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37^ème édition Jazz à Vienne :

Ce qu'il s'est passé le mardi 4 juillet 2017

Le croquis et la chronique de François Robin

Yaron Herman Trio. Ce qui vit en nous

Heureux ignorant, j'ai la chance de vivre comme autant de révélations mes premières rencontres avec de grands artistes. L'empreinte qu'ils laissent alors sur ma mémoire vierge s'enfonce avec le même craquement léger que le feraient des pas sur la neige nouvelle, la sensation d'un silence de velours, caressant et habité.  Je prends alors le temps de laisser s'imprimer en moi sans préjugé la musique de ces nouveaux mondes tandis que, tout autour, s'affairent les cliquetis de mes amis photographes. L'attente aussi est un luxe. Voir la suite . . .

Voir le blog de François Robin

Du coin de l'œil de Daniel Peyreplane

Sur la scène de Cybèle

Big band du Conservatoire du CRR de Lyon

Un set en deux parties avec pour commencer le "Big Band Junior" sous la direction de Thierry Seneau qui hisse cette jeune formation à un beau niveau. On remarque particulièrement les prestations de la chanteuse Rita qui a bien mûrit et du tout jeune Jules Regard au trombone, déjà un vieux routier des scènes de Cybèle, mais il faut aussi mentionner Jean-Salim Charvet lead-alto, Achille Alvarado lead trompette, Marc Ethan Audel au sax ténor pour leurs interventions et le jeune Jon Boutellier trop timide pour prendre un solo. Côté musique ils nosu ont proposé quelques reprises comme Bye bye Black bird, Solar ou encore What a Diff'rence a Day Made arrangé par Rob Mounsey qui a fait les arrangements du dernier projet du Keystone Big Band autour de la musique de Disney....

Ils cèdent la place au Big Band du CRR emmené par Bastien Ballaz. Que de la bonne graine. On garde en mémoire les chorus d'Odelson Laurent et les  interventions de la chanteuse Camille Martin, notamment sur la jolie version de Cry me a river (l'adaptation fait epour Cecile McLorin Salvant)

Pascal Derathé & photos Jazz-Rhone-Alpes.com

Tatiana Alamartine solo

C'est une belle gageure que de tenter un concert en solo pour une jeune pianiste. La réussite était pourtant au bout du set pour Tatiana Alamartine. Elle a su saisir son public avec une musique toute empreinte d'émotions, émotions que l'on peut lire parfois sur le visage de l'interprète. Son interprétation pleine de fraîcheur, de compositions originales que traversent parfois Bach ou Debussy, ou que vient réjouir un swing bien balancé et parfaitement maîtrisé, a touché le public qui, ainsi que me l'ont dit mes voisins, serait bien resté un peu plus longtemps pour l'entendre. On ne peut, en effet, être étranger à ce flot de sensations et d'émotions de tous ordres qui nous caressent, dont quelques unes ne sont pas sans évoquer cette mélancolie curieusement parsemée de notes joyeuses, que l'on entend parfois dans certaines chansons de Barbara, où pointe, malgré tout, une furieuse envie de vivre. C'est avec une grâce exquise que Tatiana Alamartine a su toucher le cœur de ses auditeurs, ce qui laisse augurer pour elle d'un avenir prometteur.

Michel Mathais & photos Nathalie Jamais

Watchdog

Paradoxalement, c'est une impression de puissance que développe Watchdog, dès les premières notes, une puissance que n'aurait pas laissé imaginer la formation en duo, une puissance qui n'est pas dû au volume sonore, mais à la qualité de la construction musicale et des assemblages mélodiques et rythmiques. C'est une musique qui s'invente en permanence tout en gardant la ligne d'un propos fort et contrasté, parfaitement lisible entre les lignes. Il s'agit de mettre en évidence les angoisses et les interrogations des temps actuels, il faut pour les capter et les transmettre, sans surenchère sensationnaliste racoleuse, une énorme dose de sensibilité, beaucoup d'humilité et une honnêteté foncière. Toutes qualités que Pierre Hockmans et Anne Quillier semblent posséder indubitablement. Leur musique circule de l'agraire quand les basses labourent une terre musicale profonde, à l'éthéré quand ça chante dans les aigus, à l'intergalactique quand, à la limite des infrabasses, tremble le plancher.

Anne Quillier jongle avec les claviers, les effets et les boucles de sonorités qu'elle modifie au gré des nécessités du propos.

Pierre Horkmans joue alternativement avec ses trois clarinettes, si bémol, alto et basse, qu'il utilise de toutes les manières, souffle bien sûr, mais également claquement et percussions qu'il utilisent en boucles rythmique. Les musiciens pourraient jouer les yeux fermés tant l'osmose est parfaite, juste un regard de temps en temps dans les passages en équilibre, toujours parfait pourtant.

