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35^ème édition Jazz à Vienne :

Ce qu'il s'est passé le dimanche 5 juillet 2015

Le croquis et la chronique de François Robin

The Golden Gate Quartet

Il a fallu des millénaires aux flots du Sacramento pour se frayer un chemin vers l'Océan. Déferlant des sommets enneigés de la Sierra Nevada, il s'est gonflé de près de moitié des eaux de ce qui deviendra la Californie pour percer enfin le dernier rempart, la barrière rocheuse qui le séparait de l'Océan Pacifique. Après des siècles de paisible occupation par les amérindiens Suisins et Ohlones qui profitèrent de la générosité de la baie du delta, le détroit devra son nom, au milieu du XIXè siècle, à la découverte d'un pionnier de Sutter's Mill qui allait transformer radicalement le petit village de San Francisco. Il prit alors le nom de "Golden Gate" : la Porte de l'Or, la Porte Dorée.

Paris a aussi sa Porte Dorée, ou plutôt sa "Porte de l'Orée du Bois" puisque, selon toute vraisemblance, c'était le sens premier attribué au débouché de la capitale sur le Bois de Vincennes. Orée, qui vient du latin ora : la bordure. Cette même bordure que le fleuve américain a fini par vaincre en créant une brèche qui séparera la péninsule de San Francisco du nord de sa baie jusqu'en 1937. Cette année-là, une silhouette orange émergea du brouillard de la baie, ce qui fût longtemps le plus long pont suspendu du monde : le Goden Gate Bridge.

Rien d'étonnant donc que le plus célèbre quartet de spirituals porte ce nom à la sémantique foisonnante : le Golden Gate Quartet.

Quatre-vingts ans d'histoire, c'est moins que le fleuve Sacramento, mais c'est beaucoup à l'échelle d'un Nouveau Monde. Le quartet qui se présente sur scène n'est évidemment plus celui d'origine. Après plusieurs relais, le répertoire est pourtant presqu'identique avec des grands standards : Jericho, Down by the Riverside, When the Saints. Il aborde aussi des reprises de tubes plus profanes : Stand by Me de Ben E.King ou Billie Jean d'un autre célèbre.

Cependant, ce n'est pas cette ouverture - contestée par beaucoup de puristes - qui est le plus remarquable. Ce qui fait la nouvelle magie de cette formation, c'est l'inventivité sans borne des arrangements. Bien sûr, il y a toujours une scansion fantastique, dans laquelle les plus grands rappeurs peuvent se retrouver sans aucun doute, une rythmique joyeusement syncopée qui martèle le texte comme une percussion de work song. Bien sûr, les quatre voix très typées sont toujours terriblement complémentaires, un peu plus encore s'il était possible. Mais, imperceptiblement, les choses ont changé. Les harmonies glissent, modulent, entraînant des changements de rifs, de couleurs. Il semble qu'ils s'attaquent à un défit nouveau : percer - sans séparer les deux rives - un passage entre la tradition du gospel qui s'écoule depuis longtemps déjà, irriguée par des siècles de champs de coton, et l'océan infini vers lequel toute musique est appelée. Comme des terrassiers, les quatre chanteurs se relayent, prenant tour à tour le devant de la scène pendant que le reste du quartet l'encourage, nous exhortant aussi à accompagner ces pionniers de quatre-vingts ans qui veulent encore et encore pousser vers la mer ce chant-héritage, cette mémoire d'un nouveau peuple. Combien de relai faudra-t-il à ce quartet de légende pour déboucher ? Peu importe : déjà de l'autre côté du rocher gronde l'appel du large.

François Robin, texte & illustration

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Du coin de l'œil de Daniel Peyreplane

Un verre , ça va ?

Sur la scène de Cybèle

The Glossy Sisters

La troupe de charme a encore fait mouche. Les trois chanteuses Marion Chrétien, Lisa Caldognetto et Claudine Pauly accompagnées par le contrebassiste Damiens Larcher savent s'y prendre pour "accrocher" et fidéliser un public. Surtout quand il est proposé des reprises de titres mythiques comme Fais moi mal Johnny ou l'Accordéoniste. Il y a également des titres plus récents comme I kiss a girl.

Carton plein pour les Glossy Sisters à Cybèle.

Trio Tekke

Bizarre de trouver un groupe de rebetiko (une sorte de blues grec orientalisant) dans un festival de jazz... même s'il s'agit de "neo-rebetiko". Imaginons l'inverse, un groupe de jazz dans un festival de country.

Mood

Venus du swing manouche ces musiciens ont étoffé leur répertoire avec du be-bop, du "trad" et un objectif "faut que ça swingue"... et ça swingue.

Les improvisations picturales

Chaque jour, à côté de la scène de Cybèle, deux artistes peintre se livrent à un exercice de style: ils disposent d'une toile de 80cm par 80cm. A eux de traduire avec leurs pinceaux ce qu'ils ressentent. Au total dix-huit peintres se livreront à cet  exercice durant le festival.

La cuvée du jour: Trois pour le prix de deux : Michel Relave, Geoffroy Degache et Yorgös Tambaktis

Au théâtre Antique : la soirée "Gospel"

Naomi Shelton

Une impératrice à Vienne.

Enfin elle nous revient car c'est en 2009 lors des Transmusicales que Naomi Shelton est repérée pour la dernière fois en France.

