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37^ème édition Jazz à Vienne :

Ce qu'il s'est passé le jeudi 29 juin 2017

Du coin de l'œil de Daniel Peyreplane

Au Théâtre Antique le matin

Richard Bona

Le bassiste et chanteur camerounais, Richard Bona, se présente devant un Théâtre Antique rempli de gamins. C'est la fête des écoliers, comme chaque année pour l'ouverture de la quinzaine viennoise.

Il nous promet un set d'héritage , un pont entre l'Afrique et les Caraïbes. Le rythme sera donc au  rendez-vous. Il reprend avec son trio quelques thèmes traditionnels et des chansons archi-connues comme Guantanamera,ou  encore Une chanson douce qui stimulent les voix du public.

Entre en scène le renfort, une soixantaine de jeunes percussionnistes, chanteurs équipés de triangles, bongos, claves et autres instruments percussifs. La petite troupe danse et joue sur scène et accompagne Richard Bona. Ce dernier fait participer le jeune public qui ne se fait pas prier. Le spectacle est dans les gradins. Les cirés et ponchos multicolores offrent une vision chamarrée. Ça danse, ça chante, ça crie, c'est heureux!

En trente-six petites minutes Richard Bona aura fait montre de pédagogie. On aurait bien aimé en reprendre un peu.

Pascal Derathé & photos Jazz-Rhone-Alpes.com

Sur la scène de Cybèle

à 12h30 : Helmhurst College Jazz Band

Cette édition à Cybèle est baptisée. Dès les premières notes du rutilant "Elmhurst College Jazz Band" de Chicago une belle averse s'est abattue sur Vienne. Cela n'a découragé ni les musiciens, ni le public ni les techniciens. The show must go on.

Le Big band dirigé par le respecté Doug Beach fait appel aux grands noms des arrangements pour big band : Bob Brookmayer, Duke Ellington. On ne peut pas se tromper.

Avec malice il introduit le standard Come rain or come shine  ... qui fera revenir la pluie, alors on change,  direction le sud avec A Night in Tunisia ou un Tea for two bien nerveux.

Une belle machine qui ronronne bien fort.

Pascal Derathé & photos Jazz-Rhone-Alpes.com

Le tremplin ReZZo-Focal et ses trois premiers groupes en lice

Six-Ring Circus

Six-Ring Circus, étrange nom pour un quintet, mais pas étrange la musique qu'il produit, inventive et poétique plutôt.

Ce qui saute aux oreilles et aux yeux, c'est d'abord la solidité des individus: une batteuse, Elvire Jouve, tout d'abord qui montre beaucoup d'énergie quand il le faut mais sait jouer l'accompagnement en douceur quand la nécessité s'impose. La combinaison avec le jeu puissant de l'excellent bassiste, Alexandre Phalippon contribue fortement à pousser Baptiste Ferrandis guitariste inspiré, lequel n'en demande pas tant pour s'envoler dans des chorus qui rappellent l'énergie du rock et du blues, mais avec une imagination débordante et quelques centaines d'accords en plus. Célia Forrestier au chant n'est pas en reste, jongleuse funambule de la voix, elle utilise deux micros, un sans fil contrôlé classiquement par l'ingé-son, et un filaire branché sur un pédalier qui permet à la chanteuse d'utiliser écho, réverb, boucles, saturation, harmonies vocales et autres, le tout avec science et discernement. On est loin de la jeune chanteuse qui nous ravissait en revisitant remarquablement quelques standards. On mesure la somme de travail qu'il a fallu pour en arriver là où elle en est actuellement. Le résultat, plus qu'intéressant, est étonnant et riche dans l'instant et prometteur pour l'avenir. Nimbant le tout d'un nuage de notes tirées de ses claviers, (piano, orgue et synthétiseur), Elie Dufour encadre, souligne, tire, pousse, puis nous émerveille avec des chorus sensibles d'une grande force expressive.
L'ensemble est très équilibré et d'une grande cohésion. Ce groupe, par sa fraîcheur de style, rend accessible une musique complexe et nous rend perceptible une poésie collective d'une grande sensibilité.