Emotions fortes tout au long du set pour des auditeurs en lévitation.

Michel Mathais & photos Nathalie Jamais

Florian Favre Trio

Une très agréable découverte que ce trio helvète.
Des compositions intelligentes qui racontent de belles histoires : Ur, Satellite, Synergie, Million miles away...
Un trio en osmose, une musique romantique et innovante. Des montées en tension magnifiquement maîtrisées. Un leader décontracté qui nous amuse lors de ses prises de parole.

A revoir absolument quand ils passent près de chez vous avec un programme un peu plus long.

Pascal Derathé & photos Jazz-Rhone-Alpes.com
(Florian Favre: piano ; Manu Hagmann: contrebasse ; Paul Amereller: batterie)

Combo du conservatoire de Vienne

Cedric Perrot Junior Jam

Où l'on retrouve la superbe initiative du batteur et professeur Cédric Perrot. Initiées à La Clef de Voûte, club de jazz des Pentes de Lyon, ces "Junior Jam" ont été données sur plusieurs autres scènes, dont Cybèle plus récemment.
Le principe est simple : faire jouer des gamin de sept à treize ans (voire plus car les premiers participants ont grandi) sur un répertoire prédéfini à l'avance (Moan'in ; Dat dere ; Take five ; Strasbourg Saint Denis ; Ceora ; ...) et leur offrir la possibilité de passer de l'apprentissage de la musique et d'un instrument à la participation à un vrai concert dans les mêmes conditions que les "grands", une vraie scène, du son, des lumières et ... un public!

L'expérience (qui n'en n'est plus une) est un vrai succès et c'est un ravissement que de voir ces jeunes jouer ensemble, il y en a même que l'on suit depuis plus de cinq ans. Certains pour les plus anciens sont sur la voie, puisqu'on en retrouve au Conservatoire National Supérieur de Musique et de Danse à Paris dans la section jazz.

Pascal Derathé & photos Jazz-Rhone-Alpes.com

Au Théâtre Antique en soirée

Yaron Herman Trio

Décidément il y a des journées où la succession de moments de joie font qu'au final, si on osait, on pourrait parler de pur bonheur !

Le soleil se coucherait doucement derrière la scène de Vienne les pierres du théâtre antique seraient encore bien chaudes,Yaron Herman ce jeune pianiste Franco-Israélien entamerait alors son concert par une douce introduction aérienne pour une mise en bouche délicate avant de dérouler avec son trio ses dernières pépites.
Pince moi pour voir !

En effet Yaron Herman présente ce soir essentiellement les titres de son dernier Album "Y" son deuxième chez " Blue Note Record ". Il reconduit surtout dans cet enregistrement son duo hyper-créatif avec le batteur Ziv Ravitz déjà présent dans le très réussi " Everyday" sorti en 2015.
Ces deux là forment un projet à eux deux, quand ils sont ensembles ils sont comme en fusion totale, un peu comme le sont Brad  Mehldau et Mark Guiliana  qui ont nommé leur duo  du même genre "Mehliana" illustrant ainsi leur fusion.
Bastien Burger complète le trio à la basse , mais aussi au clavier électronique et aux chants, c'est lui qui assure les parties chantées par Mathieu Chédid et Hugh Coltman dans l'album en les reprenant à son compte avec beaucoup d'originalité.
Curieusement c'est la première fois que Yaron Herman est présent à Jazz à Vienne alors que c'est un habitué de Marciac, l'année dernière son concert là bas avait été largement vampirisé par Mathieu Chédid qu'il avait invité, me laissant totalement sur ma faim.
Ce soir c'est la revanche! le vrai Yaron Herman est sur scène délivrant un pur jazz plein de fantaisie , d'improvisation et d'électronique: Un jazz des temps modernes.
Legs to run est un morceau electro-acoustique étalon me semble t'il fait de boucles qui s'emballent  propice à des envolées improvisées.
Une heure c'est court pour cet artiste créatif, lumineux et sans concession;
la lumière du jour est encore présente quand il sort de scène ...
mais il y a encore deux concerts à venir et quels concerts! qui viendront compléter la sensation du jour: Happy !

