Jazz-Rhone-Alpes.com

36^ème édition Jazz à Vienne :

Ce qu'il s'est passé le jeudi 30 juin 2016

Soirée borderline mais complète au Théâtre Antique avec Caravan Palace et Pink Martini qui jouaient à guichets fermés. A Cybèle, dernière journée du tremplin ReZZo-Focal, plus deux groupes en soirée et Iiro Rantala qui inaugure cette saison du Club de Minuit.

Le croquis et la chronique de François Robin

 Pink Martini : un pastiche sinon rien !

L'Internet m'a ouvert les portes d'une bibliothèque planétaire qui pallie fort heureusement mon ersatz de culture. Dans ce fourre-tout d'informations, on trouve de tout, du plus sérieux au plus loufoque, en passant par une quantité de gourous plus impressionnante encore que celle qui - dans les années 80 - s'étalait sur les cartes de visite, à la sortie du métro parisien. Si vous y cherchez la recette du Pink Martini, vous serez surpris par le nombre de propositions de ce cocktail, toutes présentées - évidemment - comme l'Authentique. ... voir la chronique de François Robin sur son blog

La sélection de Christophe Charpenel

En quelques années Christophe Charpenel, un des "vraitographes" réguliers de l'équipe de Jazz-Rhone-Alpes.com s'est fait une belle réputation dans la communauté des photographes de jazz. Il collabore désormais à de nombreux médias et a réalisé de belles expositions tant en France qu'à l'étranger. Pour cette édition nous lui avons demandé de nous proposer chaque jour sa sélection. La photo qu'il souhaite mettre en avant.

Iiro Rantala au Club de Minuit

Sur la scène de Cybèle

Le big band de l'ENM

Le big band de l'ENM nous arrive cette année avec un répertoire issu de compositions de Marc Antoine Charpentier.

Né en 1643 et mort à Paris le 24 février 1704, MArc Antoine Charpentier est un compositeur et chanteur baroque français. Il a écrit de nombreuses pièces profanes mais surtout religieuses. (en savoir plus : https://fr.m.wikipedia.org/wiki/Marc-Antoine_Charpentier)

Drôle d'idée mais résultat plaisant avec des arrangements et orchestrations réalisées par les élèves arrangeurs avec un la à 442 et non à 415 comme cela se faisait à l'époque.

Forcément les titres sont un peu datés : Litanie de la vierge, Messe des morts, Ave Regina,...et bien sûr l'incontournable "tube" le Te Deum, la grande œuvre de M.A. Charpentier, dans une version très originale où nous avons failli entendre un rappeur!

Très surprenant de voir des têtes dans le public hocher au rythme bien groovy de ces pièces autrefois fort sages.

Le final se fait sur un arrangement de La Nuit. Ce concert est une version courte de deux représentations données les jours précédents ...et qui ne sera plus donnée, ainsi va la vie des spectacle. Nous fûmes donc fort chanceux de le découvrir à Vienne.

Pascal Derathé & photos Jazz-Rhone-Alpes.com

Le tremplin ReZZo-Focal et les derniers groupes en lice

H!

H! Représentant de l'île de France est un quartet attachant tant par son état d'esprit qui se révèle au travers de sa musique, que par sa musique même, faites de compositions originales des différents musiciens du groupe. La section rythmique joue très resserrée musicalement, ce qui laisse beaucoup d'espace et de liberté au saxophone alto et lorsque le piano chorusse à son tour, il peut le faire avec brio d'autant que le pianiste fait preuve de beaucoup d'imagination mélodique et rythmique.

Le quartet dégage dans l'ensemble un fond de gaieté bien agréable à recevoir. Même dans un morceau plus grave comme Chaos Théorie, le long chorus de piano exprime calmement mais avec force un trop plein d'espérance joyeuse, bien repris au vol par l'altiste dans le chorus à suivre.

Pour conclure, à l'opposé de l'ensemble du set, c'est un morceau très lent, Dislo-cation qui termine le concert, walkin' bass mesurée, caisse claire et balais, on attend presque une ballade mélancolique, mais c'est tout au contraire une invitation au voyage vers des contrées où tout n'est que désordre et beauté. Désordre relatif dans la mesure ou chaque ligne instrumentale est idéalement reliée aux autres en un tout poétique de haute tenue.

Malgré le niveau de qualité élevé de l'ensemble des groupes présentés, H! nous paraît être un sérieux prétendant au titre du Rezzo.

Michel Mathais & photos Jazz-Rhone-Alpes.com

Amaury Faye Trio

Encore un trio "classique" (piano basse batterie) dont on ne se lasse pas. Il joue des compositions du pianiste et une reprise Relaxing with lee de Charlie Parker

Un pianiste très "capé" avec un diplôme de la prestigieuse Berklee School au bout des doigts. Un trio très "propre sur lui" qui s'écoute avec un agréable facilité.

