Jazz-Rhone-Alpes.com

37^ème édition Jazz à Vienne :

Ce qu'il s'est passé le vendredi 30 juin 2017

 

 

Du coin de l'œil de Daniel Peyreplane

Sur la scène de Cybèle

Big band du CRR Saint-Étienne

Cette année le big band du CRR de saint etienne nous a concocté un répertoire centré autour d'œuvres de Charlier & Sourisse dont le très attendu Le chat et la souris. Formation avec laquelle , en association avec les conservatoires de Vienne et de Bourgoin-Jallieu, ils ont effectué une résidence, histoire de travailler avec les auteurs les arrangements qui passent du quintet au big band, exercice intéressant.

Place ensuite au graal des big bands modernes avec des reprises des Snarky Puppies. Groupe qui fait saliver tous les jeunes musiciens épris de jazz en grande formation (et cela se comprend quand on les a vu et revu en concert).
Ils reprennent deux morceaux : Quarter master et Pinky, autant dire qu'en quelques minutes le soleil est revenu sur Cybèle.

Pascal Derathé & photos Jazz-Rhone-Alpes.com

Le tremplin ReZZo-Focal et ses trois  groupes suivants

Joran Cariou Trio

Quatrième participant du tremplin ReZZo-Focal, ce trio "classique" piano/contrebasse/batterie nous est envoyé par "Jazz magazine" et représente la région parisienne.

"Pas facile de renouveler le trio me dit mon voisin musicien et ami, il faut passer après E.S.T. et Brad!"

Pas facile en effet et ces trois-là ne s'y essaient pas mais nous offrent un set d'excellente facture plutôt personnel.

Les compositions du pianiste et leader Joran Cariou sont élégamment balancées et plaisantes à l'oreille. Chacun y trouve sa place, le contrebassiste, Arthur Hennebique, a des postures qui ne manquent pas de nous rappeler Avishai Cohen à ses débuts.

Le batteur Stéphane Adsuar alterne entre légèreté et frappes modérément musclées.

Pascal Derathé & photos Jazz-Rhone-Alpes.com

Tie-Break

Deuxième Trio piano basse batterie de l'après-midi. Tie break nous vient de Marseille, un trio de potes musiciens qui s'est formé pour le plaisir de jouer ensemble sans projet particulier à la base.

Bien leur en pris, ils nous proposent une jolie surprise. Un jazz décontracté dans code particulier. On passe par du blues, du jazz moderne, un soupçon de reggae, un doigt de hip-hop.

Une musique joyeuse sans concession à la qualité de la prestation.

A revoir sans hésitation.

Pascal Derathé & photos Jazz-Rhone-Alpes.com

(Cyril Benhamou: piano ;  Patrick Ferné: contrebasse ; Gérard Gatto: batterie)

Gauthier Toux Trio

C'est en 2014 que le public de Cybèle avait eu le bonheur de rencontrer le trio du pianiste Gauthier Toux, qui avait surpris par sa maturité et la richesse de ses propositions.

Cette année, malgré la présence quasi simultanée dans les arènes de Manolo Badrena, Abd Al Malik et Mina Agossi, accompagnés du pianiste Ahmad Jamal, ce public avait clairement fait son choix ( et tout le monde sait que le public en question n'a pas toujours tort), se précipitant pour apprécier le jeu d'un pianiste que l'on décrit depuis pas mal de temps comme ''surdoué'', atteignant incontestablement des sommets de maîtrise inspirée, avec cet art consommé de mettre l'auditoire en apesanteur, le trio exprimant un jazz que l'on peut qualifier d' ''en mouvement'', surfant avec brio sur des chemins nous conduisant vers des aurores boréales, des grandes steppes, des déserts parfois, des lacs aussi ou des méga- métropoles, avec pour toute boussole : l'improvisation.

Elie Béraha & photos Jazz-Rhone-Alpes.com

(Gauthier Toux: piano ;  Keneth Dhal Knudsen: contrebasse ; Maxence Sibille: batterie)

  

Les Improvisations Picturales

Pendant le festival de Jazz à Vienne du 29 juin au 13 juillet 2017, SOLOSARY organise, en partenariat avec Jazz à Vienne, les Improvisations Picturales de Jazz les jeudis, vendredis, samedis et dimanches au pied de la Scène de Cybèle pendant le set de 16h00.

Les Improvisations Picturales de Jazz, c'est un concept :

• deux peintres,
• deux toiles de 0,80m x 0,80m,
• de la peinture acrylique... et le jazz.

Neuf après-midi, durant le Festival de Jazz à Vienne, pendant lesquels deux peintres différents sont invités par SOLOSARY à réaliser la performance d'improviser, en public et dans l'esprit du jazz, une toile en lien avec la musique exécutée sur la scène de Cybèle.