Michel Mathais & photos Jazz-Rhone-Alpes.com

Endless

Changement d'atmosphère avec ce duo piano saxophone soprano, atmosphère musicale et climat poétique nouveaux pour musiques différentes. Le romantisme parfaitement assumé joue avec nos nerfs,  dominant la catastrophe, onques n'y sacrifiant. Alternant les descriptions imagées, plaines et montagnes, fleuves puissants, voyages cosmiques, la musique de ce duo parfaitement en place, sons très purs, cadences subtilement équilibrées ou "impairement" en rupture, nous entraîne au bord des gouffres sans y tomber jamais. Reste l'appréhension d'une inquiétude diffuse. De sensations prosaïques en sentiments éthérés, le duo nous conduit, par de longues plages musicales rêveuses, sur des sentiers escarpés et mélancoliques, parsemés de quelques mesures ébouriffées comme fleurs qui s'ouvrent en un printemps venteux. D'une insoutenable rigueur, approximation rigoureuse, exactitude discursive, la musique nous emporte vers des contrées en suspens. Romantique disais-je; à souhait!

Michel Mathais & photos Jazz-Rhone-Alpes.com

(David Haudrechy: sax soprano ; Greg Aguilar: piano)

Agata

C'est une groupe présenté par la Bretagne qui clôt cette première journée d'auditions du tremplin RéZZo-Focal. Des musiciens qui ont de la bouteille et qui proposent un set vocal très funky avec comme ils aiment à le préciser des références à Dianne Reeves, rien de moins. C'est musclé, le batteur connait son Status Quo sur le bout des baguettes. Les voix sont agréables, le rythme soutenu.

Ça s'écoute mais il me semble qu'on est loin des critères de ce tremplin.

Pascal Derathé & photos Jazz-Rhone-Alpes.com

Les Improvisations Picturales

Pendant le festival de Jazz à Vienne du 29 juin au 13 juillet 2017, SOLOSARY organise, en partenariat avec Jazz à Vienne, les Improvisations Picturales de Jazz les jeudis, vendredis, samedis et dimanches au pied de la Scène de Cybèle pendant le set de 16h00.

Les Improvisations Picturales de Jazz, c'est un concept :

• deux peintres,
• deux toiles de 0,80m x 0,80m,
• de la peinture acrylique... et le jazz.

Neuf après-midi, durant le Festival de Jazz à Vienne, pendant lesquels deux peintres différents sont invités par SOLOSARY à réaliser la performance d'improviser, en public et dans l'esprit du jazz, une toile en lien avec la musique exécutée sur la scène de Cybèle.

Les Improvisations Picturales de Jazz, c'est un objectif artistique et culturel :
Permettre au public de regarder la musique, de voir les sensations, les sentiments par elle provoqués, appliqués sur une toile, comme un miroir que lui tend le peintre...
...et de prolonger l'éphémère d'un son déjà disparu en exaltant sa mémoire...

Cybèle en soirée

Paul Lamarca Quartet

Quatre jeunes qui vont bien. 

Formés dans les bonnes écoles du jazz à Lyon, ces musiciens jouent leur musique. Un jazz moderne et frais, des compositions essentiellement mais aussi quelques reprises comme un Bemsha swing surprenant. Cela reste très accessible et le public apprécie technique et spontanéité.

Pascal Derathé & photos Jazz-Rhone-Alpes.com

(Gaspard Baradel: sax ; Paul Lamarca: piano ; Cyril Billot: contrebasse ; Josselin Perrier: batterie)

Michtology

Michtology est une formation de swing manouche comme il s'en est beaucoup créé depuis quelques années, surtout depuis l'année de la célébration du centenaire de la naissance de Django Reinhardt en 2010. Année qui a marqué la relance de l'engouement du public pour le genre.

Ce groupe sort du lot par l'utilisation de trois guitares et d'un contrebassiste, juste des cordes. Les deux guitaristes fondateurs du groupe Ivan Gorlier et Grégory Aubert se sont adjoints les services du gaucher Nicolas Gavotto qui amène une pompe efficace. Les thèmes sont rondement menés. Le genre veut ça.