Quelques mots de son parcours. Naomi Shelton, née Naomi Davis, en Alabama, débute le chant dans une église baptiste en compagnie de ses sœurs avec lesquelles elle partira à New York plus précisément à Brooklyn, quelques années plus tard. "La soul" la frappe de plein fouet et en plus de petits boulots elle chante le soir dans les clubs. Fin 90 pour Naomi Shelton & The Gospel Queens c'est l'album "What Have You Done My Brother?" enregistré sous le label Daptone. Merci Daptone. et la sortie de "Cold World " en 2014.

Ce soir, une partie du public va découvrir une artiste authentique, une voix puissante et gutturale au timbre d'un richesse infinie au groove unique, les autres la connaissent déjà. Vais-je encore être dithyrambique ? Et bien oui car on ne chronique jamais Naomi Shelton par hasard. Et ce soir c'est encore du talent, du talent et encore du talent.

Et elle entre sur scène. A petits pas, soutenue par sa canne , s'appuyant sur un jeune homme robuste: émouvante. C'est bien une septuagénaire qui entre sur scène. C'est une quinquagénaire qui se saisit du micro et une vingtenaire qui attaque les premières mesures. Sous nos yeux: "Benjamin Botton" au féminin. Une gestuelle sans esbroufe, sa voix est son atout majeur. Et quelle voix! Force, maîtrise, d'une puissance et d'une énergie étonnantes! Magie, le public est bluffé puis totalement vitalisé, il se lève, danse et frappe des mains. Ce soir Naomi Shelton "met le feu" dans le théâtre Antique de Vienne. Pourtant, cette petite femme par la taille et si grande par le talent remercie, encore et encore, humble, la grande Dame est humble, et cela se lit aussi dans ses yeux.

Après plus d'une heure en compagnie de Naomi Shelton & The Gospel Queens le Golden Gate Quartet peut entrer sur scène, le public est prêt, en forme et survitaminé.

Naomi merci, merci pour cette générosité dont vous savez faire preuve. Merci pour ce talent que vous savez partager. Merci pour ce Jazz à Vienne que le public n'oubliera pas.

France de Stéfanis, texte et photos

(Naomi Shelton: voix ; Cliff Driver: piano, direction musicale ; Edna Johnson Cynthia Langston,  Bobbie Jean Gant: choeurs ; Fred Thomas: basse ; Michael Post: batterie ; Gabriel Caplan: guitare)

The Golden Gate Quartet :  quatre garçons (toujours) dans le vent

Une entrée en scène sous forme d'auto-hommage : 80 years it's a long time, à leur manière les quatre chanteurs honorent leurs anciens et prédécesseurs qui en 1934 ont fondé ce groupe mythique du Negro Spiritual appelé à l'origine " Golden Gates Jubilee Singers". Cette  intro  se permet de tutoyer le rap, c'est surprenant et touchant.

Paul Bremly, le leader du groupe nous précise d'entrée que le Golden Gate Quartet est historiquement un groupe de negro spiritual, à ne pas confondre avec le gospel, même s'ils en font bien la différence entre negro-spiritual leur "musique classique" et gospel, jazz et rythm'blues qu'ils pratiquent également mais leurs racines sont bien dans le negro-spiritual.

Ils continuent leur concert avec des "classiques" du quartet : Rock my soul puis Nobody knows une des toutes premières du répertoire de 1934 un moment de "remember".

Le trio de musiciens entre en lice sur Did'nt it rain. On embraye sur du "pas connu" avec Down by the Riverside.

Arrive enfin un gospel : Sit down servant, avec en solo Frank Davis (1^er ténor)
Terry Francis un nous montre toute l'ampleur de sa voix de  baryton de première bourre sur Cheer the Weary Traveler.

Retour à un grand classique mené bon train : (Joshua fit the battle of) Jericho.

Un gospel : Standing, le bien nommé qui fait se lever le Théâtre Antique.

Le public se rassoit sagement ... Manque de pot la bande des quatre attaque When the saints. Résultat : tout le monde debout !

On enchaîne les morceaux: Its a good day extrait de leur dernier album "the Golden Gate Quartet 80 years" puis The sunny side of the street.

Et là ça commence à se gâter avec  une reprise de Billie Jean par le second tenor Michael Robinson, vous savez celui qui accompagne souvent Jean-Jacques Milteau, on se demande ce que ce titre vient faire dans leur répertoire surtout une fois "goldengatisé".
Après quoi on s'égare parfois  vers de la variété genre Lonely et un Sitting on the dock of the bay sirupeux.

Heureusement on revient vite à des fondamentaux : What A wonderful world (pas la version de Louis Armstrong)  puis Stand by me dédié à son auteur Ben E. King disparu en mai dernier .

On attaque le blues avec Saint Louis blues de W.C. Handy

Rappel sur He walked and he talked like no other puis l'incontournable  Happy Days.

Au final un excellent concert donné avec grand professionnalisme et générosité (si on oublie deux ou trois morceaux déplacés), des voix magnifiques, des arrangements aux petits oignons, un micro de leader qui passe de l'un à l'autre avec un grand naturel alors que le show est millimétré et cerise sur le gâteau un leader qui fait ses annonces en français et qui les double en anglais.

Pascal Derathé & photos Jazz-Rhone-Alpes.com