Jazz-Rhone-Alpes.com

36^ème édition Jazz à Vienne :

Ce qu'il s'est passé le mardi 12 juillet 2016

Le croquis et la chronique de François Robin

Misc. Jardins divers

Ça pourrait être une chanson d'Henri Salvador ou de Francis Cabrel, une nostalgie d'hors saison. Les cafetiers ont tiré le rideau, désœuvrés face au calme inaccoutumé de la terrasse de Cybèle. Pas de brouhaha réjouissant, ce doux bruit de foire qui sonne le bon aloi. Sous le barnum d'un traiteur, les invités frigorifiés de ce qui aurait dû être LE coup de pub d'une petite entreprise dynamique suçotent des petits fours gélatineux.  Une trentenaire dynamique, peau bronzée et chair de poule, lance un "qui reprend du rosé?" dans un numéro blasé de clown triste. La pluie a nettoyé le temple de ses marchands, rendant la scène du jardin archéologique à son légitime récipiendaire: le festival off et son éclectique programmation.

Voir la suite sur le blog de François Robin

La sélection de Christophe Charpenel

En quelques années Christophe Charpenel, un des "vraitographes" réguliers de l'équipe de Jazz-Rhone-Alpes.com, s'est fait une belle réputation dans la communauté des photographes de jazz. Il collabore désormais à de nombreux médias et a réalisé de belles expositions tant en France qu'à l'étranger. Pour cette édition nous lui avons demandé de nous proposer chaque jour sa sélection. La photo qu'il souhaite mettre en avant.

Misc - Le trio Québequois s'accroche au pont pendant le déluge qui s'abat sur Cybèle. Le public ne lâche rien.

Sur la scène de Cybèle

Stage intensif de l'Académie

Près d'une vingtaine de stagiaires de l'atelier intensif de l'Académie se sont succédés dans différents combos pour interpréter différents styles de jazz : manouche avec bien sûr du Django, bop ou classique avec du Ellington entre autres.

Tout ça sous la conduite bienveillante de leurs professeurs Cédric Hanriot et Alex Terrier et d'un public chaleureux (on suspecte la présence de nombreux membres des familles des stagiaires).   Il ne manquait que  Donald Contomanou qui avait des engagements ailleurs.

Pascal Derathé & photos Jazz-Rhone-Alpes.com

Keystone Junior Sextet

Habitués du Jazz Club La Clef de Voûte à Lyon, le Keystone Junior Sextet est ici un peu "à la maison". Dans les Jardins de Cybèle à Vienne, les musiciens sont fin prêts !

Avec fougue, les cuivres s'élancent sur Buffo de Stefano Di Battista, le piano nous entraîne dans un rythme joyeux. Le ton est donné.

En hommage aux Bleus, même s'ils viennent de perdre en finale de l'Euro 2016, un swing nerveux, enthousiaste pour La Marseillaise d'après l'arrangement de Claude Bolling !

Qui n'a pas entendu Rehab de Amy Winehouse ? Une ambiance langoureuse, au vibraphone d'abord, puis davantage  d'intimité quand les balais caressent les toms de la batterie. La contrebasse légère, les saxophones tendres, la trompette bouchée se lamentent:  "They tried to make me go to rehab, I said no, no, no... " Le vibraphone s'envole avant que la trompette ne meure. Le public est conquis!

Les festivaliers s'enthousiasment pour Autumn Leaves et Les Aristochats, mais surtout pour un sextet vivant, brillant, maniant avec expertise l'énergie et le retour au calme, les soli virtuoses et leur contribution à un ensemble magique !

Merci les jeunes ! Vous nous avez fait vibrer !

Chantal Hardy & photos Nathalie Jamais

(Thomas Gentilhomme : piano ; Zacchary Leblond : batterie ; Victor Maisonneuve : sax ; Héliodore Perrot : contrebasse, basse ; Maxime Prébet: sax, vibraphone ; Nathan Vidalenc: trompette)

Misc (Trio Jérôme Beaulieu)

Ce groupe existe depuis 2011, et dès cette année-là il remporte le concours Jazz en Rafale de Montréal et le Grand Prix du Festi-Jazz de Rimouski. Il est Révélation Jazz Radio-Canada 2013/2014. Après un premier passage en France l'an dernier, il tourne de plus en plus ici, au point d'y avoir enregistré son dernier album, mais également au Canada, ce qui le conduit à quelques allers et retours transatlantiques.

