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ce qu'il s'est passé le jeudi 3 juillet à Vienne

Le croquis et la prose de François Robin

New generation by Quincy Jones.

En 2010, en pleine explosion de la mode du beatboxing et des groupes a capella, un clip met le feu sur le net musical. Il met en scène le groupe vocal "Naturally 7" dans une reprise d'un tube de big band de 1962 : Soul Bossa Nova. Dans un club de jazz au look délicieusement rétro, on voit un vieux monsieur souriant traverser les cuisines en habitué des lieux, dans un décor de vaisselle et de flammes de cognac, entouré de créatures de rêve qui semblent glisser avec lui dans un ralenti très photogénique, avant de s'installer confortablement dans de profonds fauteuils. Il semble beaucoup s'amuser, au milieu de cette jeunesse chatoyante comme un lustre de Venise, tandis que les musiciens font leur show sur scène.

C'est l'image qui me revient immédiatement en voyant ce même Quincy Jones sous le chapiteau blanc de la conférence de presse, aux côtés de la pétulante Canadienne Nikki Yanofsky, du Cubain Alfredo Rodriguez, du Hongrois Andreas Varady et du pianiste aveugle Justin Kauflin. Une flopée de prodiges qu'il présente avec l'amour et la fierté d'un émir pour ses purs-sangs. Il y a chez "Q" un évident plaisir à dénicher, à goûter, à passer les plus parfaits ingrédients au feu de sa cuisine. Et la recette marche depuis plus de cinquante ans. Jazz, pop, funk, soul, big band, swing, bossa nova, hip hop, dance...entre les mains de ce Midas de la musique, tout devient tube, porté avant tout par une remarquable liberté qui permet toutes les inventions.

L'Amazing Keystone Big Band & Michel Hausser

Les chevaux fous de l'Amazing Keystone Big Band savourent eux aussi, en rêveurs éveillés, la chance qui leur est faite. Si leur fulgurante ascension stupéfie, elle ne doit rien au hasard, et Quincy ne s'y est pas trompé, remettant le couvert pour leur concocter des arrangements aux petits oignons, un pastiche de lui-même, charnu, flamboyant, délicieusement décalé et ronflant comme un gros chat sous l'énergie des dix-huit "keystoners".

Tout ce petit monde va défiler sur scène, enchaînant les styles avec la justesse d'un menu fameux, qui donne à voir l'intelligence et l'immense culture du cuisinier. Une entrée en matière raffinée avec le très élégant Justin Kauflin, puis l'épicé Alfredo Rodriguez et le dépaysement de son trio cubain, la bonne chair du combo familial du jeune Andreas Varady, dix-sept ans et un jeu à la George Benson, son idole. Pour le dessert, Nikki Yanofsky enflamme le plateau du haut de ses vingt ans.

Mais ensuite, il faut rejoindre "Q" dans un de ces bons fauteuils de cuir, et savourer, un cognac à la main, la machine ronflante du "Keystone". En écoutant ce big band-maison, on sent la patte du magicien qui s'est employé à tester les limites des cadors : dextérité, précision, les qualités intrinsèques ont été dopées au super. Le petit détail génial qui permet le dénouement du film, le petit plus d'un autre "Q" dont on comprend l'évidence lorsque James Bond est au cœur de l'action. Les Fred-Jon-Bastien-David & C° saisissent leur chance. "Ils vont changer la musique de demain", dit Quincy de ses poulains. Pour "Q", bien sûr, demain ne meurt jamais !

François Robin

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Du coin de l'œil de Daniel Peyreplane

Abat-jour

Sur la scène de Cybèle

Carte blanche au CRR  de Lyon

Le CRR présente deux big bands. Le "junior" tout d'abord, sous la direction de Thierry Seneau. Le niveau grimpe ! Ensuite place au "senior" sous la direction de Bastien Ballaz. La difficulté est présente  dès le départ avec une pièce de J. Hollenbeck qui est tout sauf simple. Viendront ensuite des standards aux arrangements subtils.

Anne Quillier Sextet

Carte blanche au conservatoire de Limonest

Le conservatoire de Limonest présentait sur la scène de Cybèle, un spectacle en deux temps. Dans un premier, avait été réunis le "Swing Band de Limonest" et le chœur" Legato", rassemblant une partie des élèves sous la direction de Stéphane Rivero. Le répertoire présenté va de Mingus à Brubeck et Coltrane (Blue Rondo a la Turk, Giant Steps), à noter un Girl from Ipanema où le chœur, particulièrement affuté, produit un groove superbe qui a fait chavirer le public.

