35ème édition Jazz à Vienne :
Ce qu'il s'est passé le mercredi 1er juillet 2015
Le croquis et la chronique de François Robin
Macéo Parker. L'art du clip.
En 2007 débarquait sur Paris Première l'émission "Do you Do you Scopitone", dans laquelle Mareva Galanter exhumait quelques-uns parmi les plus fameux de ces ancêtres des clips musicaux tournés pendant l'âge d'or des années yé-yé. Peu de gens se souviennent du scopitone, cet étrange juke-box au design de boîte à chaussure de la taille d'un homme et flirtant les 170 kg, y compris l'écran qui le coiffait. Pourtant, même si son succès fût de courte durée - entre 1960 et 1969, date de la faillite de l'entreprise - il permit entre autres à Claude Lelouch de se faire la main sur ces petits films de trois minutes tournés en 16mm avec des budgets ridicules. Il en tourna plus de 80, une peccadille au regard des 500 réalisés par Andrée Davis-Boyer, surnommée "Mamy Scopitone". Vingt ans après Lelouch, Jean-Pierre Jeunet viendra lui aussi du monde des clips avant d'avoir le fabuleux destin que l'on connaît.
Le pas de deux entre musique et cinéma a toujours débordé d'inventivité. Dès ses débuts en 1895, le cinéma muet était accompagné de musiciens et bruiteurs qui illustraient la projection à grands renforts de piano, orgue de cinéma, percussions variées et autres klaxons. Aux Etats-Unis, ce sont les illustrated songs qui font fureur. Il s'agissait à l'inverse d'illustrer une performance musicale en projetant, à l'aide d'une sorte de lanterne magique, des séries d'une douzaine photos ou d'images imprimées sur des plaques de verre que l'on pouvait coloriser à la main. La toute première illustration song, sortie en1894, propulsa la vente des partitions du titre The Little Lost Child à plus de deux millions d'exemplaires. De 1902 à 1917, les phonoscènes de Gaumont permettront grâce à des cylindres - puis des disques - de cire, de synchroniser manuellement le film et le son. Cinéphonies et sondies complèteront jusqu'à l'apparition du cinéma parlant la liste de ces expérimentations.
Avec l'invasion de l'audio-visuel, on assiste paradoxalement à un renouveau du concert, probablement dû aussi au piratage de masse qui n'est pas forcément étranger à la chute de vente des disques. Il convient de reconquérir un public populaire qui veut de l'interactif et du multimédia, même pour de petits évènements - petits au regard des superproductions des Floyds ou de notre Johnny national. Rien d'étonnant donc de voir se développer lors des concerts de jazz une mise en lumière de plus en plus sophistiquée, comme en témoigne le nouveau fond de scène du festival de Jazz à Vienne, animé cette année par un jeu d'écrans qui accompagne plus ou moins le propos, jouant d'effets décoratifs dans un vocabulaire d'effets lumineux.
Quand on a côtoyé James Brown pendant plus de vingt cinq ans, on a forcément le sens du spectacle. Maceo Parker a plus que ça. Le saxophoniste funk compose ses morceaux comme autant de clips où la musique est intimement liée à la chorégraphie. Il ne s'agit plus uniquement de meubler les temps morts ou d'inciter à la danse - la musique funk le fait déjà naturellement avec succès. De même que le tromboniste Fred Wesley prétexte un cours sur le style funk pour dérouler un petit bijou groovy, Maceo Parker crée un univers transversal où la musique sert le propos, une théâtralisation millimétrée qui tient les spectateurs en haleine. Pas question de quitter la scène des yeux : le déplacement même des musiciens fait partie intégrante du discours, souligne un chorus, annonce le suivant. Il s'agit bien d'une comédie musicale, particulièrement musclée reconnaissons-le, un clip en direct que - je l'espère - l'équipe vidéo aura eu soin d'analyser pour que le film projeté sur les écrans géants soit à la hauteur de la performance. Bien sûr, il y a de grandes plages contemplatives, où l'univers visuel met la sourdine pour laisser le propos à l'extraordinaire fluidité du saxo, au romantisme du trombone ou à la dextérité du guitariste, mais cet équilibre là fait aussi partie d'un tout, d'un découpage génial qui fait du rythme du concert un des éléments les plus évidents de sa qualité.
