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ce qu'il s'est passé le lundi 7 juillet à Vienne

Le croquis et la prose de François Robin

Keystone Junior Sextet. L'heureux imprévu.

Satanée pluie !

Déjà privé de dessin la veille pour le concert de Joe Satriani et Lucky Peterson, je pestais contre la lansquine qui avait décidé de remettre le couvert. A Vienne, les concerts au théâtre antique sont maintenus quelles que soient les conditions météo. Privilège de la grande scène et public ennemie, particulièrement lorsqu'on est équipé d'un carnet de croquis hydrophile. Les scènes gratuites de Cybèle - allez-y : une programmation épatante - n'ont pas toujours cette chance. Même si la scène principale s'est offert un vélum pour son public, la pluie est parfois synonyme de repli, voire d'annulation. Pour les musiciens programmés, c'est la désillusion.

C'est dans la crainte de ce Trafalgar que Benjamin Tanguy - le très actif programmateur de Cybèle - m'appelle dans l'après-midi pour savoir si l'Esplanade Saint-Vincent peut accueillir les naufragés. Cela s'appelle un plan B, pour les musiciens comme pour moi. Les musiciens, c'est le "Keystone Junior Sextet", une bande de tueurs en herbe élevés à l'excellent esprit de Cédric Perrot, et qui délaissent ce soir leur antre de La Clef de Voûte pour se frotter aux sensations du festival.

Et les juniors ne s'en laissent pas compter, enchaînant les standards avec aisance et fluidité, une étonnante technique qui laisse songeur. Mais, si on fini par s'habituer à voir des gamins jouer comme des grands - le travail engagé par les conservatoires dans la région depuis des années portent leurs fruits - l'esprit que Cédric Perrot est arrivé à insuffler à ces jeunes est remarquable. Leur façon de s'ouvrir au public, l'intelligence et l'équilibre de leurs arrangements, le swing parfait, le juste équilibre du répertoire et surtout la qualité d'écoute mutuelle, tout laisse entrevoir une belle épaisseur, de ces racines bien plantées sur lequel la suite peut grandir, le bon feeling qui fait les bons musiciens, le bon esprit qui fait les belles personnes. Les trois soufflants - Victor Maisonneuve au ténor et baryton, Nathan Vidalenc à la trompette et Maxime Prebet à l'alto - forment une section de cuivres très solide qui semble en avoir encore sous la semelle. Zacharie Leblond soutient parfaitement à la batterie, avec une finesse de cymbales toute adaptée au lieu. Thomas Gentilhomme, penché sur son clavier, fait plaisir à voir, tout à sa musique. Héliodore Perrot, royal à la contrebasse comme à la basse fait quand à lui montre d'une très grande maturité musicale et d'un jeu d'archet que doivent lui envier nombre de cadors.

Ambiance d'enfer et ovation plus que méritée pour le sextet, devant un public qui déborde déjà de la salle, avec une vague de jamers venue déferler à l'invite du stage de l'Académie. La machine turbine ; la longue file de saxos attendant leur tour en dit long sur le succès de l'invitation. Un big band américain engage ses musiciens dans le bœuf qui menace d'exploser. Il faut toute la sérénité d'une Anne Pacéo pour apaiser le train fou. Les grands ont pris la place, la jam prend ses marques. Tranquillement assis, je savoure un confort inhabituel pour dessiner. Dehors, les robinets sont ouverts. L'Esplanade, bondée, ronronne comme un gros chat.

Bénie soit la pluie !

François Robin

voir le site de François Robin

Du coin de l'œil de Daniel Peyreplane

 
L'animateur passionné, concentré et mouillé...

Sur la scène de Cybèle

Le JAV Contreband

Journée pluvieuse à Vienne, une petite accalmie, juste le temps de gagner Cybèle et ça recommence. JAV Contreband* décide de jouer malgré la pluie, ne serait-ce que pour la vingtaine de spectateurs présents, vingtaine qui deviendra soixantaine au fur et a mesure du set.

On sait que JAV Contreband n'est pas un groupe à se satisfaire de standard faciles et courants, c'est donc avec The Grand Wazoo (Zappa) que se fait la mise en oreille, dans un superbe arrangement de Pascal Berne qui signe le titre suivant Mes Amitiés à Igor. c'est un peu comme si l'wazoo de feu venait réchauffer l'atmosphère malgré la pluie battante. La fête se poursuit avec Utviklingssang de Carla Bley dont les musiciens nous donneront également Musique Mécanique 3. La fête se poursuit avec Led Boots et Cause We've ended as lovers de Jeff Beck, puis de nouveau Zappa, I promise not to Come in your Mouth et Ouvertoire 3 d'Andy Emler.

Comme on le voit un répertoire exempt de facilité et d'une grande qualité artistique. L'interprétation est à la hauteur du répertoire et les arrangements particulièrement réussis. La configuration instrumentale originale offre à l'arrangeur une palette sonore inédite, ce qui lui permet de proposer des interprétations particulièrement inouïes de ces titres dont les versions originales sont fortement connotées.

