Jazz-Rhone-Alpes.com

36^ème édition Jazz à Vienne :

Ce qu'il s'est passé le vendredi 15 juillet 2016

Le croquis et la chronique de François Robin

Selwyn Birchwood. Musique & silence.

Il y eut un blanc. Et puis plus rien.

13 juillet. La All Night Jazz bat son plein. Après la traditionnelle prestation des lauréats du tremplin de l'année dernière - les Nox.3 - la belle Robin McKelle avait chauffé le théâtre avec une prestation plus pop que jazz, tout à fait à propos avec les impératifs d'une nuit blanche. Faada Freddy avait répondu présent avec son spectacle de vocal & percussions corporelles customisées, une lointaine image de la poésie première de son art. Dans la fosse, la foule exulte. A défaut d'être complètement convaincu, je bricole mon dernier dessin en attendant de rejoindre au point presse le traditionnel casse-croûte des photographes. Délices de terrines - merci Marion - bouteilles fines, sourires complices et amis, photo souvenir. Une bise à l'ami Daniel, en apprentissage de résilience. Et puis, plus rien.

Voir la suite sur le blog de François Robin

La sélection de Christophe Charpenel

En quelques années Christophe Charpenel, un des "vraitographes" réguliers de l'équipe de Jazz-Rhone-Alpes.com, s'est fait une belle réputation dans la communauté des photographes de jazz. Il collabore désormais à de nombreux médias et a réalisé de belles expositions tant en France qu'à l'étranger. Pour cette édition nous lui avons demandé de nous proposer chaque jour sa sélection. La photo qu'il souhaite mettre en avant.

Nitai Hershkovits au Jazz Mix en morceaux.

Sur la scène de Cybèle

La journée a commencé  sur une note de tristesse et de recueillement. Toute l'équipe des permanents de Jazz à Vienne s'est retrouvée sur la scène de Cybèle et a proposé une minute de silence en hommage aux victimes de l'odieux attentat de Nice. Minute suivie dans un grand silence par tout le public debout.

Edouard Ferlet & Violaine Cochard - Bach plucked unplucked

Après une incursion dans le monde de Bach en 2012 avec "Think Bach", Edouard Ferlet revient avec son nouveau projet "Bach: Plucked / Unplucked" sorti fin 2015 , toujours autour de Jean-Sébastien mais avec un propos très différent. Ici il s'agit de déconstruire, un peu comme l'ont fait avec Mozart Théo Ceccaldi et Roberto Negro lors d'un fameux concert au Club de Minuit cette année. Il s'est adjoint la collaboration de la claveciniste Violaine Cochard, elle aussi habituée à des sauts dans le temps, Cf. le projet "Toccatram" où elle donne la réplique à la fanfare  "Tram des Balkans".

Un drôle de contraste que ce clavecin quasi totalement absent de nos scènes, richement décoré et qui a été joué par les meilleurs instrumentistes du monde nous précise son accordeur et ce piano d'un noir sobre de rigueur.

Les deux musiciens jouent côte à côte, car contrairement à ce qu'on pense, ils vont passer la plupart du set à improviser et ont besoin de voir leurs mains et d'être proches pour mieux fonctionner. Ils vont donc reprendre quelques thèmes du CD comme Je me souviens ou Utopia pour vite partir en digressions.

Après les ragas de la veille c'est encore un beau cadeau que nous propose la programmation de ce JazzMix diurne.

Pascal Derathé & photos Jazz-Rhone-Alpes.com

Egopusher

Humain, trop humain, c'est la formule paradoxale qui émerge à la surface de la conscience du chroniqueur perplexe à l'écoute de la musique d'Egopusher.

Ce duo zurichois marie les sons instrumentaux avec des sons électroniques dans une configuration très nujazz, mais avec l'originalité particulière d'utiliser un violon et une batterie et quelques machines pour générer des sons, des rythmes et des basses.

Le public de Cybèle était le public habituel, augmenté de quelques amateurs du JazzMix (c'est dans ce cadre-là qu'était présenté Egopusher). Il y a eu quelques départs chez les habitués, mais finalement pas tant que ça. Le premier titre est sans concession. Mauro Giannelli ne touche pratiquement pas la batterie, l'essentiel du rythme est fourni par un générateur et par un pédalier de basse. Il fait évoluer la forme, la cadence, la couleur et le mouvement du morceau à l'aide d'un synthétiseur. Le violon pour sa part évoque plus Bartók que Bach, normal on est dans une musique qui explore. Tobias Preisig improvise sur le thème en arrachant littéralement la musique de son violon tout en conservant un son très acoustique. Les sons électroniques et les boucles qui l'accompagnent, il les génère à partir d'un synthétiseur.