Ce qui n'a pas échappé au Jury du tremplin ReZZo-Focal qui l'a désigné comme lauréat 2016 et c'est donc ce trio que nous retrouverons l'année prochaine en ouverture de la All Night Jazz

Pascal Derathé & photos Jazz-Rhone-Alpes.com

One Foot

Un drôle d'OVNI musical qui marie musique traditionnelle arménienne, dance techno, décibels et qui chauffe bien le public en vue des concerts au Théâtre Antique.

Pas tout à fait conforme à l'idée qu'on se fait d'un groupe en lice dans un tremplin de jazz, mais attachant dans son domaine.

Pascal Derathé & photos Jazz-Rhone-Alpes.com

Cybèle en soirée

Deux duos intimistes pour un public nombreux qui n'a pas pu trouver de place au Théâtre Antique ou qui a fait le choix de profiter de Cybèle et de la richesse de sa programmation.

De "Lettres sur cour" à Jöak

Histoires, mots, chants et musiques à jazz à Vienne, nous parcourons des chemins du sensible, des chemins intimes de Lettres Sur Cour à Jöak.
Aux Jardin de Cybèle, les escaliers sont de bois, le soleil fleurit et la musique résonne, si en montant les marches vous portez votre regard sur la droite, vous verrez des livres et entendrez des compositions de mots. Pour Eliane Regard "la poésie est écrite pour être dite". L'association "Lettres Sur Cour" organise à jazz à Vienne depuis vingt cinq ans une bibliothèque en plein air : "des ponctuations musicales autour d'auteurs invités qui lisent leurs textes".

Ainsi le mardi 5 juillet, sur la scène de Cybèle vous entendrez des poèmes de Zeno Bianu , lira-t-on son poème in "John Coltrane méditation" ?

Archie Shepp
Pharoah Sanders
Don Cherry
ces trois-là m'ont porté
emporté
transporté
aidé
jusqu'à l'extrême
à maintenir la confrérie
des grands souffleurs
à jouer au bord de
l'épuisement
enjoué
mais
abyssalement
introverti

Les lectures seront accompagnées par la trompette de David Enhco et la basse de Florent Nisse.

"Grâce à Lettres sur cour, je prends plaisir au jazz, c'est la découverte d'une palette de musique" nous dit Eliane Regard (bénévole à Lettres sur Cour)

Si "l'invitation à la lecture" fait entendre des paroles, aujourd'hui, au kiosque de Cybèle à l'heure où le soleil nous soulage de sa force, le chant de Roxane Perrin convoque les sons apaisants de nos univers imaginaire.

Les mots sont importants pour vous Roxane ? J'ai senti ça ce soir.

La musique, celle du contrebassiste Jean-Pierre Almy qui accompagne Roxane nous libère de la représentation, s'inscrivant dans l'irréversibilité du temps, pulsée ou fluide elle donne corps aux mouvements et nous projette dans l'instant.

Du jazZ...

Valérie Lagarde & photos Jazz-Rhone-Alpes.com

* André Minvielle interviewé par d'Annie Yankébian le 21/03/016, culturebox.

Jyoti Duo

Changement de genre avec ce duo où le guitariste australien Toby Hack accompagné du percussionniste Mathieu Manach propose un répertoire hispanisant.

Au Théâtre Antique

Pink Martini

Recette d'un cocktail* réussi pour ouvrir la troisième soirée de Jazz à Vienne :

Dans un théâtre antique bien rempli, accueillez sur scène onze musiciens aguerris et une chanteuse charismatique pour les seize titres d'un set de soixante quinze minutes.

Démarrez le concert avec les garçons que vous aurez pris soin de vêtir en costume-cravate !

Pour faire le lien avec les deux premières soirées, mettez en avant le trompettiste Gavin Bondy dans l'introduction instrumentale .

Laissez le pianiste, fondateur du groupe  en 1994 , Thomas M. Lauderdale présenter en français la première venue de son orchestre à Vienne.

Introduisez la chanteuse Storm Large, plantureuse dans sa longue robe bleue très échancrée, afin que sa voix puissante et assurée se promène dans un répertoire aux univers variés et voyez comme le public est heureux de taper dans les mains...

Variez les plaisirs en offrant au percussionniste Timothy Nishimoto les vocaux de  trois chansons, dont une en arménien, en duo avec le tromboniste Robert Taylor.

Pour l'originalité du son, offrez-vous la prestation d'un hautboïste.

Transformez un percussionniste en chanteur d'une ballade cubaine.

N'hésitez pas à sortir des sentiers battus en glissant des textes en espagnol comme Quizas, quizas, quizas, en italien, en yiddish, en grec, en japonais ou... en français !

Peaufinez les détails en assortissant les chaussettes "pink" du leader aux baguettes roses du batteur Brian Davis.

Lors d'un  instrumental jazz en diable évoquant l'âge d'or du swing, constatez que la chanteuse lâche les cheveux, emportée par la frénésie de la danse qui s'est aussi emparée de la fosse et des gradins.

