro-concert commence sous de très bons auspices.

A la façon des anciens comme Red Norvo ou Michel Hauser, Laurent Sarrien joue d'une façon très classique, tout en finesse, sans jamais forcer sur ses baguettes ce qui donne un son rond et velouté.

Une jolie pause musicale de jazz classique.

Pascal Derathé

La jam du CosmoJazz

Encore un petit changement dans l'équipe de la jam avec l'arrivée du contrebassiste Christophe Wallemme qui rejoint son compère Stéphane Huchard et les deux permanents Malcolm Braff et Hérvé Gourdikian.

L'entame se fait avec des standards histoire de changer par rapport aux improvisations de deux soirées précédentes. Après un premier set assez court, la reprise se fait avec un tout jeune pianiste de dix ans qui n'est autre que le fils de Stéphane Huchard, Noé. Derrière, d'autres musiciens piaffent. On verra tout d'abord à notre grande surprise le réservé Gaguik Mouradian et son kamantcha. Les échanges avec le sax d'Hervé sont intenses. On imaginait mal un musicien "classique" comme Mouradian prendre un tel plaisir à cet exercice de la jam. Battista Acquiva n'étant pas loin elle le rejoint et nous improvise un véritable récital à base de scat "à la corse" et de vocalises. Ça monte haut, très haut. Impressionnant. Elle réussit même à faire chanter la salle.

Hamelmal Habaté prend la suite, le concert de l'après-midi se prolonge à l'Alpina. Les danseurs entrent en scène et le bar de l'Alpina se transforme en club d'Addis, encore !

Belle jam !

Joachim Expert trio au péristyle.

Lumineuse soirée d'été au Péristyle les 25 et 26 Juillet !

Ces deux soirs le Joachim Expert Trio jouait au Péristyle. Avec le diligent et précis Romain Sarron à la batterie, le preste et leste Hugo Reydet à la contrebasse. Et Joachim Expert au piano, piano électrique... aux commandes et aux compositions.

Vers 19 heures, il faisait plus frais, après les torpeurs de l'après-midi. Apparemment se préparait un concert comme un autre. Le public ici est habitué aux exploits et aux climats sonores de toutes sortes. Mais il ne cache pas son plaisir. Lorsque quelques thèmes connus sont interprétés de manière aussi délicate, souple, dynamique et lumineuse, il montre sa satisfaction. Ainsi Evidence (de Thélonious Monk) est une belle occasion de jouer avec les rythmes, les syncopes ; et les audaces de Romain rivalisent avec celles de Joachim. Et tout en finesse ! Black and tan fantasy (Duke Ellington) c'est un blues au swing convainquant. Blame it on my youth (Oscar Levant/ Edward Heyman), c'est une magnifique ballade honorée par quelques grands : Chet, Nat.K Cole, Brad Mehldau, Keith Jarrett. Joachim Expert aime les hommages : Minority de J.J. Gryce (guitariste bop)- là encore, les prises de risque rythmiques sont impressionnantes. Bill's Bounce (Charlie Parker), Camerade Conrad de Bill Evans, My heart stood still (Rogers Hart), ou encore Saturn de Patrick Maradan. Rendre hommage... à l'hommage : c'est Pierannunzi, le thème composé par l'ami Grégory Jouandau en l'honneur du pianiste italien.

Bref honorer la musique. Et puis la grande aventure. Joachim n'est pas seulement un pianiste élégant précis et lumineux, c'est aussi un compositeur prolixe et ces deux soirées ont fait la part belle à ses thèmes. Toute la tendresse du bonhomme est là : Valse Mina ;Speedy Aenor (les intimes s'y retrouveront) ...et son âme aussi : Douce Amère, un 5/4 coloré, Exil assez mélancolique, Little Sphère (le "ouf" chorus de basse !) ; et puis l'énergie vitale : Straight ahead : (ouf le thème "de ouf" !) Babel qui dévide ( ?) le fil (électrique) de Chick Corea. Et enfin les compositions en l'honneur des musiciens aimés : Mister M.P. (le premier lecteur capable de mettre un nom derrière ces initiales et contactant J.R.A. aura droit à une place gratuite à un concert... de mon choix - entre jazzophiles nous finirons par nous entendre !-) Et Brad is coming for dinner : la devinette ici est un peu trop facile ; le thème lui est savant et magnifique.

