Jazz-Rhone-Alpes.com

37^ème édition Jazz à Vienne :

Ce qu'il s'est passé le jeudi 6 juillet 2017

Le croquis et la chronique de François Robin

Kenny Neal. D'autres racines.

On a trop souvent tendance à chercher les racines du blues dans la seule mémoire africaine. C'est faire peu de cas de la multiplicité des histoires qui ont construit le peuplement de l'Amérique. Si l'esclavage a forgé une grande partie de l'identité de cette musique, la déportation des Acadiens a donné à la Louisiane une autre part de sa chair. Probablement, la mémoire sélective de notre Histoire de France a eu tôt fait d'oublier les défaites et, tout comme celui des Pieds-Noirs, le sort de ces français déracinés fait par trop tâche dans l'éloge panégyrique de notre belle nation. La considération du Grand Dérangement - déclenché par le passage de l'Acadie sous domination britannique - mériterait pourtant mieux que notre ignorance, tant cette déportation massive fût une réelle catastrophe humanitaire. La chanson Évangeline tirée du poème d' Henry W. Longfellow - qui raconte la séparation de deux fiancés - fait partie d'un des mythes fondateurs de l'identité acadienne et, plus largement, de l'affirmation identitaire des communautés franco-américaines. La séparation des familles en déportation est le moyen le plus sûr de soumettre un peuple. Voir la suite . . .

Voir le blog de François Robin

Du coin de l'œil de Daniel Peyreplane

Sur la scène de Cybèle

Swing System

Retour au jazz vocal de groupe avec deux formations du conservatoire  de Vienne. Cela commence avec une fraction de la chorale "ados" pour deux morceaux: un medley du groupe vocal Manhattan Transfer puis un extrait de la comédie musicale "Broadway".


Ensuite place au Swing System pour un répertoire exclusivement en français. Tout d'abord un thème de Baden Powell et des paroles de Nougaro pour Bidonville.
On passe naturellement par les Double Six avec Léna et Leni. Puis un thème du groupe Real Group, les scandinaves devenus LA référence contemporaine en jazz vocal : Words.

Arrive un morceau de circonstance Estate de Bruno Martino et la version de Nougaro qui devient fort logiquement Un été.

On se réveille avec Si t'as le Swing Jack puis Spain de Chick Corea qui devient L'Espagnol.

Tico Tico avec des paroles en français par Francis Blanche... c'est savoureux


Et en guise de final le Swing System nous révèle la recette du Chili con carne, encore tube du Real Group.

Pascal Derathé & photos Jazz-Rhone-Alpes.com

Zacharie

Zacharie c'était la surprise du jour, totalement inconnu des amateurs de jazz et de blues présents à Cybèle. Mais par l'effet du bouche à oreille, l'espace s'est rempli rapidement.

La marque de Zacharie Dangoin, c'est d'abord une très belle voix de chanteur folk dans le medium, feutrée, presque chuchoté parfois, mais toujours parfaitement claire, une excellente diction qui permet de profiter au maximum des textes, en anglais, une voix qui se situerait à peu près dans le triangle, Paxton, Donovan Kingston Trio. On pourrait penser à un chanteur chevronné, mais pas du tout, une expérience de chant parmi d'autres activités et une formule en trio toute récente (moins de dix concerts).

Exceptionnel le trio, magique, la voix en premier et la guitare du chanteur, une guitare de droitier joué par un gaucher, grave en bas, ça donne des sonorités un peu différentes de ce que l'on a l'habitude d'entendre, plus claquantes dans le medium et l'aigu et Zacharie en joue très bien. Inhabituel parmi les claviers dans cette musique, entre folk, blues et country, un synthé, parfaitement maîtrisé par Teddy Elbaz, un synthé qui sait se faire enveloppant, discret, mais néanmoins indispensable à l'ambiance général du groupe. Fred Brousse, musicien de talent et de grande expérience, à l'harmonica ou à la guitare, tout en nuances élégantes, fait virevolté ses notes comme des papillons rares, autour de la voix exceptionnellement plaisante du chanteur, sans la masquer, jamais. Les deux accompagnateurs sont également tout à fait à l'aise dans l'accompagnement vocal: seconde voix, harmonie.

Ce set aura été un instant de grâce suspendu au dessus du temps: envolés pendant les quarante cinq minutes du set et un peu plus, la chaleur, la fatigue et les aléas de la canicule.

Michel Mathais & photos Nathalie Jamais

Sophie Malbec

Depuis le temps qu'elle arpente les scènes hexagonales et au delà, il fallait bien que ça arrive, un premier album studio, "Road Of Blue Memories", sorti fin 2016. Album qui fera l'objet de ce set sur la scène de Cybèle.