Avec l'apparition du streaming, on pouvait redouter la mort du petit cheval. Maceo Parker nous le prouve: les artistes ont de la ressource ; le spectacle vivant n'a pas fini d'inventer.
François Robin, texte & illustrations
Voir la page Facebook de François Robin
Du coin de l'œil de Daniel Peyreplane
Sous le théâtre hurlant,
la ruelle attend,
juste quelques instants,
avant le déferlement,
D'une foule au sourire persistant...
Sur la scène de Cybèle
On connaissait le Migou on le redécouvre avec Steve Waring ce vieux chanteur de blues que l'on croyait cantonné au répertoire "jeune public". Et la rencontre semble évidente tellement les deux vont bien ensemble.
Il nous livre quelques unes de ses créations : Le blues du silence Boum caca où il se plaint de la musique de fond imposée "quand est-ce qu'ils arrêterons ces petits cons d'electro ?", le refrain sera bien sûr très apprécié par les nombreux gamins présents ce mercredi à Cybèle.
La sorcière de Nathalie Neckchild mis en musique par Alain Gibert de L'Arfi.
I'm a rich rambling man, un traditionnel du sud.
C'est mercredi le jour des enfants ; il y'en a plein, ça court, ça mange, ça se brumise et surtout ça applaudit de bonne grâce pour accompagner les chansons et ça se marre quand Steve dit un gros mot.
Final sur le tube Le matou revient, et là je peux vous assurer que de nombreux jeunes adultes avaient la larme à l'œil en entendant remonter tous ces souvenirs.
Une des belles surprises de l'après-midi. On nous avait annoncé un jazz méditerranéen. Ensoleillé soit ! Mais surtout léger et inventif. Jean-Charles Agou a la composition aussi alerte que sa flûte et il nous a fait passer un délicieux moment avec ses complices Olivier Caillard (piano, vous savez le créateur des "P'tits loups du jazz") et Michael Santanastasio (batterie)
Le Trio Barolo....Attention.........
Picasso a dit:
"Il y a des êtres qui font d'un soleil une simple tâche jaune mais il y en a aussi qui font d'une simple tâche jaune un véritable soleil"
Le Trio Barolo fait partie de cette dynastie là, lui qui métamorphose quelques notes de musique en moments d'intense émotion.
Souvent photographiés, je ne les avais pas encore chroniqués. Beaucoup de superlatifs ont été écrits au sujet de ce trio étonnant. En cette fin de journée nous sommes sur la scène de Cybèle pendant le festival de Jazz à Vienne. Mercredi premier juillet 17h 30, plus de place assise disponible. Certains sont là en connaisseurs du Trio d'autres pour la découverte.
Je vais donc relayer un public conquis de plus en plus nombreux.
A la fin du concert tout le monde est debout, véritable ovation. Des commentaires fusent dans les deux premiers rangs près de moi et en voici quelques uns:
- Ils viennent d'ou?
- Tu vois je te l'avais dit, je les ai entendu au Péristyle à Lyon! Il fallait venir!
- Mais quelle voix!
- Mouais j'préfère quand même Maitre Gims ( un ado)
- Il ont sorti un CD?
- Le trombone! Très fort le "mec"! (deux copains .)
- Mais t'as pleuré! (question posée à une jeune femme blonde )
- Non non bien sur que non! mais bon...l'accordéoniste c'est quelque chose!
Avec Philippe Euvrard, Francesco Castellani et Rémy Poulakis, ce soir le soleil était au zénith.
Des touches, des cordes et un simple souffle, le public est parti en voyage. Il a flâné en Italie où dansent ces filles brunes aux jupes colorées qui tournent et virevoltent, grimpé les rues escarpées de Gjirokastër, et s'est réchauffé au soleil de Chania.......
Les notes ont cabriolé, voltigé, gémis et se sont édulcorées. Le temps n'a plus eu de prise, des larmes furtives ont ruisselé le long du clavier de l'accordéon, l'émotion nous a tous séquestrés.
Du jazz ? pas seulement. De la musique du monde ? pas plus. De l'opéra ?