Que de lumière et d'élégance dans cette musique, quelle vitalité aussi. Le public a beaucoup aimé, nous aussi. Et puis il y avait les amis : Sylvain, Jérémie, Françoise, Nathalie, Sophie, Elsa...Par ordre de disparition progressive. La nuit était si claire et si douce! Une vraie nuit d'été.

Ces deux soirs, le Joachim Expert Trio jouait au Péristyle ! Jouait et l'enchantait !

Bernard Otternaud

Plume Trio à l'Esplanade Saint Vincent

D'ordinaire, la plume évoque, entre autres, l'insouciance, la facilité, une certaine passivité, la capacité à se laisser porter par l'air du temps, sans apporter autre chose que le plaisir de la voir décrire quelques figures d'acrobatie avant de se poser délicatement, au petit bonheur, et repartir au prochain souffle. Mais quand la plume est tenue par Sophie Baudon et qu'elle se pose sur une portée, les cadences et les harmonies n'ont qu'à bien se tenir, pas question de se laisser aller au gré du vent ! Formé il y a seulement quelques mois, Plume Trio a fait sa première apparition sur les scènes régionales au début du mois de mai dernier, et peut déjà s'enorgueillir des étapes qui figurent sur son road book. Pour leur escale à l'Esplanade, Sophie Baudon au piano, Jordy Martin à la contrebasse et Oscar Georges à la batterie ont interprété un répertoire de compositions, dont deux toutes récentes : Mantra et une œuvre encore sans nom, preuves que le trio ne s'endort pas sur ses partoches.

Que ce soit dans les harmonies ou dans le choix des cadences, le groupe ne choisit pas la facilité, y compris lorsqu'ils se lancent dans une interprétation toute personnelle de Solar, torturant les accords mineurs et majeurs de l'original ; et quand on croit (enfin) pouvoir se reposer sur un bon rythme bien binaire et bien carré pour le dernier morceau, et bien on le croit seulement, parce que ça ne dure pas plus d'une demie mesure.

L'énergie monte progressivement du début du premier set avec Dinar pour finir le second avec Chaos ; pris dans l'élan, Dinar, joué en rappel, s'en trouve transformé, dans la facture et dans la perception, aiguisée par l'écoute du concert.

Dans le cadre a priori conventionnel du trio piano-basse-batterie, l'occasion nous a été donnée d'apprécier une (très) jeune formation inventive, productive, pleine de vigueur et d'une grande modernité, dont la musique est loin d'inciter à la mélancolie, contrairement à ce que pourraient laisser supposer les titres tels que Jour de pluie, Etats d'âme et autres Méditations. Un trio à suivre et certainement à redécouvrir d'ici quelque temps, aguerri et enrichi par l'expérience de la scène ; une progression qui promet d'être intéressante, vu que la barre est déjà haute.

Michel Perrier

vu le samedi 28 juillet 2012

Malcolm Braff en solo au CosmoJazz

Ça fait trois fois que Malcolm Braff est programmé en altitude au CosmoJazz... encore une fois la météo a eu raison de lui et le concert a été déplacé dans la grande salle du Majestic, superbe palace XIXème, baroque à souhait avec en prime une belle sonorité.

Les trois cent cinquante places sont prises d'assaut en quelques minutes.

Malcolm s'installe devant son clavier et marque un temps de recueillement et de concentration avant d'entamer son récital.

C'est un improvisateur. Au cas où on ne le saurait pas il va nous le montrer. Il attaque avec fougue sur un thème aussi rugissant que le torrent qui tombe des Drus, puis la fureur laisse place à un mouvement romantique. Le morceau suivant s'annonce comme un ragtime déstructuré à "sa sauce". Il a décidé de rester dans l'improvisation. Pour ce faire il s'appuie sur une main gauche "énorme" qui donne le tempo et laisse du temps et du champ à la main droite et lui ouvre des voies.