Les chaises et les gradins sont pratiquement tous occupés dès l'ouverture du concert, le premier titre vous saisit à bras le corps et le blues ne lâche plus jusqu'à la fin. Avec sa voix caractéristique, cette façon d'envoyer le texte avec cette distanciation, parfois gouailleuse, sans emphase, que l'on trouve chez les bluesmen des origines, le blues ce n'est pas une plainte, c'est quelqu'un qui pense tout haut que la vie c'est souvent dur, des fois ça le rend triste mais des fois ça le fait marrer, et cette route qui n'en finit pas. Tout ça Sophie Malbec vous l'envoie avec beaucoup de naturel de sa voix authentique, de celles qui vous fait dresser l'oreille à la première écoute, on sursaute, il y a quelque chose qui se passe, c'est saturé de blues, la voix, la guitare et les musiciens du band qui assurent derrière comme si leur vie en dépendait. Très vite les chaises de la terrasse, qui est au dessus de la régie sont toutes occupées et les auditeurs continue d'arriver, sur cinq rangs, derrière les chaises, des spectateurs, debout, le regard extatique, hoche la tête en rythme. Voici un set mémorable dont on se souviendra, quelle après midi! Sophie Malbec enchaîne les titres, compositions originales entremêlées de quelques reprises, l'ensemble est parfait, de cette perfection que donne l'expérience, mais pas seulement, parce que le blues de Sophie Malbec c'est une vraie musique de l'âme, du vrai blues qui lorsqu'on l'entend vous pique le cœur... les yeux parfois, et puis vous tire un petit sourire, parce que l'émotion est vraie et qu'on ne saurait mieux l'énoncer.

Michel Mathais & photos Nathalie Jamais

(Pierre Capony: harmonica; Pierre Gibbe: basse ; Yannick Urbani: batterie ; Sophie Malbec: guitare, voix)

Flo Bauer

Le jeune Alsacien Flo Bauer qui s'est fait un nom grâce à The Voice (encore un) s'est découvert une vraie passion pour le blues et le chante avec un métier déjà bien rodé.

Crânement, seul enscène, il nous offre une prestation très fraîche et emplie de sincérité accompagné de sa seule guitare et d'un cajon. Une bien belle voix qu'on l'on reverra sûrement sur d'autres scènes de blues de la région

Pascal Derathé & photos Nathalie Jamais

Blowin in the Blues

Cincinnati Slim Duo

Les Improvisations Picturales

Pendant le festival de Jazz à Vienne du 29 juin au 13 juillet 2017, SOLOSARY organise, en partenariat avec Jazz à Vienne, les Improvisations Picturales de Jazz les jeudis, vendredis, samedis et dimanches au pied de la Scène de Cybèle pendant le set de 16h00.

Les Improvisations Picturales de Jazz, c'est un concept :

• deux peintres,
• deux toiles de 0,80m x 0,80m,
• de la peinture acrylique... et le jazz.

Neuf après-midi, durant le Festival de Jazz à Vienne, pendant lesquels deux peintres différents sont invités par SOLOSARY à réaliser la performance d'improviser, en public et dans l'esprit du jazz, une toile en lien avec la musique exécutée sur la scène de Cybèle.

Les Improvisations Picturales de Jazz, c'est un objectif artistique et culturel :
Permettre au public de regarder la musique, de voir les sensations, les sentiments par elle provoqués, appliqués sur une toile, comme un miroir que lui tend le peintre...
...et de prolonger l'éphémère d'un son déjà disparu en exaltant sa mémoire...

Au Théâtre Antique en soirée

Mr sipp

Voir la chronique du Club de Minuit

Kenny Neal

Natif de la Nouvelle Orléans dans une famille de musiciens, Kenny Neal a toujours baigné  dans le blues de la Louisiane et du bayou. Reconnu aussi bien comme guitariste harmoniciste et chanteur Kenny Neal dispose déjà d'une abondante discographie notamment sur les labels Alligator et Telarc . Il est revenu sur le devant de la scène en 2016 avec l'album "Bloodline" (Cleopatra 2016) qui a été nominé aux Grammy et qu'il défend sur scène avec  une formation ou l'on retrouve son frère Darnell à la basse et Fred aux claviers complété par le batteur Bryan Morris et un deuxième clavier Brandon Adams.

Très content de revenir à Vienne ou il n'a pas joué depuis 2003 (c'était avec son complice harmoniciste  Billy Branch) il dédie au public  It's been so long où sa guitare Fender patiné s'envole superbement pour bien nous dire qu'il faut toujours compter sur lui. Il nous le prouve encore sur le classique Since I met you baby qu'il a inscrit depuis longtemps à son répertoire et où il parvient non seulement à faire chanter sa guitare mais aussi le public qui connait ses classiques. Pour mettre en avant ses talents d'harmoniciste, il fait également appel à un ancien titre Howling at the moon  qu'il termine en utilisant une steel guitar. Sinon ce sont naturellement les titres de "Bloodline" qui occupent une place prépondérante dans le concert avec les nostalgiques Funny how time slips away, Plain old common sense et bien sur le vibrant hommage au grand  BB King avec Thank you BB King enregistré avant le décès du guitariste et dans lequel il le remercie d'avoir ouvert la voie avec sa Lucille.