Déjà connu à Vienne, ce trio, devenu Misc depuis son passage à l'Esplanade Saint Vincent il y a un an, s'est choisi un nom plus en adéquation avec le projet du groupe. Ce nom, Misc, évoque étymologiquement le mélange, mêler, mélanger les origines, les influences musicales, mais pour en faire un tout, une unité. Et ils y parviennent, sans se renier, en restant d'authentiques musiciens de jazz. La musique qu'ils produisent est vive et enjouée, avec une réflexivité non dénuée de profondeur sur des morceaux comme Respirer dans l'eau ou Les années molles. Le premier est une reprise de la mélodie d'une chanson du chanteur québécois Daniel Bélanger que peu de gens sans doute connaissent ici. Le second est une création collective qui évoque les "Chroniques des années molles" de Normand Baillargeon.

Qu'il s'agisse de reprises ou de compositions originales, le talent de ce trio est tel que leur musique présente un grand caractère d'unité. Une part de construction solide et bien architecturée et une part d'improvisation très libre visionnaire et enthousiaste, le tout parfaitement calé. William Côté, le batteur, ajoute une note dynamique en élargissant sa palette avec une énergie tout droit venue du rock et en utilisant un multipad savamment dosé et parfaitement intégré au set de batterie acoustique. C'est remarquablement fait, et bien dans l'esprit du projet d'ouverture à l'air du temps, sans se laisser entraîner du côté de la fusion, ni phagocyter par les sources d'inspiration. C'est bien du jazz que l'on écoute, et du remarquablement novateur, parce que le pianiste et le contrebassiste ne sont pas en reste. Jérôme Beaulieu pratique un jazz qui n'a pas peur de se confronter à la mélodie, un peu comme ces artistes italiens, dont le jeu transpire le chant lyrique et traditionnel qui fait le fond de leur culture musicale. C'est tout aussi, sinon plus, difficile à faire que des variations sur une grille, dans la mesure où cela rajoute une contrainte supplémentaire. Entre le piano et la batterie Philippe Leduc trace des lignes de contrebasse remarquablement efficaces avec des interventions majeures, parfois à l'archet, sur le fond du morceau comme dans Les années molles, ou Respirer dans l'eau.

On peut s'interroger sur ce qui fait l'originalité de la démarche de ces musiciens et de leur manière de résoudre l'équation de la modernité en évitant un certain nombre de pièges. On sent bien à les entendre qu'ils ont une autre histoire que les musiciens de jazz européens. Un élément d'appréciation parmi d'autres, c'est qu'ils sont issus d'un terreau musical où les exemples d'ouverture et d'innovation ont de solides références ; n'oublions jamais qu'Oscar Peterson et Paul Bley sont également natifs de Montréal.

Misc est un groupe qui joue une musique que Jérôme Beaulieu qualifie d'actuelle, énergique et mélodique. Ce sont exactement les mots employés par les commentateurs après le concert.

Michel Mathais & photos Nathalie Jamais

Banda Magda

Cybèle en soirée

La scène ayant été rendue impraticable à cause des fortes pluies de l'après-midi, les concerts du Kiosque de Feeling Band et du duo A voix basse ont été annulés.

Au Théâtre Antique

Cecile McLorin Salvant, retour au théâtre antique

Les gradins viennois sont encore humides, la fosse arbore quelques flaques, les projecteurs se reflètent sur l'avant de la scène. Quelques ponchos colorent la foule qui est venue voir Seal...

A cour, s'avancent le pianiste Aaron Diehl, le contrebassiste Paul Sikivie et le batteur Lawrence Leathers tandis que la chanteuse Cécile McLorin Salvant arrive à jardin, chaussée d'élégants escarpins "t-strap" vernis bleu roi. Sa robe imprimée de multiples taches multicolores est en partie recouverte d'une veste noire "chauve-souris" et d'un foulard mauve pour se protéger de la fraîcheur d'après la pluie. Boucles d'oreilles rose-fluo et  incontournables lunettes blanches parfont l'image de la Franco-Américaine.

Malgré l'expérience acquise, les trois albums enregistrés et les récompenses reçues en quelques années, elle prend timidement possession de son micro pour un set d'une douzaine de chansons. Le swing de Nothing like you de Ray Dorrough, complice de Miles Davis, ouvre la soirée. Viendront une succession de ballades et de titres plus enlevés, des standards de Nancy Wilson (Nina never knew), Burt Bacharach (Wives and lovers) à West Side Story (Something's coming) et des compositions personnelles comme Fog qui ouvre son troisième opus. Le public a beaucoup apprécié le rythme sautillant de sa reprise de Si j'étais blanche, créée en 1932 par Joséphine Baker.