L'école française a été complètement assimilée et il nous la ressort dans une version "braffienne" avant de basculer vers un blues en l'espace d'un quart de ton et retour à la main gauche pour construire les phrases suivantes.

Exercice périlleux, on le sent parfois en danger, la main gauche se lève comme un point d'interrogation mais tel un chat il retombe sur ses pattes et nous propose un thème inattendu.

Fin du concert. Il prépare son piano avec ce qui lui tombe sous la main, sa serviette et une bouteille d'eau. Des sons forcémment étranges font leur apparition. Il tourne autour et construit une nouvelle pièce avec cette matière, ce son de piano "bastringue", et s'en sort avec les applaudissements nourris du public qui aime autant la prestation que le personnage très côté à Chamonix.

Pascal Derathé

PS : Une gamine à la fin me dit t'as vu on dirait "Hagrid" ... j'ai dû faire une recherche pour comprendre... et j'ai bien aimé la référence :). Malcolm me dit qu'il a l'habitude de ce genre de remarque et que celle qu'il affectionne est "t'as vu c'est le Père Noël jeune" !

Tigran Hamasyan en trio au CosmoJazz

André Manoukian présente Tigran Hamasyan comme un prodige, un "mutant", qui a tout digéré de la musique classique des XIX et XXème siècles et du jazz et qui les restitue avec sa fougue et son génie. Pas faux.

Aujourd'hui il se présente en trio avec son bassiste habituel Sam Minae et Magnus Ostrom. Même si on ne reconnaît pas son nom on reconnaît le personnage, batteur du regretté groupe E.S.T.

Arménie, New-York, Suède : un beau trio cosmopolite qui va nous emmener loin.

L'album solo "A fable" sera le fil conducteur de ce concert, Tigran ayant à cœur de nous promener dans son monde.

Les morceaux commencent le plus souvent très calmement, quelques mesures mélodiques répétées. Et puis sur un signe du jeune maître, le ton gronde, la basse devient lourde, la batterie s'excite, les effets électroniques s'installent et envoient un gros son rock.

Tigran joue à l'énergie, il se lève de son tabouret, encourage son bassiste, manipule des potentiomètres cachés dans son piano, chante (ce n'est pas le meilleur moment). Les décibels crachent et cueillent le public cosmojazzien pas forcément au fait du Tigran.

Il en remet une couche en jouant avec ses samplers ce qui ne manque pas de surprendre le public peu habitué à ces effets avec un piano.

Au passage on constate la pertinence du choix du (nouveau ?) batteur. Magnus Ostrom est l'anti-thèse de Nate Wood. Son jeu est très fin et il sait s'entourer de machines et d'effets qui "magnifient" (je sais, elle est facile) son jeu et ajoutent à la légèreté de ses interventions, même s'il sait envoyer du "bois" à bon escient.

Ce concert est un enchantement. On est loin de la prestation un peu brouillonne donnée il y a quelques jours au Théâtre Antique de Vienne.

Le public enthousiaste est debout et obtiendra deux rappels. Le premier avec un Carnaval boosté à la dynamite qui fera rugir le public de bonheur et le second sur le très attendu Someday my prince will come déjà moult fois vanté ici, mais quand on aime ... On aime le mauvais traitement qu'il lui fait subir avec la complicité et l'énergie de Sam et Magnus. Un régal.

Un concert qui nous réconcilie avec Tigran en leader. Enfin !

Pascal Derathé

Sofie Sörman en duo au CosmoJazz

Où l'on retrouve une jeune chanteuse, Sofie Sörman, aperçue au concours de jazz vocal de Crest en 2010. La fraîcheur est toujours la même, un peu plus d'assurance et un album au compteur.

Elle est accompagnée d'un seul pianiste, Franco Piccino. Pour l'Apéro Jazz à l'hôtel Les Aiglons elle nous propose un répertoire composé de quelques reprises dont une chanson suédoise du XVème siècle, pas évident, et pourtant ça passe très bien, il y a aussi quelques compositions personnelles.

Le tout est agréable à écouter. Le duo fonctionne bien, Franco fait plus qu'accompagner. Intermède reposant après la dose d'énergie dispensée par Tigran.