Ne perdons pas notre temps à les enfermer dans une cage laquelle ne ferait que tenter de les limiter sans succès. La musique du Trio Barolo est d'ici, d'ailleurs, de partout dans le monde. D'une noblesse authentique, d'une simplicité éclatante elle vient d'un lieu que l'on ne connaît pas mais que l'on reconnaît pour peu que la raison s'endorme.
Le Trio Barolo.......Attention........risque d'addiction.
France de Stéfanis, texte & photos
(Philippe Euvrard: contrebasse ; Francesco Castellani: trombone, voix ; Rémy Poulakis: accordéon, voix)
Il ya un certain temps que la route de Mohamed Abozekry (oud) n'avait croisé la mienne. En gros depuis 2012 et son premier concert à l'institut du monde arabe. Il a coulé de l'eau sous les ponts depuis, et du soleil sur les scènes de concert du monde entier. Mardi il se produisait sur la scène de Cybèle et le premier album de 2013, Chaos.
Depuis l'équipe qui l'accompagne s'est renouvelée. S'il y a toujours les excellents Anne-Laure Bourget aux percussions et Hugo Reydet à la contrebasse, l'ensemble Heejazz comprend aussi le pianiste Ludovic Yapoudjian et le saxophoniste Benoît Baud qui par le lyrisme et la délicatesse de leur jeu sertissent Mohamed dans l'écrin de pure ivresse qui lui convient.
Des compositions à la fois solides et enchanteresses : Transit, Poisson rouge, Serrague, Ring Road, ont enthousiasmé le public plus que nombreux de cet après midi. Le jeu de Mohamed s'est encore enrichi. De multiples folklores coulent sous ses doigts et les ritournelles éblouissantes naissent à chaque instant. Des doigts nerveux et incisifs plus que contemplatifs. Le pianiste et le saxophoniste sont mis à l'honneur dans leurs chorus. J'ai assez regretté de ne pouvoir me rendre au concert de minuit pour vérifier qu'Anne-Laure et Hugo prenait aussi toute leur part aux envolées magiques du quintet, comme je l'ai ouï dire.
Bernard Otternaud & photos Davd Strickler, France de Stéfanis
Les improvisations picturales
Chaque jour, à côté de la scène de Cybèle, deux artistes peintre se livrent à un exercice de style: ils disposent d'une toile de 80cm par 80cm. A eux de traduire avec leurs pinceaux ce qu'ils ressentent. Au total dix-huit peintres se livreront à cet exercice durant le festival.
La cuvée du jour: Boris Lugan et François Catrin
Au théâtre Antique
Depuis Jazz à Vienne 2010 où les Nantais de "Malted Milk" et leur guitariste chanteur leader Arnaud Fradin avait été accueillis au Théâtre Antique, on sait que ce groupe n'a rien à envier aux meilleures formations américaines qui continuent à croire au rhythm 'n blues et à la soul cuivrée éternelle de Memphis. En présentant la chanteuse Toni Green à Arnaud Fradin qui voulait se renouveler pour son quatrième album, le producteur Sebastian Danchin savait qu'il détenait là une équipe capable de réaliser un album référence de la soul actuelle. Il faut dire que Toni Green arrive tout droit de Memphis et des célèbres studios Hi Records du producteurs Willie Mitchell (Al Green, Ann Peebles, Syl Johnson ...). Elle s'est illustrée comme choriste derrière de nombreux artistes au point qu'elle aurait tout à fait sa place dans le documentaire "Twenty Feet From Stardom" consacré aux choristes qui se cachent derrière les plus grands hits de la musique populaire. Pour le live "Milk & Green" c'est une formation de dix musiciens qui se retrouvent sur scène aux côtés de Toni Green et Arnaud Fradin avec section rythmique, guitare, cuivres, clavier, orgue et choristes. Toni Green fait son entrée sur I'd really like to know une reprise de Tommy Tate qui appartient au patrimoine de la soul au même titre que le morceau enchainé ensuite Slipped, tripped and fell in love popularisé par Ann Peebles . La voix de Toni Green puissante et remplie de soul fait merveille sur ce type de reprise surtout quand derrière les Malked Milk assurent au millimètre comme s'ils étaient tombés tout petit dans la marmite du rhythm'n blues tout en prenant quelques biberons d'Otis Redding .
