Jazz-Rhone-Alpes.com

ce qu'il s'est passé le vendredi 4 juillet à Vienne

Le croquis et la prose de François Robin

Tedeschi Trucks Band. La grande famille.

La presse people regorge d'histoires de couples glamour si-beaux-si-riches dont on suit l'histoire passionnante de jour en jour, semaine en semaine, des mois, parfois des années. De ces étoiles filantes, il reste rarement quelque chose; les fondations sont si fragiles, la construction si mince. Difficile de créer une forteresse à deux dans un monde où show et business sont les seuls ciments du couple.

Si le cas de Derek et Susan n'est pas la seule exception, il n'en est pas moins révélateur de la force et de l'énergie que peut recevoir un couple de musiciens - ils sont mariés depuis 2001 - lorsqu'il ouvre ses portes et accepte sa vocation de foyer.

 
Lorsqu'ils ont décidé d'unir leurs deux groupes respectifs - The Susan Tedeschi Band et The Derek Trucks Band - ils ont pris un risque certain, celui de perdre en s'agrandissant la cohérence des petites formations, de diluer l'identité de chacun dans une même famille recomposée. Si l'osmose s'est faite, c'est qu'ils en ont fait une priorité en renonçant aux autres formations dans lesquelles ils évoluaient, particulièrement Derek qui jonglait entre son propre groupe, the Allman Brothers Band et le groupe d'Eric Clapton. Il s'en explique avec simplicité : "Quand nous faisions la tournée avec Eric Clapton, les enfants (Charlie et Sophia) étaient avec nous sur la route autant que nous le pouvions. En France pendant la tournée européenne ou au Japon avec nous. En tant que musiciens, nous avons à voyager, mais nous essayons de ne pas perdre de vue nos enfants. Maintenant qu'ils ont grandi et qu'il y a les contraintes de l'école, nous ne voulons pas que notre carrière nous sépare d'eux."

Ils décident alors de raréfier la scène pour privilégier le studio, même si Susan le reconnaît : "Il n'y a pas la même énergie en studio que sur scène. Il manque la sensation d'échange, de musique et de vie partagées" C'est pour retrouver ces qualités qu'ils décident de construire leur propre studio dans leur propriété. Une grande bâtisse de bois, ventrue et confortable, qui fait face à la maison. Lors des sessions, la table est pleine. Les enfants, les frères et sœurs, les amis, c'est une grande famille d'une vingtaine de personnes qui partage les repas chaque jour.

Cette fraternité se retrouve sur scène. Bien sûr, il y a entre Derek - fantastique guitare-héro, qui compense son silence par la virtuosité et la finesse de sa guitare slidée - et Susan - voix tantôt chaleureuse, tantôt écorchée - une connivence évidente, même pour celui qui ne connaît pas leur histoire. Mais il y a aussi la sensation d'un immense respect entre les dix musiciens, une complémentarité que seule permet la vie en commun. Dans le public, les accrocs au Southern rock mâtiné de soul s'y retrouvent avec la section de cuivre très funk formée par Kebbi Williams, Maurice Brown et Saunders Sermons. Les amateurs de gospel se délectent des voix de Mike Mattison et Mark Rivers, dans un programme très roots qui s'aventure aussi dans des registres plus country. Dans cette remarquable harmonie, les solos de Derek s'invitent intelligemment, par petites touches d'abord, réservant ses forces pour de longs moments de bravoure, qui rappellent qu'il est l'un des meilleurs guitaristes de blues. Pas de concurrence, de ces batailles de guitare chères aux blues-stars, mais une constante et savoureuse conversation, portée par la rythmique parfaite de Tyler Greenwell, J.J.Johnson et Kofi Burbridge pour un répertoire déconcertant, inventif et chaleureux qui justifie l'énorme succès de ce collectif.

Recette pour une légende : du talent, un feu, des amis...et beaucoup d'amour. "C'est une maison bleue... "

François Robin

voir le site de François Robin

Du coin de l'œil de Daniel Peyreplane

Les intermittentes (du public)

Sur la scène de Cybèle

Grève !