La quatrième jam du CosmoJazz et after

Avant dernière jam du CosmoJazz, les intervenants sont désormais connus et se partagent entre improvisations et quelques standards. Le public est toujours au rendez-vous, difficile d'accéder au devant la scène. C'est bien. Le jeune Noé Huchard y a pris goût et ravit le Fender Rhodes à Malcolm Braff pour la reprise du second set. Il est plus libéré que la veille et se fait ovationner par le public qui apprécie son extrême jeunesse et son jeu. D'autres musiciens viendront occuper la scène. Des amateurs, des pros (dont le trio de Tigran). Encore une jam qui a fini "à point d'heure".

Pour notre part nous avons fait le tour de quelques bars où se produisaient des groupes divers.

Au Dérapage, minuscule estancot planqué dans une impasse mais connu du "Tout Chamonix" on a découvert le Kahiki trio. Trois allumés qui chauffent la salle avec leur salsa-groove. Un bassiste énervé qui pulse grave et un batteur clown au service du leader chanteur et guitariste qui alterne compos et reprises (G. Benson, ...). Un bon moment.

Ensuite direction le Choucas, the "night pub" de Chamonix qui recevait Fazz, un autre trio mais complètement différent. Des multi-instrumentistes. A gauche Rémi Roux-Probel, percussions, trompette, bugle et rare trombone à pistons. Au centre DJ Ménas, platines et beatbox. A droite Emmanuel André, machines et flûtes. Ces trois-là se complètent à merveille pour produire un son qui oscille entre jazz, hip-hop et clubbing. La prestation technique est intéressante.... mais ça manque un peu d'âme.

Alfie Ryner Memorial au Chateau de la Roche pour le RhinoJazz(s)

Venu spécialement de Toulouse, le Alfie Ryner Memorial se produisait deux jours de suite au Chateau de la Roche, en partenariat avec le RhinoJazz(s).

Vendredi soir, le beau temps a permis de profiter de la terrasse sur la Loire, de l'acoustique naturelle de la vallée du fleuve.

Par contre, ce samedi, les éléments ne sont pas de la partie ! Soit ! Repli stratégique dans une salle du château, ce qui me permet pour la première fois d'apprécier l'acoustique intérieure du château.

La sonorisation se révèle presque inutile, la pièce n'est pas grande, les instruments sonnent.

Les cinq gentlemen cambrioleurs d'Alfie Ryner Memorial peuvent donc commencer leur concert ! En chemise blanche et cravate, ils viennent nous conter une histoire, celle d'Alfie Ryner.

Une épopée illustrée par une musique tantôt nerveuse, sur le fil du rasoir, tantôt très aérienne, parsemée de passages narratifs.

Digne d'une BO de film, on passe du jazz au rock, du swing à l'électro.

La batterie et la contrebasse déploient la trame dramatique, tandis que la guitare, à grands coups d'effets électroniques introduit une tension, nous suspend en l'air, ou accélère la fuite en avant du héros.

Le saxophone et le trombone, eux, s'époumonent pour sonner l'alarme, tirer des coups de feu (purement musicaux bien sûr!), ou pour apaiser l'air électrisé avec de chaleureuses et longues notes.

Le caractère intimiste des concerts au château de la Roche (quelques dizaines de personnes), renforce la sensation du public de s'être retrouvé face à des conteurs venus de loin, qui repartiront une fois leur histoire terminée.

Christian-Cyril Cordat

vu le dimanche 29 juillet 2012

Ochumare au CosmoJazz

Changement de genre encore une fois pour le dernier jour du CosmoJazz. André Manoukian rappelle en présentant le groupe afro-cubain que les origines de la musique cubaine proviennent des Yorubas (Niger et autour) et de leurs tambours Juju. D'après Chucho Valdès, seuls vingt-cinq pour cent des potentialités de ces rythmes et musiques auraient été exploitées, ce qui présage d'un bel avenir pour le genre.

Le groupe Ochumare (Arc en ciel) véhicule la musique afro-cubaine, il est composé d'une chanteuse et violoniste, Yilian Canizares Ruiz, d'un pianiste Abel Marcel, d'un contrebassiste David Brito et d'un batteur et percussionniste Cyril Regamey.