Pour terminer le concert Kenny Neal nous convie à un voyage vers sa région natale avec un traditionnel Zydeco venu du fond du bayou qu'il enchaine  avec l'hymne de la Nouvelle Orléans When the saints go marching in.

En résumé un set bougrement efficace qui met l'accent sur les multiples facettes des talents de Kenny Neal tant à la guitare qu'à l'harmonica sans oublier une  voix puissante et sans faille. Un beau retour à Vienne.

Gérard Brunel & photos Martin Stahl

Vintage Trouble

En regardant Kenny Neal quitter la scène, je n'ai pas pu m'empêcher de penser qu'on nous avait quand même bien balader avec toute cette imagerie du bluesman damné. Moi j'imaginais Bobby Blue avec le visage déformé par la peine en train de chanter Ask me 'bout nothing et je croyais qu'il fallait s'être fait piétiner le cœur par un troupeau de taureaux pour faire sonner Lucille... J'ai une playlist spéciale sur spotify libellée "en cas d'extrême nécessité" pleine de trésors de lamentation par Buddy, Boz, BB ou Sumlin qui chantent le désespoir de leurs vie en faisant pleurer leurs guitares sur leurs amours perdus.

FAUX !

Y'a pas plus happy sur scène qu'un mec qui chantent qu'il a perdu son job et que l'amour de sa vie le trompe ! Entre chaque note, un sourire qui dévoile plus de dents que le chat du Cheshire. Moi, quand j'me fais larguer, je passe mes journées en pyjama dans mon canapé à manger de la glace et des cookies en regardant des rediffs de Friends... Quand j'ai fait part de ma réalisation à une amie, elle m'a répondu "Avant ils chantaient le blues. Depuis, ils ont signé chez Universal." Je crois que ça résume assez bien le concert de Vintage Trouble. On a gardé de blues le libellé et le reste, c'est du gros show à l'américaine funky et assez bien rodé (bon, sauf qu'ils sont chez Blue Note, mais c'est plus ce que c'était !)

Emmené par l'énergie incroyable de Ty Taylor, le quatuor (qui s'est ici fardé d'un cinquième membre, bien caché derrière son synthé) ne lésine pas sur la mise en scène. Pas de danse façon James Brown, sauts et mouvements du bassin suggestifs "one, two, three, push your pelvis with me", la sex-machine est lancée ! Chauds comme la braise et complètement déchaîinés, rien n'arrête les Vintage Trouble. On adore le côté rétro soul qui se mêle au rock'n'roll des années 60, un peu moins l'effet match de Roland-Garros et les deux roadies ramasseurs de câbles qui courent sans arrêt de chaque côté de la scène.

Le public à ses pieds, Ty fais des allers-retours dans les gradins du Théâtre Antique, saluant au passage la foule présente pour lui ce soir. Ce sont les "Troublemakers" (fauteurs de troubles), petit nom que se sont donnés les fans, façon shipping à l'américaine. Entre deux morceaux, une anecdote toute droit sortie de Las Vegas Parano sur un trip aux champignons et il n'est pas exclu que certaines substances aient circulé ce soir lors de la séance de coiffure de Richard Danielson (batterie) qui s'est retrouvé affublé de deux magnifiques tresses à la Laura Ingalls... Il y a des choses qui ne s'expliquent pas ! Les succès du groupe s'enchainent de Total Strangers à Blues Hand me Down, on aura même la chance d'avoir un aperçu du futur album juste avant Run Like the River, avec ce nouveau morceau où Tyler sort son trombone.

Dans l'ensemble, ça envoie du lourd, c'est groovy à souhait, sexy, ça bouge comme un rodéo (baby !) mais c'est pas vraiment du blues, hein les gars, on m'la fait pas !

Le vrai blues, il était bien caché dans son écrin de Cybèle, là où Mr Sipp poursuivait sa route le long du Mississippi. Si les Vintage Trouble n'ont pas eu de mal à soulever la foule du Théâtre Antique, Mr sipp (de son vrai nom Castro Coleman) à littéralement enflammé le théâtre municipal, histoire de conclure cette soirée par du blues. Du sol au second balcon, les festivaliers en transe se sont déchainés au son de la Gibson du maestro qui a profité de l'intimité du lieu pour se rapprocher du public et jouer au milieu de la foule, ou encore debout sur les chaises du club, sans jamais laisser échapper une note de travers. On l'appellera désormais Master Sipp. 

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PS: j'ai osé glisser dans ce papier la référence la plus ridicule de l'histoire de la chronique musicale ! Le premier qui la trouve gagne une pinte !

Claire Jalmain & photos Martin Stahl