Et pourtant cette formule concernant l'humain qui flotte dans mon esprit depuis le milieu du premier morceau jusqu'à la fin du set, n'est pas si paradoxale, dans la mesure où la musique que produit Egopusher est tout sauf une musique d'ambiance. C'est une musique qui a des choses à dire et qui touche vraiment, le duo fait passer des émotions, le public est sensible à l'authenticité des musiciens, il ne faut donc pas s'étonner de leur succès dans les festivals cet été et à Vienne ce jour-là.

Michel Mathais & photos Jazz-Rhone-Alpes.com

Nitai Herhkovits

Loin de ce que l'on connaissait de lui avec Avishaï Cohen, Nitai Hershkovits, qui tourne beaucoup en ce moment avec Ari Hoenig, mais également en solo, nous revient en compagnie de Rejoicer aux machines (synthétiseur, séquenceur, ordinateur etc.) également producteur de l'album "I Asked You A Question" qui servira d'argument à ce concert.

C'est une musique relativement soft qu'ils produisent, tout en accompagnement transe et en rythmiques évolutives pour l'un et en recherches et explorations pour l'autre au piano mais  qui utilise également un synthé dirigé à partir d'un clavier. L'accompagnement offre de larges plages d'improvisations et d'expérimentations à Nitaï Hershkovits. Il s'essaie même au chant ce dont on pourrait se passer sans aucune difficulté, mais puisqu'il explore, laissons le explorer.

L'ensemble est plaisant et même agréable à écouter, on s'imagine dans une ambiance feutrée la nuit, en train de poursuivre leurs rêves, confortablement installés.

Même si les explorations sont parfois déroutantes, on n'en est pas moins séduit par les recherches de Nitai Hershkovits, avec parfois de véritables bonnes surprises. Il nous balade de droite à gauche et de bas en haut des échelles musicales et des modes avec au final l'enregistrement d'un chœur yéménite qu'il introduit dans sa pérégrination et autour duquel il tisse de belles improvisations inspirées.

Michel Mathais & photos Jazz-Rhone-Alpes.com

Au Théâtre Antique

Selwyn Birchwood

Une minute de silence en hommage aux victimes de l'attentat de Nice s'imposa tout naturellement pour l'ouverture de la dernière soirée de Jazz à Vienne.

"Peace Love & Jazz" lance Selwyn Birchwood avec une intro très Funk family. Sa guitare, sa voix accompagne un solo de sax qui met d'emblée dans le ton. 

En explorant le blues des familles, il revisite cette culture et il peut se le permettre ce jeune gars !

On perçoit dans sa musique le charisme du gospel comme une invitation au partage. Avec des solos de guitare puissants à la Hendrix, un tempo funk comme une descente au cœur du rythm'n blues d'une si apparente facilité, le Selwyn Birchwood Band introduit un blues nouveau avec sax,batterie et guitare basse.

Une ballade sax sax sax, et sa voix qui nous dit  "just before you go, I love you more" avec un sourire tout est dit, la guitare brode et finit en blues comme l'attend le public.

Il poursuit pieds nus avec sa lapsteel guitar, un blues, Hoodoo Stew issu de son album, (le premier) avec une dextérité déconcertante, ses black shoes posées là attendent.

Un rappel. L'émotion est là avec le stimulant Guilty Pleasure.

Les deux pieds nus et cette coupe afro ajoutent à l'envie de suivre Selwyn Birchwood. "Don't call no ambulance" s'appelle son premier album et c'est sûr, pas besoin d'ambulance, c'est un baume pour le cœur, sa musique.

La nouvelle histoire du blues est bel et bien en train de s'écrire avec le Selwyn Birchwood Band qui a ouvert la soirée  en ce 15 juillet. Une parfaite intro à Buddy Guy .

Florence Cavagnat & photos Jazz-Rhone-Alpes.com

(Selwyn Birchwood: guitares, voix ; Regi Oliver: sax ; Donald Huff Wright: basse ; Curtis Nutall: batterie)

Shakura S'Aida

Née à Brooklyn, élevée en Suisse, établie à Toronto Canada, la chanteuse Shakura S'Aida avait déjà brillamment réussi son examen de passage à A Vaulx Jazz et au RhinoJazz et se devait maintenant de relever le défi de la confrontation avec le Théâtre Antique de Vienne, un lieu sur mesure pour une artiste qui ne s'imagine pas être ailleurs que sur scène.

Avant le concert, elle confiait qu'elle ne voulait plus faire de disques, qu'elle voulait juste faire de la musique et qu'en ce sens seule la scène était un cadeau où elle pouvait s'exprimer librement. Epaulée par un solide quartet composé de Paige Armstong (guitare), Roger Williams (basse), Tony Rabalao (batterie) et depuis peu le parisien Rachid Bahri (orgue et claviers), Shakura S'Aida apparait sur scène toute drapée de blanc ; très mobile et à l'aise elle s'impose immédiatement par sa voix d'une incroyable puissance et par un jeu scénique qui fait penser à Tina Turner dans sa façon de tournoyer autour de ses musiciens notamment en cherchant le corps à corps avec son guitariste. Le rapprochement avec Tina Turner est encore plus évident quand le morceau s'appelle (Don't try to lay no boogie woogie on the) Queen of rock'n soul où elle fait de la place aux claviers de Rachid Bahri.