Yilian commence le concert par un chant traditionnel sous forme d'offrande au dieu du chemin puis un autre dédié à la déesse de l'amour. Les instances respectées, le groupe se lâche et nous entraîne avec fougue dans une musique "caliente" qui appelle à la danse. La sauce prend et l'arrière et le côte de la salle se transforme en dance floor.

La belle Yilian irradie la scène de sa grâce et de son talent tant au chant qu'au violon. Nonobstant le niveau général du groupe on ne peut être que bluffé par pianiste Abel Marcel. Sous des airs désinvoltes ce pur produit de l'école cubaine, décidément très prolifique, semble en avoir gros sous la pédale. Il est de la même veine qu'un Harold Lopez Nussa ou un Alfredo Rodriguez, à suivre donc.

Le public a vraiement adoré le spectalce d'Ochumare et obtiendra plusieurs rappels conssentis de bonne grâce.

Kouyaté / Neerman au CosmoJazz

Le concert initialement prévu en altitude est programmé sur la place du Triangle de l'Amitié à cause de la météo incertaine. Qu'importe la pluie devant s'abstenir, la scène est montée et le concert peut avoir lieu. André Manoukian présente les deux principaux protagonistes avec déférence pour le premier et humour pour le second. Il est vrai que David Neerman semble quelqu'un de "bien barré". "Hier soir à Cham', une meuf m'a dit que j'avais une coiffure de morito !" ... il n'en fallait pas plus pour que l'organisateur fasse livrer sur scène un litre du cocktail avec plein de pailles. En plein concert Neerman invite le public à venir partager avec lui !

Côté musique on retrouve une nouvelle fois un échange qui plaît au CosmoJazz. A gauche, les balafons traditionnels tenus par Lansiné Kouyaté et à droite un vibraphone enrichi de quelques effets sous les mailloches de David Neerman. Ils sont assistés par la même équipe vue à Vienne : Antoine Simoni à la contrebasse, très inspiré et David Aknin à la batterie qui aura entammé le concert par un solo de Charley.

Le dialogue tourne vite à l'électro sur des bases de musique mandingue, musique propice au déhanchement.

Daniel Peyreplane, d'autres photographes et moi avons été éconduits, ainsi que des spectateurs, à plusieurs reprises par l'équipe vidéo qui ne voulait personne dans son champ, ce qui est délicat sur une place publique surtout avec trois caméras mobiles et omniprésentes même sur la scène. Alors pour ne pas gêner... nous sommes partis. Dommage ! La seule fausse note de ce festival très sympathique.

Pascal Derathé

Yakamoz en ouverture de la semaine de Crest

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Concert d'ouverture à Crest de ce 37ème festival. L'équipe de programmation a choisi de faire revenir Yakamoz, groupe lauréat du prix de la ville en 2009.

La composition du groupe est strictement la même, à savoir : Linda Mangeard au clavier, Gauvain Gamon à la contrebasse, Josselin Perrier à la batterie, Grégory Aubert à la guitare et la charmante et pétulante Anne Sila au violoncelle et à la voix.

L'esplanade de la médiathèque s'est transformé en véritable salle de spectacle en plein air, les spectateurs ayant pris l'habitude de cette organisation. Chacun vient avec son siège pliant et fort bizarrement un certain ordonnancement se met en place dans la disposition des rangées ce qui fait que l'endroit est noir de monde.

Après la présentation de la semaine par le président du festival Alain Bellon, le concert commence par Yakamoz, morceau très calme. Petit rappel pour ceux qui n'ont pas suivi cela signifie "reflet de la lune sur l'eau" en turc. Morceau bonifié par le scat heureux d'Anne. Elle enchaîne sur un standard Softly où l'on retrouve son talent de vraie chanteuse de jazz.

Mais il n'y a pas qu'elle, Grégory est somptueux dans ses soli de guitare, le tout bien porté par le trio piano/contrebasse/batterie.

Une entrée en matière des plus agréables pour cette nouvelle édition du Crest Jazz Vocal.

Pascal Derathé

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