Jean-Marc Aguirre & photos Olivier Galéa

Anne Sila & Magnetic Orchestra

Les trois garçons du Magnetic Orchestra investissent la scène dans le bleu des projecteurs. D'entrée, c'est jazz, ça swingue ! Anne les rejoint et entame un scat introductif à I love beeing here with you de Peggy Lee, chacun pouvant prendre pour soi le texte du standard. La chanteuse drômoise entrecoupe les paroles d'échanges scatés avec ses complices.
Un rapide "Bonsoir Vienne, bonsoir à tous !" précède le premier couplet de Ain't misbehavin de Fats Waller. Les soli du  contrebassiste François Gallix et  du pianiste Benoît Thévenot précèdent un nouveau scat avant la conclusion en paroles.
Anne Sila présente alors ses musiciens et entame a capella Demain dès l'aube, poème de Victor Hugo qu 'elle a mis en musique. La tension monte, l'émotion est grande, les instruments épousent les mots et les vocalises, le murmure devient cri. L'œil s'humidifie dans le crépuscule... 
Ballade de Kurt Cobain, In Bloom laisse beaucoup d'espace aux musiciens. La fine fleur du jazz hexagonal atteint le nirvana ce soir.
In walked Bud de Thelonious Monk nous promène en territoire bebop et le scat endiablé de Anne déchaîne l'enthousiasme des amateurs de jazz rassemblés sous la lune.
Introduit piano-voix, Every breathe I take ne manque pas de souffle et procure un premier frisson. Composition originale, Tends-moi les bras commencée dans la douceur tend vers la fièvre de son final tonique et torride.
Les mailloches, puis les baguettes de  Nicolas Serret donnent le ton et le tempo de Tight de Betty Carter qui termine façon swing & scat ce trop court set. Devant une standing ovation, emporté par la foule, un rappel s'impose.
N'en déplaise aux académiciens intégristes, c'est en anglais que nous savourons Hymn to love d'Edith Piaf qui en son temps aussi l'interpréta dans la langue originelle du jazz. C'est aussi ça la french touch !
De plus en plus professionnelle, l'adorée Sila chante dans la cour des grandes. Toujours avide d'expériences, elle se frotte à d'autres cultures musicales mais n'oublie pas ses racines jazz. Ne jamme-t-elle pas régulièrement dans les clubs avec ses potes dès qu'elle le peut ? On n'avait pas entendu autant de scat sur la grande scène depuis belle lurette ! Espérons la revoir très bientôt et ressentir à nouveau ce si agréable frisson...

Christian Ferreboeuf & photos Olivier Galéa

Vincent Peirani & Emile Parisien Octet

C'est avec le saxophoniste Émile Parisien et l'accordéoniste Vincent Peirani, l'un des tandem les plus talentueux du jazz français, que se clôturait en beauté cette soirée ''french touch'' de l'édition 2017 de Jazz à Vienne. Deux virtuoses,respectivement "Révélation de l'année" et "Artiste de l'année" aux Victoires du jazz 2014 qui depuis, essaiment les scènes européennes et y sont fort justement acclamés.

Ils sont venus accompagnés  des derniers compagnons de route de l'immense claviériste Joe Zavinul, disparut il y a dix ans maintenant, fondateur avec Wayne Shorter, d'un des groupes les plus explosif et emblématique du jazz fusion : Weather Report ( bulletin météo), avec qui les deux siamois ont choisi de se produire ce soir :
Paco Sery à la batterie, qui perpétue la tradition à la tête de ''Sixun'', Linley Marthe bassiste atypique dont le jeu, fortement imprégné des traditions des musiques africaine et indiennes a depuis longtemps, touché le public par la nervosité de jeu, son sens du rythme et sa virtuosité ;
Mino Cinelu, percussionniste, poly-instrumentiste, à la fougue percussive puisant la richesse de son propos dans la tradition caraïbe, sachant faire rythmer et sonner tout ce qu'il touche, du triangle au woodblock en passant par les sifflets et les appeaux, tirant toutes sortes d'éclat sonores aussi bien de l'udu ( cruche du Ghana), de cloches à vache, de petites cymbales (cups, splashes ou chinoises), alliés avec bonheur à un outillage électronique très sophistiqué, heureuse synthèse entre tradition et modernité, enrichi par un travail incroyable des congas qui donnent toute l'ampleur de son inspiration.

La relève du jazz français est aussi de la partie, avec le guitariste coloriste Manu Codjia, le maître du Fender Rhodes, Tony Paeleman, et le chanteur percussionniste Aziz Samahoui.

Ensemble, les huit musiciens célèbrent la musique de Zawinul à travers un mélange de cultures et d'influences musicales exceptionnels; il fait nuit, la température est étouffante, la météo annonce des ruptures violentes et l'anémomètre est en train de s'affoler : turbulences sonores, synthétiseurs orageux ou nappés, cymbales grêlées, congas caniculaires et basses cycloniques forment un torrent de jazz naturellement et singulièrement métissé, à base de mélodies chantantes et d'une sorte d'allégresse rythmique d'une relative sophistication et d'une cohérence hors du commun.

Un souffle puissant, tirant son énergie de la complicité évidente, lumineuse tant artistique qu'humaine du duo Vincent Peirani - Emile parisien, servit par des solistes de haut niveau a traversé ce soir les arènes de Jazz à Vienne.

Elie Béraha & photos Olivier Galéa