Jazz-Rhone-Alpes.com

Mardi 31 juillet 2007: Jazz en France

Mina Agossi et Manu Katche

Après la soirée "Jeunes Talents", Crest accueille ce soir 2 figures d'un jazz chaleureux et rythmé.
Tout d'abord Mina Agossi que le public crestois connait bien et apprécie pour son style joyeux et son entrain communicatif. Elle sera suivi d'un des meilleur batteur du monde .. et oui ! : Manu Katche qui délaisse la scène médiatique pour montrer son immense talent aux baguettes. Bref que du bonheur ce soir.
Par ailleurs la journée est bien remplie aujourd'hui à Crest... va falloir s'organiser.

L'équipe de Jazz-Rhone-Alpes.com

mardi 31 juillet: le programme du jour

• 16h00 - Caveau du restaurant La Tartine (10 rue Peysson): Conférence: Le jazz en France à partir de l'Occupation allemande, un jazz interdit ?
• 17h30 - Place de l'église: Concours: The Sparkling Bubbles / Pink Petticoat
• 18h00 - Mediatheque: Projection du "When the leeves broke: a requiem in four acts" de Spike Lee (en V.O. , traduction spontanée par Nelson Camp)
• 21h00 - Espace Soubeyran: Jazz en France: Mina Agossi / Manu Katche

INTERVIEW DE PATRICE CATTIN

"Nous ne nous interdisons rien"

Le Zèbre mérite bien son nom. Coincé entre Vienne et Marciac en termes de calendriers, ne bénéficiant pas de la présence de grandes villes ou de grandes industries qui lui fourniraient public et aides diverses, le festival de Crest trace sa "voix" propre. Comment ? Retour sur l'événement avec le Président.

Outre la venue de Dianne Reeves, qu'attendez-vous de cette nouvelle édition ? Beaucoup! Nous en attendons surtout de réussir ce pari un peu fou d'allier talents reconnus et peu ou pas connus, de présenter un jazz intimiste et un jazz plus ouvert et d'occuper tous les champs possibles qui s'offrent à nous : l'espace en sillonnant les villages de la région crestoise, la journée en proposant de multiples animations, la découverte avec le concours, la formation avec les stages, toutes les générations avec notre "atelier mômes", le savoir avec les conférences, le risque avec notre soirée "jeunes talents". Bref de faire un festival de plus en plus multimodal , ouvert et arriver à nous faire reconnaître parmi les grands festivals !

Chaque soirée se juxtaposent à la fois une formation vocale et une formation instrumentale : cherchez-vous ainsi à éviter d'offrir des soirées strictement vocales ? Nous ne nous interdisons rien ! mais comme notre originalité réside dans cette coloration fortement vocale, nous n'avons pas besoin de concentrer sur une soirée uniquement des "voix".

Que sont devenus les lauréats des éditions précédentes ? Pour lesquels, Crest s'est-il révélé un tremplin ? Nous commençons tout juste à organiser un suivi de nos "Elus". Pour l'heure nous sommes très fiers du parcours de Mina Agossi qui a fait les stages, puis remporté le concours, puis assumé un concert d'ouverture chez nous. C'est cela que nous voulons et c'est la raison pour laquelle nous avons rajouté cette année la soirée Jeunes Talents : parce qu'il nous semblait qu'il manquait une étape.

Le jazz vocal a-t-il toujours la même importance que par le passé ? Ne manque-t-on pas notamment de nouvelles voix masculines à même de succéder aux crooners vieillissants ? Difficile de répondre car si l'on remarque effectivement une prédominance de la voix féminine, il n'en reste pas moins qu'on peut compter sur quelques grands talents comme David Lynx, Kurt Elling, Jammie Cullum. Quant à la voix, je crois au contraire qu'il y a aujourd'hui une attention plus forte de la part du public. D'ailleurs, j'ai pu noter cette année que Vienne a fait un zoom sur le vocal. Ou qu'Antibes a organisé un concours de jazz vocal : c'est peut-être un signe ?