Dans les moments les plus calmes, on entend le brouhaha de spectateurs pas très respectueux qui, manifestement, attendent d'autres sensations auditives que ce jazz chanté avec une belle précision et une technique irréprochable. La chanteuse et ses musiciens n'ont pas choisi la facilité, se montrant parfois minimalistes dans leurs propositions musicales peu adaptées à une prestation en pleine lumière du jour. Ils donnent un concert, certains attendent un show.

La nuit ou l'intimité d'une salle auraient fourni un meilleur écrin au bijou qu'est la voix de Cécile McLorin Salvant...

Au fil du concert, veste et foulard disparaissent. Cécile vient au devant de la scène, prend le temps de présenter la plupart des chansons, de remercier à plusieurs reprises ses musiciens. Son trio l'accompagne avec efficacité, mais sans afficher de véritable entrain. De courts soli de piano ou de contrebasse par ci, ou trop long par là à la batterie, laissent à la chanteuse le temps de reprendre un souffle dont elle ne manque pas, allant même jusqu'à imposer le silence pour un rappel qu'elle chante sans micro, sans accompagnement, debout face à un théâtre antique médusé, sur lequel tombe la nuit.

Après la déferlante Seal, on rentre à la maison, on met son album "For one to love" dans le lecteur et on retrouve le frisson de la chanson de Barbara Le mal de vivre si joliment revisité par Cécile, mais absente du répertoire de ce soir.

Le frisson viennois, lui, venait de la fraîcheur du soir... Un jour peut-être, aurons-nous le plaisir de profiter pleinement d'un tel talent ? Elle sera au théâtre du Vellein, à Villefontaine, le 15 octobre dans le cadre de la saison Jazz à Vienne.

Christian Ferreboeuf & photos Ilsen

Seal

Après Cécile, c'est Seal...

Elle pouvait être heureuse, Cécile Mc Lorin-Salvant, mardi dernier sur la grande scène du Théâtre antique. J'espère que ses musiciens l'étaient aussi, ce qui au vu de leurs tronches d'enterrement tout au long du concert, n'était pas flagrant (pas même l'esquisse d'un sourire de contentement lors des trois présentations qu'a faites la chanteuse...). Heureuse de pouvoir dévoiler à un si nombreux public son nouvel album, même s'il est bien évident que les quelque sept mille spectateurs n'étaient pas là que pour elle, d'autant que la météo était bien fraîche après des trombes d'eau. Car voilà, après Cécile, c'est Seal qui était là. Une "world star" très mainstream aux millions d'albums vendus en un demi-siècle de carrière. Quelques échecs mais de très gros succès au fil de neuf albums depuis "Human Beings" en 1990, et dont le dernier curieusement intitulé "7" est sorti à l'automne 2015. On était déjà ici en 2009 lors de sa première venue à Vienne, lorsqu'il avait déroulé son chapelet de reprises mythiques de la soul américaine, et pourtant, très bizarrement, on n'en a guère de souvenirs. Ce n'était sans doute pas impérissable. Voyons-donc de quoi il retourne aujourd'hui...

Entre romance et dance

Une intro longuette ouvre le set sur Crazy le premier tube planétaire du Britannique. Dans la pénombre et les effets du light-show, on tente de distinguer le band qui encadre la star. Ne cherchez pas le batteur ou le bassiste, les choristes ou les cuivres...il n'y en a pas ! Seuls trois ilots de synthés et d'ordinateurs trônent sur la grande scène, le claviériste à gauche ayant tout de même une guitare en bandoulière (dont il se servira fort bien d'ailleurs). L'enchaînement sur le second titre est franchement technoïde, rappelant à ceux qui l'ignoreraient que la musique de Seal est avant tout une pop-rock imbibée de soul-house. L'ambiance n'est pourtant pas d'emblée à la frénésie quand une première ballade arrive, teintée de ce beau grain de baryton enfumé dont la raucité est si reconnaissable entre toutes. Jolie certes, mais apparemment démultipliée d'échantillonnages.