Les Improvisations Picturales de Jazz, c'est un objectif artistique et culturel :
Permettre au public de regarder la musique, de voir les sensations, les sentiments par elle provoqués, appliqués sur une toile, comme un miroir que lui tend le peintre...
...et de prolonger l'éphémère d'un son déjà disparu en exaltant sa mémoire...

 

Cybèle en soirée

Well'C quintet

Une drôle de prestation que celle de cette jeune chanteuse qui n'hésite à se lancer dans des textes difficiles en Français. Cela change du classique set de jazz vocal. Camille donne beaucoup au public qui apprécie sa sincérité et sa fraîcheur.

A ses côtés une belle équipe de jeunes musiciens issus du CRR de Lyon.

Pascal Derathé & photos Jazz-Rhone-Alpes.com

(Camille Martin: voix ; Elie Branchet: sax ; Lara Humbert: piano ; Dorian Janin: contrebasse ; Elie Gouleme: batterie)

 

 

Au Théâtre Antique en soirée

Ahmad Jamal

On est tenté de parler de mécanisme d'horlogerie à l'écoute de ce quartet maintenant légendaire, mais l'analogie mécanique paraît faible pour désigner l'organisation du groupe. La métaphore biologique, en effet, semble plus appropriée, ce groupe est un organisme dont les musiciens exercent une fonction, celle du pianiste étant centrale, où chacun est lieu de mémoire. De même au-delà du groove que développe James Cammack, musicien prodigieux, c'est le souffle profond du groupe qu'il met en exergue, soutenu en cela par Herlin Riley, dont le très savant jeu de grosse caisse vient amplifier les sonorités de la contrebasse au fond du temps. L'ensemble avec les interventions judicieuses de Manolo Bandrena et le jeu éminemment poétique du leader, est un savant édifice de sons organisés à la perfection, le surnom d'architecte, dont on affuble parfois Ahmad Jamal, lui va comme un gant.

Le projet "Marseille", dédié à cette ville qu'il aime particulièrement, est organisé autour d'un thème qui revient trois fois pendant le concert. Une première fois en instrumental, en ouverture, une seconde fois au milieu, Mina Agossi, presque timidement, en tout cas de façon presque discrète, vient chanter sur le thème un texte impressionniste fort simple d'Ahmad Jamal. Sur la troisième reprise du thème, à la fin du concert, Abd Al Malik viendra dire de façon magistrale ce texte, son lyrisme le magnifiant,  pour en donner une interprétation éloquente, expressive et chaleureuse. Totalement dans le flot musical, le diseur tangue et balance déposant les mots sur les notes avec un art inspiré. Intercalés dans le cours du concert, trois perles absolument  bouleversantes de sensibilité, Motherless Child, spiritual du XIXème siècle, Baalbeck et Autumn Leaves, reprises avec une économie de moyen et une science poétique et musicale absolument saisissantes.

Michel Mathais & photos Marion Tisserand

Christian Scott

Issu de la tradition musicale de la Nouvelle Orléans, petit-fils du légendaire "Big Chief" Donald Harrison Sr, qui dirigeait quatre tribus de Black Indians, Christian Scott aime rappeler qu'il a très jeune débuté dans une de ces tribus ; après avoir collaboré avec des musiciens aussi différents que McCoy Tyner, Prince, le rappeur Mos Def, Thom  Yorke le leader de Radiohead et Marcus Miller qui lui avait demandé de se mettre dans la peau de Miles Davis pour la reprise du célèbre album "Tutu" dont le public lyonnais peut se souvenir de la captation live à l'Auditorium "Tutu Revisited" en 2009 (Dreyfus Jazz), le trompettiste Christian Scott, à trente-trois ans seulement,  a déjà  publié cinq albums sous son nom qui tous s'attache à bousculer la tradition pour proposer un jazz innovant intégrant hip hop, soul et jazz fusion que l'on qualifie maintenant de "stretch music" du nom de son album de 2015 . Depuis le trompettiste s'est lancé dans un nouveau projet "The Centennial Trilogy" qui est un hommage personnel au centenaire du premier enregistrement de jazz en 1917 à la Nouvelle Orléans par le Original Dixieland  Jazz Band. Les deux premiers volets de la trilogie ont été publié : le premier "Ruler rebel" ce printemps , le second "Diaspora" est arrivé avec les premiers jours de l'été , le troisième volet dont on connait le nom "The emancipation procrastination" devrait très logiquement débarqué avec l'automne pour conclure  la trilogie et  apporter la touche finale à l'ambition 2017 de Christian Scott qui veut démontrer qu'au plan sociétal les choses ont finalement assez peu changés ces cents dernières années notamment en ce qui concerne la population noire américaine.