Organiser un tel festival au coeur de la Drôme est-il chose aisée ? Vous sentez-vous autant aidé que par le passé ? Crest compte 8000 habitants! Valence 80 000. Je vous laisse imaginer le challenge d'organiser un tel festival en l'absence de grosses industries ou d'entreprises pour ce qui est du mécénat. De plus, en terme de calendrier, nous nous trouvons entre Vienne (que je remercie chaleureusement en pensant bien sûr à Jean Paul Boutellier et à son équipe avec qui nous partageons beaucoup de points communs) et Marciac, qui jouissent d'une puissance médiatique forte, ce qui rend difficile notre lisibilité. Pour cette raison, il faut organiser la résistance et croire fortement en nos chances.
Quant à votre seconde question, quand on préside une telle organisation, bien sûr on a tendance à penser que l'on n'est jamais assez aidé. Pourtant, sur la durée, les aides n'ont pas diminué et même plutôt augmenté du côté du département. En fait, contrairement à ce que certains prônent ou voudraient faire croire, sur des secteurs géographiques et économiques comme le nôtre, c'est plutôt le secteur privé qui fait défaut! Par contre nous regrettons toujours un engagement que je qualifierai de timide de la part de la municipalité.

(Interview recueillie par J.C. Pennec)

Ca c'est passé hier lundi 30 juillet

18h00:Concert Jeune public

"Les beaux Mioches", par la compagnie Courants d'Airs

Un spectacle bon enfant

Le Crest Jazz Vocal, c'est aussi à destination des enfants. La compagnie Courants d'Air a proposé hier un spectacle tout en couleurs à destination des plus petits, histoire d'initier nos chères petites têtes blondes au plaisir du jazz acoustique.
Les rythmiques basiques mais entraînantes accueillent des textes évidemment simplistes, reprenant l'univers de nos chérubins. Il est question de petits loups, de châteaux en forme de tartelettes aux myrtilles, de plages, de vacances...Ah qu'il est bon de replonger dans l'insouciance de nos plus jeunes années, où la rencontre de Mme Arrosoir et de M. Saxophone donne logiquement naissance au premier sax arrosoir de l'histoire du jazz. L'inspiration slave de certains morceaux, tendance ska rock dansant, permet de faire le lien avec le reste du festival, ce spectacle pour enfants y trouvant parfaitement sa place.
On ne peut que saluer cette initiation au jazz; expérience à laquelle le batteur Pierre Coutaudier et le bassiste Jean François Piccardi donnent suite en participant au Crest jazz Mômes, un mini stage de découverte du Jazz proposé aux 8-12 ans. On est jamais trop jeune pour apprendre.

21h00: Soirée "Jeunes Talents"

Première partie: Sophie Alour

Un sax de velours

A la tête du quartet qui porte son nom, la jeune espoir du jazz féminin Sophie Alour a ouvert hier soir la scène de Soubeyran, fief du Crest Jazz Vocal. Maniant le saxophone ténor avec une rare habilité, elle prouve avec élégance et mélodie que cet instrument mythique n'est pas réservé aux hommes, loin de là.

Du haut de ses 32 ans, Sophie Alour joue du saxophone depuis une petite dizaine d'année. Ce qui ne l'a pas empêché d'aller poser ses notes à coté de celles des plus grands, notamment grâce a sa participation au désormais célèbre Vintage Orchestra.

Et on comprend vite pourquoi: ses mélodies mélancoliques s'adaptent parfaitement au style saccadé de cette formation. La saturation, quelquefois excessive, du Fender Rhodes (clavier électronique) de Laurent Coq rajoute une dose d'acidité à ce jazz moderne. La finesse du doigté dont a fait preuve Donald Kontomanou sur sa batterie complète un tableau déjà bien riche, parfois acoustique, souvent électrique. Sans parler de l'inimitable style du contre bassiste Yoni Zelnik avec qui Sophie tourne depuis ses débuts.

En bonne leader de groupe, Sophie n'hésite pas à se mettre à l'écart du groupe pendant la représentation, permettant ainsi à ses musiciens de s'en donner à cœur joie, dans un style parfois trop torturé au goût de certains.

Au final, seul son manque de présence scénique peut apparaître comme un défaut, mais son charme et sa maîtrise du saxophone ont vite fait de réparer cela. Ses compositions personnelles trahissent ses influences new-yorkaises des meilleurs années, ce qui ne manquera pas d'en satisfaire plus d'un.

Seconde partie: Norbert Lucarain Trio

Le trublion qui fait vibrer

Pour animer la deuxième partie de cette soirée dédiée aux jeunes talents, le trio formé autour du talentueux Norbert Lucarain avait les mains libres. Le vibraphoniste hors-norme a investit la scène d'une musique envoûtante et énergique, faisant découvrir de nouvelles facettes d'un instrument que l'on croyait dépassé.