Les improvisations picturales

Chaque jour, à côté de la scène de Cybèle, deux artistes peintres se livrent à un exercice de style: ils disposent d'une toile de 80cm x 80cm. A eux de traduire avec leurs pinceaux ce qu'ils ressentent. Au total dix-huit peintres se livreront à cet  exercice durant le festival.

Aujourd'hui l'association Solo-Sary qui organise ces Improvisations Picturales a baissé le rideau par solidarité avec les intermittents du spectacle

Prochaines improvisations picturales : le  5 juillet

Au théâtre Antique

La soirée Blues

En dépit d'un appel à la grève générale des intermittents du spectacle, ceux-ci ont accepté d'assurer la soirée au Théâtre Antique mais sont toutefois montés sur scène après la prestation solo de Thomas Schoeffler Jr. pour faire part de leurs revendications et sensibiliser le public qui semblait très compatissant.

Tedeschi Trucks Band

Dans la lancée de son premier album "Revelator", le "Tedeski Trucks Band" effectuait sa première visite à Jazz à Vienne dans la soirée blues de l'édition 2011. Ils avaient très favorablement surpris bon nombre de spectateurs par leur musique qui regarde bien au-delà du blues pour se charger de soul, de rock , de country voire même d'influences jazz. Il faut dire que les deux leaders, mariés dans la vie depuis 2001 et sur scène depuis 2010 ne sont pas les premiers venus : Susan Tedeschi a derrière elle une brillante carrière solo dans un style plutôt blues que l'on a souvent rapproché de Janis Joplin et de Bonnie Raitt . Pour sa part Derek Trucks a toujours figuré dans les classements des meilleurs guitaristes en collaborant avec Eric Clapton et surtout comme membre du plus ancien groupe de rock en exercice "The Allman Brothers Band" avec lequel il aura joué pendant quinze ans avant d'annoncer récemment qu'il quittait le groupe parallèlement à l'autre guitariste charismatique Warren Haynes. En effet le couple est maintenant en phase pour faire du "Tedeschi Trucks Band" leur priorité car depuis leur deuxième album studio "Made up mind" (2013) ils croient à leur projet musical et à l'équipe de neuf musiciens qu'ils ont réuni : deux batteurs, une section de cuivre, claviers, basse, harmonies vocales et bien sûr les deux guitaristes leaders.

La formation enchaine inlassablement les tournées munie d'un solide répertoire tirés des deux albums et quand cela ne suffit pas ils lorgnent du côté des standards de blues ou de rock, ce soir ils revisiteront notamment  The Sky is crying d'Elmore James sur lequel Susan Tedeschi délivre un superbe chorus bleu à souhait et Keep on growing trait d'union plus que symbolique entre le groupe et les grands frères que sont Eric Clapton et Duane Allman . Les temps forts du concert seront Midnight in Harlem, Bound of Glory où Derek et Susan prennent alternativement les solos (Monsieur ayant l'exclusivité du jeu slide pendant que Madame se réserve le chant de fort belle manière d'ailleurs). Une composition comme Made Up Mind permet à toute la formation de s'illustrer derrière le jeu des guitares à commencer par l'éclatante section de cuivres, on se rapproche pas mal d'ailleurs de l'esprit du E Street Band du Boss. Sur Idle Wind c'est un délicat filet de flûte qui vient créer la surprise, sur The Storm derrière l'orgue et le jeu simultané des deux batteurs on oublierait presque l'omniprésence des guitares. En rappel le groupe donnera une sage relecture du Eleanor Rigby des Beatles.

A voir la complicité de Susan et Derek (sur scène et à côté), maintenant qu'on sait que le couple est totalement orienté vers cet unique projet commun le Tedeski Trucks Band, on peut s'attendre dans un futur proche à beaucoup d'autres réussites musicales toujours dans ce style qui ambitionne sans complexe de fusionner toutes les musiques américaines.