JAV Contreband est une formation attachante qui ne fait décidément pas dans la facilité, et ça lui réussit merveilleusement bien, au public également, il semblait avoir oublié la pluie qui n'était plus, pendant le concert, qu'un petit phénomène tout juste anecdotique.

 
Michel Mathais

*: ne pas se méprendre ici JAV signifie Jazz Action Valence.

Thomas Ibanez Quartet

Thomas Ibanez fait partie de ces musiciens originaires de la région, dont l'audience s'est élargie peu à peu au niveau national et qui, n'en doutons pas ira plus loin encore.

Le groupe pratique un jazz de facture apparemment classique par la configuration en quartet: sax ténor, piano, basse, batterie. L'innovation vient de la construction musicale, les mélodies sont originales et les structures rythmiques riches sans être absconses, mais lisibles au point d'en être jubilatoires. Piano, basse, batterie, l'un tient le tempo pendant que les autres chantent à deux voix. Sur cet accompagnement lumineux, Thomas Ibanez, musicien d'une élégance discrète, sans ostentation, tout d'intériorité, va puiser au fond de lui des trésors mélodiques d'une grande sensibilité et nous fait partager des émotions rares.

Michel Mathais

(Thomas Ibanez: sax ténor ; Joachim Expert: piano ; Thomas Belin: contrebasse ; Josselin Perrier: batterie)

Au théâtre Antique

Thomas Dutronc et ses invités

Pour cette soirée qui pourrait porter le sous-titre de "les beaux 'gosses' chantent" c'est Thomas Dutronc (pedigree de beau confirmé !) qui ouvre le bal et nous dévoile ses nouvelles chansons (sorti du disque prévu en automne) assorties de quelques tubes déjà plus que consacrés (Le Blues du Rose, J'aime Plus Paris) et des titres traditionnels. Fidèle à sa passion pour la guitare manouche, il compose son orchestre pour l'occasion parmi les plus admirés du genre de swing manouche, rien moins que Angelo Debarre et Rocky Gresset, au violon Pierre Blanchard et ses amis de la route et les nuits blanches en musique Gérôme Ciosi (banjo, guitare rythmique) et David Chiron (contrebasse).

Son 'show', quoique par moment un peu trop précieux, a la qualité très importante d'équilibrer le poids de l'instrumentaliste virtuose, guitare ou violon, la règle générale de nos jours dans le milieu jazz manouche sur scène, avec le poids des mots et sentiments des chansons et la voix humaine, et de garder l'aspect rapproché et chaleureux dans la représentation, même dans la présence de plusieurs milliers de spectateurs. Thomas n'hésite pas de communiquer avec le public, de raconter des anecdotes à propos de ses compositions, d'installer une atmosphère détendue comme une après-midi entre amis sous une tonnelle avec un verre de rosé sur une table et une guitare dans la main. Son utilisation d'un micro de chant en cuivre pour certains titres donne un air très retro, évoquant une soirée d'été lointain autour d'un gramophone.

Quoique à la balance l'après-midi on a pu constater qu'il se défend très bien à la guitare, pendant le spectacle Thomas reste centré sur son rôle de Maître de Cérémonie et chanteur, contribuant à quelques chorus ou thèmes au médiator ou en finger-picking mais laissant la plupart des chorus conséquents à Rocky pendant la première partie et en suite à Angelo et Pierre qui rentre en scène après la pause "chips crevette" partagé avec le public (certainement un 'first' pour JàV !) . Faisant clin d'œil aux temps du début de la collaboration de Django et Grappelli quand l'orchestre était au service de la danse, Thomas invite certains du public sur scène pour danser, ce qu'ils ont fait avec beaucoup d'enthousiasme et, pour certains, beaucoup d'élégance. En ce moment on a pu apprécier l'accompagnement d'Angelo qui sait très bien, comme Django, où il faut mettre les pêches et les accents pour encourager les danseurs. Mais on ne laisse un aussi grande guitariste en arrière-plan et en suite à notre bonheur Angelo joue en solo le titre traditionnel Le Vieux Tzigane.

Avec Rocky de retour sur scène, encore quelques titres avec du chant et des chorus généreux. Un seul 'quack', une manque de concertation sur l'instrumental Mélodie au Crépuscule, mais en sachant qu' il y a plusieurs variantes possibles pour la grille de ce titre on doit supposer que c'est un cas de chacun tirant la couverture à sa coté ! Thomas rattrape avec encore deux de ses tubes bien swingués et c'est oublié. Le concert termine avec un bis sur Minor Swing du genial manouche et c'était génial , on ne pourrait même pas vous dire s'il a plu mais c'est sûr que le concert a plu !

Judy Rankin

Jamie Cullum