Fantaisiste, drôle, énergique, léger, habile... les qualificatifs se multiplie dès lors que l'on veut parler de Norbert Lucarain. L'un des jazzman les plus inventif du moment a pleinement mérité sa réputation d'homme à quatre mains tant sa prestation sur la scène de Soubeyran a subjugué les spectateurs présents.

De son vibraphone, instrument que l'on connaît depuis des siècles, il réussi à sortir des sons aussi inattendus qu'improbables. Son secret? Le talent, bien sur. Le travail aussi. Mais surtout sa géniale idée d'électrifier son jouet, tel les premières guitares électriques, lui permettant de moduler le son à sa guise. La musique qui s'en dégage est tout bonnement bluffante. En écoutant ces élucubrations sonores, on a l'impression de découvrir à chaque chanson un instrument différent. Preuve de la parfaite maîtrise de son art, il a même inventé un nouveau style de maillote, comprenant deux types de caoutchoucs différents, ce qui lui permet de moduler l'effet de sa frappe sur les lattes de métal. Ce fastidieux percussionniste a su s'entourer de musiciens aussi doué que lui. Nicolas Mathieux et Nicolas Larmignat rajoutent ainsi leurs pierres à l'édifice, le premier n'hésitant pas "slapper" les cordes de sa contrebasse qui en redemande, le second rivalisant de rapidité et de précision avec le maître Lucarain. Celui qui "joue de la musique pour inventer des histoires imaginaires qui parlent aux sens" réussi sans mal sa mission, l'inventivité et l'énergie qui se dégagent de son concert viennent nous chatouiller les zygomatiques. Le public en redemande, et c'est les oreilles pleines de "good vibrations" qu'il retourne dans ces pénates. En rêvant sûrement au prochain concert...

Pascal Percie du Sert

La question de Jazz-Rhone-Alpes.com à Sophie Alour :

Une femme qui joue du sax ténor, c'est assez rare, non?

"Effectivement, nous ne sommes pas nombreuses" Après un bref regard vers le ciel saturé d'étoiles, elle explique: "J'ai d'abord commencé par jouer de la clarinette. Ce sont des musiciens comme Miles Davis, Joe Anderson, ou encore John Coltrane qui m'ont fait aimer cet instrument. Le sax ténor m'est alors apparu comme une évidence, une fatalité, il fallait que j'en joue, je me sentait faite pour cela." Elle marque une pause. "C'est clair que je ne peux pas renier mes penchants pour le jazz d'outre-atlantique. Ce n'est pas voulu, et j'essaie de me tenir à l'écart de tout académisme, même s'il y en a toujours un peu. L'essentiel, c'est que je puisse faire ma musique, la faire évoluer, et que les gens qui l'écoutent arrivent à la comprendre." A la vue des très bonnes critiques ayant entouré la sortie de son dernier album "Uncaged" en mars 2007, la recette semble marcher. A quand le prochain?

La question de Jazz-Rhone-Alpes.com à Norbert Lucarain:

Vous tournez depuis le milieu des années 80, vous avez notamment été le batteur de Thomas Fersen lors de l'enregistrement de son "Triplex", et plus récemment vous l'avez accompagné en tournée... Cela ne vous dérange pas que l'on vous classe encore parmi les jeunes talents?

"Si cela peut m'aider a oublier le fait que j'ai 37 ans, pas le moins du monde! (rires) En fait, ce qui me dérange le plus, c'est la sur-médiatisation des pseudos artistes. Il faut bombarder les télés de bonne musique! C'est urgent! Il faut persuader la foule que tout ceci empêche de nombreux artistes de survivre! Si on y arrive, on aura fait un pas de géant... " Se calmant un peu, Norbert explique: "En fait, je fais du jazz dans les clubs et autres festivals pour mon propre plaisir, et je vais jouer de la variété française pour gagner ma vie. Beaucoup de musiciens de jazz le font, il faut bien avoir des revenus! D'un coté, c'est très formateur: cela t'apprend l'efficacité! Plutôt que de tourner autour du pot, tu apprend à jouer le son de manière efficace. Mais bon, ça serait quand même mieux pour tout le monde si tous ces musiciens arrivaient a vivre de leurs passions, non?"