Prayer for the Dying autre super hit, prend le relai avec aisance, et tout cela roule tout seul mais sans que l'on y ressente un brin de vie. Le chanteur a beau faire son boulot à force de clins d'œil au public, on se demande un peu où est l'humain musicien (autrement dit l'émotion du live) dans tout ça. Plus intimiste quand il s'assoit en enfourchant une belle guitare acoustique de gaucher, on attend un déclic qui nous accrochera enfin, mais las, premier bâillement. Sans doute une ballade tirée du nouvel opus produit par le fidèle Trevor Horn, qui, de Every time I'm with you à Love s'inscrit majoritairement dans une romance doucereuse entre pop-folk angélique et sonorités électroniques. Même lors du tubesque Don't cry, après un troisième changement de guitare (!), on ne peut pas dire que la foule soit en délire et les applaudissements feutrés ne font pas montre d'un franc enthousiasme.

Seule reprise jouée ce soir, l'inoubliable Mad world des Tears for Fears que l'on adore, semble très courte et nous laissera sur notre faim. Ou sur notre fin tandis qu'une grosse rythmique synthétique d'electro-dance chauffe enfin les gradins dans une ambiance (de stade ?) qui sent le final. De quoi nous extirper de cette "mornitude" avant deux rappels dont l'imparable Kiss from a Rose où le chanteur descendra dans l'arène au milieu du public, ou plutôt d'une forêt de téléphones portables en mode photo ou vidéo.

Tour à tour dance ou romantique, le répertoire n'aura finalement dévoilé guère de nouveaux morceaux, se concentrant essentiellement sur la plupart des plus gros tubes du Seal période 94-98, où, aux titres précités, on ajoutera encore Bring it On, Just like You ou Love's Divine (2003). Rien d'inattendu donc, pour un contentement populaire qui ne saurait nous suffire. Quant à la patte "jazzy", on a beau décortiquer tout ça, pas une once, jamais ! Heureusement qu'avant Seal, y'avait donc Cécile. Et "Seal" repasse dans quelques années, cette fois on se souviendra du précédent concert, mais là, on s'abstiendra...

Michel Clavel & photos Ilsen

Le Club de Minuit

Banda Magda

Dès la conférence de presse et le concert à Cybèle, Banda Magda a montré son énergie, son goût pour interagir avec le public. Quel plaisir de toucher les gens tout en restant soi-même !

Ce soir, pour le dernier concert du festival au Club de Minuit, Banda s'avance en robe du soir orange fluo, la couleur du feu qu'elle symbolise déjà !
Keita Ogawa, très énergique à la batterie, introduit un air brésilien, joyeux, dansant. Banda, à l'accordéon, le visage éclairé de grands sourires, se trémousse puis retire ses chaussures. Décontraction naturelle !

Sur Ce soir, une samba très langoureuse, elle chante d'une voix fine, légère comme un parfum d'été. Vient ensuite Couche-toi. L'accordéon s'exclame et pleure successivement.

Après une courte pause, c'est avec des extraits de son dernier album "Tigre", que l'ambiance s'échauffe ! Le guitariste s'avance sur scène, portant un masque de tigre. Banda monte sur scène et clame ses textes d'une voix puissante. Ensuite, sur un thème très caressant, "Cet amour que j'ai pour toi... vient de la terre, parfume l'air... cet amour que j'ai pour toi..... Tu le vois pas", sa voix, soufflée, ample, soupirée, émeut. L'accordéon nous bouleverse.

Tout à coup, les musiciens explosent. On fait la fête, on danse, on met les masques de tigres. La batterie accélère, la basse est percutante et la guitare vibrante. Banda descend dans la salle pour faire participer le public. Sa main, son corps, accompagnent la mélodie.
"Une fille marche sur la savane, elle est contente. Sous un nuage de poussière, apparaissent trois impalas. "On va danser la salsa ! "Après la fête, sous les étoiles, les impalas racontent comme la savane est belle. Mais, il y a des dangers : un tigre terrible !" Sur un rythme fou, s'engage une course folle. Le public accompagne les musiciens en tapant des mains, frénétiquement. Les percussions battent la scène, emboîtent le pas à l'histoire. Banda, perchée sur son tabouret, harangue la salle ! C'était Impala !

En plus mélo, Cucurrucucù Paloma, puis El Pescador, extraits de l'album "Yekarina". D'abord a capella, puis avec le public, Banda dégage un véritable talent d'animateur et de chef d'orchestre.

Quant au final Amour t'es là, vif, gai, il nous entraîne pour toute la nuit !
Encore une soirée pleine de plaisir !

Son projet de CD "Tigre", est en prévente chez PledgeMusic. 10% de tout l'argent collecté après atteinte de l'objectif ira à World Wildlife Fund.

Chantal Hardy & photos Liva Rakotoarison

Bonus

Episode 14