Parsemez de tubes incontournables comme le très Sympathique  (Je ne veux pas travailler) ou Happy days are here again.

Selon les ambiances, laissez libre cours aux soli du guitariste Dan Faehnle ou du violoniste Nicholas Crosa sans oublier ceux du contrebassiste Phil Baker ou du batteur Anthony Jones.

Gardez comme ligne directrice la frénésie des orchestres cubains en y adjoignant la mécanique implacable d'une formation rompue à l'entertainment à l'américaine.

Savourez une standing ovation bien méritée avant de vous offrir en rappel une dix-septième chanson, le triomphal Brazil !

Christian Ferreboeuf & photos Sébastien Cholier

* A consommer sans modération...

Caravan Palace : retour vers le futur

Caravan Palace: retour vers le futur!
 
Autant le dire de suite : avis aux puristes, ce soir on oublie le jazz flamboyant de Miles, exit les Coltrane et autres Chet, on vit à l'heure de l'électronique, du décapant, de la musique au white spirit ! Depuis 2008, les français rétro-branchés de Caravan Palace décoiffent mamie à coup de swing dopé. C'est pas de l'anisette, c'est du Get27 !!!

Sous leurs faux airs de gangsters des années 30, on dirait plutôt qu'ils ont embarqués avec Marty McFly pour une petite balade en Delorean, emportant avec eux un théâtre antique "au taquet". Un peu comme si j'avais moi-même fait les calculs de voltage dans l'amplification de leurs instruments (autant dire que c'est mal barré), le résultat dans les enceintes est plutôt violent. Forts de leur petite tournée outre-manche, la caravane n'a pas peur et sort le grand jeu pour un show détonant mené à la baguette par la jolie Zoé Colotis. Dans son palace, la princesse met le roi aux platines et ses princes charmants aux synthés pour ouvrir un bal aux amphétamines servi à grand coup de stroboscope. Et peu importe si l'on est en rythme ou pas, faut qu'ça swing avant de devenir trop cérébral!

Rétrospective de leurs trois derniers albums, révision des classiques avec une reprise féminine et tout aussi énergique du Black betty de Ram Jam, le concert suit son cours de manière exponentielle, aux rythmes effrénés et entêtants de cette jeunesse survoltée.

Uchronie* des années 30, Caravan Palace réécrit, réinvente ce bon vieux swing poussiéreux dans une ambiance steampunk assumée, histoire de faire grincer les dentiers à travers leur gramophone.

Claire Jalmain & photos Sébastien Cholier

*Dans la fiction, l'uchronie est un genre qui repose sur le principe de la réécriture de l'Histoire à partir de la modification d'un événement du passé.

Au club de minuit

Iiro Rantala - My working class hero

Présent depuis 2010 sur le label ACT ou il a signé quatre albums et quelques collaborations, le pianiste finlandais Iiro Rantala a publié en 2015 "My working class hero" un hommage respectueux en piano solo à John Lennon. C'est donc tout à fait logiquement que pour ce concert  au Club de minuit une large place sera laissée à des compositions signé John Lennon ou portant  l'empreinte des Beatles. Cependant Iiro Rantala a eu aussi la bonne idée de nous montrer d'autres facettes de son talent et de ses influences musicales (notamment classique) n'oubliant pas qu'il a appelé un de ses albums "My history of jazz" (Act 2012) dans lequel  il donne sa propre relecture des Variations Golberg de J.S . Bach et autour desquelles il laissera s'exprimer une nouvelle fois son talent d'improvisateur pour l'introduction totalement époustouflante du concert de ce soir. Iiro Rantala rendra également hommage à deux pianistes importants d'une part Erroll Garner et d'autre part Esbjörn Svensson auquel il a dédié sa composition Tears for Esbjörn. Pour ses hommages à John Lennon, Iiro Rantala procédera en associant dans un appel à la paix et à l'amour les thèmes de Help et de Imagine suivi ensuite d'un surprenant mariage entre Norvegian wood et Woman ou l'improvisation créative prend toute sa place. En fin de concert nous aurons droit à deux compositions à paraitre fin aout sur le nouvel album du pianiste en trio avec Lars Danielsson et Peter Erskine "How long is now ?". Ces deux compositions sont des clins d'œil truffés d'humour aux propres fils du pianiste Bruno (14 ans l'ado qui mange et dort !) et Topi (21 ans, un James Bond qui emboutit ses voitures !). On atteint les quatre-vingt minutes de concert et l'intérêt  du public resté nombreux est toujourscaussi intense surtout quand en rappel Iiro Rantala reprend All you need is love aussitôt chanté par toute la salle.

Au global Iiro Rantala est un pianiste essentiel, débordant d'inventivité et d'humour (aussi important qu'un Michael Wollny sur le même label) il est  malheureusement pas assez souvent programmé  en France ; merci à Jazz à Vienne d'avoir montré le chemin en nous le présentant en live dans d'excellentes conditions.

Gérard Brunel & photos Jazz-Rhone-Alpes.com

Bonus

Episode 3