Gérard Brunel

Line Up : Derek Trucks: guitare ; Susan Tedeschi: voix, guitares ; Kebbi Williams: sax : Maurice Brown: trompette ; Saunders Sermons: trombone, voix ; Kofi Burbridge: claviers, flûte ; Tyler Greewell, JJ Johnson: batteries ; Mike Matisson, Mark Rivers: voix, basse

Buddy Guy

C'est fabuleux comme les festivals, comme Jazz à Vienne, par leurs moyens et la qualité de leur programmation, jouent un rôle primordial dans la  transmission de la culture du jazz. : Buddy Guy !!  L'édition du 30ème anniversaire de "Rolling Stone magazine" le mentionne comme faisant partie des  "100 Greatest Guitarists of All Time" (place 30 !). 

Quelle opportunité pour nous tous d'écouter cette légende vivante !! Un musicien tellement important dans l'évolution de la guitare, du blues, du rock, et du jazz au vingtième siècle. Un vrai OVNI du son, qui joue tantôt fort, très "distorsion", tantôt doux et très calme, et toujours une voix authentique très "roots". C'est le mec qui a inspiré Jimi Hendrix, Eric Clapton, Steve Ray Vaughn,  Jeff Beck ! Rien que ça ! Il est là avec nous ce soir et Il a nous donné une leçon en grand par son inventivité, son SON !, sa générosité. Il a joué au top tout le concert (pas la peine de vous le détailler y'avait rien à jeter. Citons juste le titre 74 Years Young qui a été adapté pour les circonstances en 77 Years Young  !! et franchement il ne les fait pas ...)

Au moment le plus chaud, vers minuit, quand l'averse est tombée il a  plongé dans le public rincé par solidarité, l'orage n'a pas lui fait peur, il voulait le contact !!  Et ensuite, revenu sur scène,  il a terminé le concert avec la distribution de médiators pour les fans - il nous a fait manger dans sa main toute la soirée ! 

Les grands ils sont comme ça,  sereins dans leur art et n'hésitent pas à le partager, leur bonne musique répand un bonheur énorme et nous, nous sommes ravis.

Longue vie et à très bientôt à Vienne à Buddy Guy !!

Judy Rankin

Au Club de Minuit (et en set découverte au Théâtre Antique)

Thomas Schoeffler Jr.

Adepte d'un country blues adapté au monde contemporain, un chant entre Johnny Rotten et Dead Kennedy pour l'urgence, et Mano Solo pour le vibrato et l'acuité du propos, Thomas Schoeffler insuffle à cette musique un peu de l'énergie punk rock qu'il affectionnait dans sa jeunesse. C'est pour chanter la joyeuse mélancolie des laissés pour compte et des cabossés de la vie qu'il a pris la route avec dans la tête comme une image pieuse gage de protection, le souvenir de Hank Williams.
Notre one man band a débarqué dans l'après midi de son Opel Astra de 98 avec ses deux guitares acoustiques et ses harmonicas. Le set découverte qu'il a donné sur la scène du théâtre antique, à la vue de l'enthousiasme du public, avait déjà bien auguré du reste de la soirée. C'est donc un peu avant minuit que, sans attendre la fin du concert de Buddy Guy, nous nous sommes faufilés vers la sortie pour être à l'heure à l'ouverture du club.
Malgré la grève et par respect pour le public, Thomas Schoeffler donnera un concert, un peu raccourci certes, mais une bonne heure de chanson quand même. Par solidarité avec l'équipe du club et en accord avec celle-ci il s'installe au pied de la scène.
Le vieux folk song Wayfaring Stanger, dans une belle version, simple et dépouillée, sert d'introduction et semble bien indiqué pour introduire la soirée. Thomas Schoeffler enchaîne avec ses propres titres, I've Lost Everything I have, Daddy's not Going Home, On the Next Day, No More My Lord, parmi lesquels un ou deux morceaux de Hank Williams.
Le bonhomme est chaleureux et plein d'humour, un cœur gros comme ça et du talent plein la musette, l'heure est passée très vite. Nous nous sommes à nouveau glissés dans la nuit pour rejoindre nos pénates, avec au cœur le secret espoir de croiser à nouveau, un jour ou l'autre, la route de Thomas Schoeffler.

Michel Mathais