Temps fort du concert le morceau associé à Toni Green Sexy love machine où elle joue les aguicheuses façon Tina Turner en tournant autour des musiciens et en venant au contact du public qui à cette heure où le soleil tape encore rêve plus de fraicheur que de câlins. Dans ce concert dense (le groupe ne dispose de la scène que pour une petite heure), Arnaud Fradin trouvera cependant le temps de venir faire un impeccable solo de guitare en devant de scène. La fin du concert sera consacrée à des compositions écrites en commun par Toni Green et Malked Milk lors de l'enregistrement de ce projet. Just call Me et Party girl peuvent déjà s'inscrire comme des classiques de la soul et révèlent parfaitement la complicité qui peut s'installer entre une bande de "frenchies" passionnés de soul music et une rescapée de l'héritage soul de Memphis.
Au final un concert qui aurait nécessité un peu plus de temps pour permettre aux musiciens de développer quelques solos et faire monter la pression dans les gradins mais un bon choix pour l'ouverture d'une soirée funk.
Gérard Brunel & photos David Strickler
Voir la chronique de François Robin, ci-dessus.
Depuis aout 1969 où "Sly & the Family Stone" convertissait à woodstock toute une génération de hippies à une nouvelle musique fusionnant la musique noire avec le rock psychédélique, beaucoup d'eau est passée sous les ponts sans oublier toute la cocaïne absorbée par Sly Stone qui n'a pas été bénéfique pour sa carrière et l'a régulièrement empêché de revenir au premier plan . Sa dernière tentative en 2011 pourtant soutenu par Jeff Beck, Ray Manzareck, Bootsy Collins n'a pas été très concluante malgré l'album "I'm Back ! Family and friends". Aujourd'hui Sly Stone semble totalement retiré des affaires mais autorise le groupe "The Family Stone" à se faire le porte-parole et le défenseur de sa musique à travers le monde. Il faut dire que cette mouture de The Family Stone tire sa légitimité de la présence de trois membres du groupe initial de Sly and the Family Stone en 1968 : Cynthia Robinson (trompette), Jerry Martini (sax), et Greg Errico (batterie) , ce dernier connu aussi pour avoir un temps appartenu au "Grateful Dead" et à "Weather Report". On retrouve aussi aux vocaux Phunne Stone (fille de Sly Stone et Cynthia Robinson), complété par Alex Davis (claviers), Nate Wingfield (guitare) et Blaise Sison (basse).
Pour les fans, pas de soucis tous les principaux hits de Sly Stone apparaissent au fil du concert de Everyday people, Dance to the music à Hot Fun in the Summertime en passant par Stand et A family affair pour finir naturellement par I want to take you Higher, mais le show manque de mise en place tant au plan instrumental que vocal. L'heure avançant, l'enthousiasme communiqué par le groupe ne sera pas suffisant pour empêcher les gradins de se vider progressivement et irrémédiablement.
Au final un contrat rempli à minima pour ce groupe dont c'était pourtant la seule date française. Nous les laissons bien volontiers terminer leur tournée américaine ou il doit bien rester un public de nostalgique de Sly Stone . Pour notre part nous préférons retourner aux chefs d'œuvre originaux que sont Stand ! et le film "Woodstock" de 1969 pour oublier ce "live"» laborieux.
Gérard Brunel & photos David Strickler
Au Club de Minuit
Cf. ci-dessus
Au JazzMix
Un monstre de la batterie, Bernard Purdie, un Monsieur aux plus de deux mille enregistrements, le père du "Purdie shuffle", là sous nos yeux avec une bande de jeunes beat-boxers vitaminés (anciens champions du monde) et comme ça ne suffisait pas pour faire le poids on a invité Soweto Kinch génial touche à tout, sax, rap, claviers. Et tout ce beau monde nous a donné une leçon de groove.
La galerie de photos de Jazz-Rhone-Alpes.com
Les concerts du mercredi 1er juillet 2015 à Vienne
le Migou et Steve Waring ; Jean-Charles Agou Trio ; Trio Barolo ; Mohamed Abozekry & Heejazz ; Malted Milk & Toni Green ; Maceo Parker ; The Family Stone
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