Michtology présente ses compositions Petit bouchon Lyonnais, Paris-Düsseldorf, ... et crée un bon contact avec le public. Bien sûr on ne se quittera sans quelques tubes du Maître Minor Swing...

Pascal Derathé & photos Jazz-Rhone-Alpes.com

(Grégory Aubert, Ivan Gorlier, Nicolas Gavotto: guitares ; Marc de Sousa: contrebasse)

Au Théâtre Antique en soirée

Laura Perrudin

Cadeau (ou pas...), auréolée de son "Talent Adami Jazz", Laura Perrudin s'est vu offrir l'ouverture de la première soirée du théâtre antique. Un peu avant 20h30, elle rejoint sa harpe et son micro. Elle joue de la harpe debout, c'est peut-être un détail pour vous, ce qui lui permet d'être mobile quand l'électronique et l'instrument se débrouillent tout seuls ! Robe noire et chaussures noires, peau blanche, bois vernis du cadre qui entoure les cordes, cheveux châtains coupés courts, la Rennaise est bien petite devant les panneaux noirs la séparant du volumineux matériel de la deuxième partie... transalpino-américaine. La musicienne joue quelques notes sur son instrument chromatique et électrique avant que la chanteuse ne s'empare de son micro. La harpe devient aussi objet de percussion quand la mailloche frappe cordes et bois. Elle nous confiait au point presse l'inquiétude de son luthier quand il l'avait vue et entendue en concert... Parfois, la harpe retrouve une destination plus "classique", mais cela ne dure pas. Laura Perrudin est dans une démarche de recherche, d'expérimentation, de performance dans l'utilisation qu'elle fait de son outil musical. Sa voix céleste (qui évoque Björk) subit aussi des traitements informatiques.

Elle propose une musique inclassable entre pop, jazz et électro. Un seul titre est chanté en français, le reste en anglais. L'essentiel du répertoire est constitué d'extraits de son prochain album, dont l'éponyme Poisons & antidotes. Elle puise aussi dans son premier opus Impressions, comme avec The song of wandering aengus. Des ballades côtoient des titres plus groove, des thèmes lumineux d'autres plus sombres. Le paradoxe est dans le mélange entre l'humain d'une artiste et l'électronique, si mystérieuse pour le grand public.

Seules les oreilles aguerries et curieuses semblent se régaler. Le "gros" des troupes emplissant des gradins combles ne paraît pas vraiment comblé... Ceux qui ont apprécié le projet et la performance, dont votre serviteur, regretteront la brièveté du set et attendront une écoute plus intime, plus attentive, plus nocturne et/ou la sortie du second cd le 22 septembre...

Christian Ferreboeuf & photos Ilsen

Zucchero

"Zucc Hero", affiché sur le fond de scène avant l'arrivée du Maestro paraissait, après coup, un peu surfait aux yeux de certains. Pas de ceux, bien sûr, qui, comme moi, béent bêtement d'admiration devant tout ce qui est italien. On peut quand même comprendre les hésitants, et il n'était pas nombreux à Vienne, qui ont trouvé sans doute, que la raucité de la voix s'était un peu polie et qu'on était loin du jazz et trop près de la variété. Mais qu'importe, l'émotion que Zucchero a ressenti en écoutant ses premiers blues est toujours présente et il sait encore la transmettre. On entend bien le rythm'n blues, le blues et même l'esprit du gospel et des negro spirituals, dans la dizaine de titres qu'il nous envoie dans la première partie du set, tous issus de son dernier album "Black Cat". La voix s'est certes adoucie quelque peu mais le groove est toujours là et la présence sur scène est prégnante, on pense parfois à Joe Cocker.

La seconde partie sera une rétrospective de quelques titres anciens qui ont eu leur succès. Mais pas tous les succès, il  faudrait plusieurs concerts pour en faire le tour complet. Bien entouré par une brigade de douze musiciens bien entraînés Zucchero se taille comme attendu un franc succès, succès mérité par ailleurs, car il ne plaint pas sa peine et nous offre généreusement trois quart d'heure supplémentaire, au temps imparti pour le concert.
Avec cette musique on n'est pas dans du jazz c'est certain, mais dans son orbite assurément.

Michel Mathais & photos Ilsen

Dans les rues de Vienne