De son album de 2012 "Time", ce sera ensuite toujours en puissance et sur un mode très rythm'n blues Don't tell Mama where her children hide. Double clin d'œil au jazz, avec la reprise de Tell me more, more and then some une composition créée par Billie Holiday et reprise ensuite par Nina Simone ; nullement impressionnée par ses ainées, Shakura S'aida montre qu'elle a elle aussi "de l'estomac" et en donne une version où elle glisse un supplément d'émotions. Sur un mode "boogie- woogie" porté par un dialogue nourri avec son guitariste, elle invite le public très réceptif, à se joindre à son chant sur Geechee woman. Pour le rappel sur Your love always got me by elle n'aura à nouveau aucune difficulté à associer un public de plus en plus sous le charme, conquis par toute cette énergie et qui se lève pour reprendre love, love, love....

Pour nous ce soir elle a fait le job et elle l'a fait à la perfection.

Gérard Brunel & photos Jazz-Rhone-Alpes.com

Buddy Guy

Sur Buddy Guy beaucoup d'histoires étonnantes circulent et la moindre n'est pas celle qui dit que le jeune Jimi Hendrix le suivait partout avec un magnétophone pour conserver la trace de ses solos de guitare et s'en servir. De la même façon c'est Eric Clapton qui s'est inspiré de son sens du silence et  a déclaré que Buddy Guy était le plus grand guitariste du monde, en faisant un invité régulier des différentes éditions de ses "Crossroads Guitar Festival". Dans le film que Martin Scorsese a consacré aux Rolling Stones "Shine a light" en 2008, Buddy Guy fait une apparition particulièrement marquante qui lui vaut les regards admiratifs du plus grand groupe de rock 'roll qui l'avait beaucoup écouté à leurs débuts. Aujourd'hui à pratiquement 80 ans (ce sera chose faite à la fin du mois), Buddy Guy est le dernier géant du blues encore en activité totalisant une cinquantaine d'albums en cinquante ans de carrière.

Ce soir dès le premier riff de guitare on est prévenu I got the blues ; toujours vêtu d'une de ses éternelles chemises à pois (ce soir c'est blanc avec pois noirs) la Fender bien patinée solidement accrochée, le regard malicieux sous sa casquette blanche, Buddy Guy affiche une pleine forme même s'il se met parfois en retrait pour souffler et laisser un peu de place à un "backing band" (guitare, claviers, basse et batterie) très charpenté. En multipliant les citations c'est délibérément qu'il va nous balader au milieu de ses pairs B.B King , (Rock me baby, Sweet sixteen) , Muddy Waters (Hoochie Cookie Man, Got my mojo working), John Lee Hooker(Boom boom), mais il prend aussi largement le temps de développer le classique Fever un titre qu'il n'a jamais abandonné depuis les années soixante ainsi que l'autobiographique Born to play guitar le titre qui ouvre son album éponyme de 2015.

Après son habituelle randonnée au milieu du public où il semble encore prendre beaucoup de plaisir, il reviendra rendre hommage aux grands guitaristes qu'il a lui-même influencés : Stevie Ray Vaughan, Eric "After Midnight" Clapton (Strange brew) et Jimi "Woodoo child" Hendrix . Ce n'est qu'après quelques dernières facéties maitrisées sur sa guitare (avec baguette, avec les dents, avec serviette...) et une généreuse distribution de médiators qu'il quitte à regret la scène après quatre-vingt-dix minutes sans temps mort.

Un vrai bonheur que de terminer cette édition 2016 de Jazz à Vienne avec une légende qui avait envie de nous faire partager son plaisir encore intact de pouvoir jouer de la guitare !

Gérard Brunel & photos Jazz-Rhone-Alpes.com

Vu dans Vienne

L'apéro jazz sur la place

On ne peut quitter Vienne sans saluer l'initiative heureuse du Comptoir des Terroirs (Rue marchande) qui a proposé tous les soirs, sur la petite place Aristide Briand, un concert voire un concert double avec le plus souvent du jazz dedans.

Ici on voit les "permanents" de l'établissement, Stéphane Vettraino au piano et Dédé Frier à la contrebasse qui lancent depuis plusieurs mois les jam sessions bi-mensuelles. Avec les beaux jours, le piano est poussé sur la place et le public peut apprécier ces concerts en plein air.

Bonus

Episode 17