Après une journée marquée par quelques problèmes de transport en territoire hispanique, Christian Scott et ses musiciens ont débarqué tardivement à Vienne au point qu'il a été préférable d'inverser l'ordre de passage de  la soirée, Ahmad Jamal ayant accepté de jouer en première partie et la formation de Christian Scott devant se satisfaire d'une rapide balance avant son début de concert. Aux cotés de la trompette et  bugle coudés de Christian Scott on retrouve les principaux protagonistes du projet "Centennial Trilogy",  à commencer par l'époustouflante flutiste Elena Pinderhughes et le fidèle Lawrence Fields aux claviers et piano, bien soutenu par Luques Curtis à la basse et Mike Mitchell à la batterie. Musicalement bien inscrite dans la lignée et la tradition de la trompette jazz de Louis Armstrong à Wynton Marsalis en passant par le Miles Davis le plus électrique, Christian Scott étire et  pare le son de sa trompette des plus beaux effets permis par les techniques actuelles. Mais  sans contestation ici ce soir le plus beau complément à sa musique est l'apport de la flute d'Elena Pinderhughes qui se mélange merveilleusement à la trompette de Christian Scott . Sur certaines compositions comme le titre Diaspora ou Completely, elle fait même plus que jeu égal avec son leader,  nous déroulant des  chorus savoureux qui enrichissent émotionnellement une musique que l'on pourrait trouver trop chargée d'artifices.

Malgré une pluie agaçante, le public a très bien réagi à cette musique témoignant sa satisfaction pour les belles notes amplifiées qui s'envolaient dans le théâtre antique avec une qualité sonore  que le premier enregistrement de jazz ne permettait pas d'imaginer en 1917 ... !

Gérard Brunel  & photos Marion Tisserand

Au JazzMix

Jazz & Dance : Connection Dc ; Vortex : Instinct / Antoinette Gomis : Images Tribute to Nina Simone

Pour souffler ses dix bougies, le JazzMix réintègre la scène viennoise sous une formule inédite, en alternance avec le Club au théâtre municipal. Les noctambules habitués du Magic Mirror se sont fait à l'idée depuis l'année dernière, il n'est plus question de déambulations tardives sur les quais du Rhône car c'est désormais à Cybèle que le "Mix" a pris ses quartiers. Fidèle au poste, Harry Cover lance l'after depuis le kiosque. Au moment où j'arrive, c'est un triptyque détonnant de tubes d'Eminem, Dr Dre et Blackstreet qui me rappelle mes premiers flirts avec la West-Coast et ma fascination -Ô combien malheureuse- pour les baggys et les vestes de survêt' trop grandes. J'ai le générique du "de Bel Air" qui résonne dans ma tête. Pour ma défense, j'avais 10 ans en l'an 2000.

Comme prémices à la soirée du lendemain au théâtre antique, ce sera donc sous le signe du hip-hop que l'on célèbre ce soir la renaissance du Jazzmix. Reza Ackbaraly, le grand manitou du Mix, nous a concocté un soirée surprenante et originale avec deux sets de dance hip-hop. Un habitué du Club de Minuit se demande où sont passés les instruments et me demande s'il est arrivé trop tard.

"Non, ça n'a pas encore commencé.

- Ah, mais où sont les musiciens ?

- Il n'y en a pas, ce sont des danseurs."
Et sur-ce, il a fait demi-tour. Bien mal lui en a pris !

En premier lieu, la scène accueil le DC Vortex, un collectif hip hop fondé en 2012 par Yugson Haws en parallèle du Wanted Posse, célèbre "crew" français qui a été sacré champion du monde en 2001 et connu pour son passage dans l'émission Incroyable talent. Le Wanted a été le précurseur d'un mouvement qui n'a cessé de croître par la suite et de faire briller la France à l'international, dans une discipline bien souvent oubliée (avec notamment le Pockemon crew, les Vagabonds, Les Twins, etc.). Car oui, s'il y avait des battles de hip-hop aux JOs, on aurait surement plus de médailles qu'en gymnastique ! C'est donc sans surprise que le DC Vortex a envoûté la salle avec ses mouvements saccadés, déchainés et pourtant empreints de beaucoup de poésie, comme ce numéro de funambules sur une corde de lumière. Après un court entracte, c'est Antoinette Gomis qui investit le théâtre pour un hommage à Nina Simone, à ses racines et la femme noire en général. Seule sur scène, la jeune danseuse chorégraphe jongle avec les émotions et pour elle aussi, beaucoup de poésie. Entièrement possédée, elle incarne son personnage de tout son corps, bercée par la voix de la grande Nina.

Je vous assure, la danse fait bien partie du Hip-Hop. Je vous assure, le Hip-Hop c'est bien du jazz. Et si d'autres déserteurs me lisent aujourd'hui, s'il vous plait, ne faites pas demi-tour la prochaine fois que vous mettez les pieds dans un "concert de hip-hop". 

Claire Jalmain & photos Christophe Charpenel