En seconde partie le conservatoire présentait le big-band junior. Réunis pour la première fois ce lundi, après trois jours de travail intensif, le groupe présentait deux titres, Real Vehicle et It´s Only Paper Moon. Une belle réussite pour ces très jeunes musiciens (le plus jeune à dix ans). C'est un bel exemple de ce qu'une équipe d'encadrement hypermotivée peut faire produire à un groupe d'enfants et de jeunes adolescents enthousiastes rassemblant leurs énergies pour créer ensemble.

Michel Mathais

Gauthier Toux Trio

Dès les premières mesures, c'est la mélodie qui vous saute à la gorge. Avec un son ample pour une musique qui prend immédiatement ses marques, qui appuie et enveloppe son public. Il lui prend des envies de liberté. On est sur le terrain du défrichage, de l'inouïe. Cette musique de contrastes occupe l'espace, vous happe et vous électrise. Pas de faux semblants. Elle se livre, intacte, les arpèges du piano en éventail, les accents puissants de la contrebasse en écho, les ponctuations fragmentées de la batterie.

C'est un entrelacs de mélodies, d'atmosphères, une musique sauvage qui coule, pour des torrents de notes, la forme se meut subtilement. Surgissent des pics inattendus sous les doigts du pianiste. Les silences sont grisants, la contrebasse solide et sensuelle, la batterie réactive, le piano étonnant d'inventivité. Les trois sont imbriqués, en osmose. On est dans la salve de notes, ou alors dans le geste musical minimaliste (le dernier morceau joué pourrait faire penser à un hymne, régal de sobriété). Les trois musiciens qui la portent osent la complexité harmonique, rythmique et mélodique qui laisse pantois parce que d'un naturel désarmant. On est subjugué par ce passage de témoin dans les improvisations, des formes et des constructions modernes se créent, une façon différente de jouer et nos repères musicaux éclatent, libérant une énergie peu commune et des promesses de nouveauté.

En écoutant le Gauthier Toux trio, je pensais à Tord Gustavsen pour le côté méditatif ou à Phroenésis pour sa contribution nouvelle à la musique de jazz. La musique de Gauthier Toux a finalement sa propre autonomie, les musiciens une démarche artistique enivrante. Sans doute, pour moi,  le groupe le plus intéressant de tout ce festival de Vienne 2014.

Laurent Brun

Au théâtre Antique

L'hommage à Quincy Jones venu avec ses protégés

Le moment tant attendu par les organisateurs de Jazz à Vienne est enfin là : lui faire fouler la scène du Théâtre Antique. Quatre-vingt ans, commandeur de la Légion d'Honneur, grand amoureux de la France et jamais venu à Vienne!

Stéphane Kochoyan ne goutaît pas peu son plaisir en le présentant au public du Théâtre Antique cette légende vivante. Mister Q est venu avec quelques petits protégés dans ses valises comme l'excellent et énergique pianiste Alfredo Rodriguez ou le tout jeune Justin Kauflin, également au piano.

Nous nous arrêtons sur le premier passage à Vienne de ...

Niki Yanofsky

Parmi les trouvailles de Maître Quincy Jones, Nikki Yanofski fait certainement partie des plus pétillantes. Elle se produit ici en quintet pour quelques titres issus de son dernier opus en date, "Little Secret", qui doivent pouvoir se classer dans la catégorie "jazz - pop", tendance pop. Même si la voix flirte quelquefois avec les limites de la tessiture, le set est brillant et déborde d'énergie communicative, le courant passe instantanément.

Nikki a une belle présence sur scène, chaleureuse, radieuse, dynamique et conquiert son public dès les premières paroles. Le pianiste cubain Alfredo Rodriguez vient reprendre les commandes du clavier l'espace d'une chanson. Il faut avoir l'œil aux aguets pour s'apercevoir que l'invitation est totalement impromptue et qu'Alfredo découvre la grille au fur et à mesure que le guitariste lui souffle la succession des accords. Dès la deuxième tourne, rien n'y parait plus, et le voilà paré pour prendre un chorus qui se fond comme dans un moule dans le groove du moment, ajusté au millimètre et percussif à souhait.

Nikki clôture le set par C'est si bon, si bon qu'on en redemande, et promet de revenir plus tard avec l'Amazing Keystone Big Band, où l'on pourra retrouver le répertoire qui avait tant impressionné sur son précédent album, et où l'on pourra apprécier avec quelle aisance elle prend les commandes de la formation ; de toute évidence, la poussée du big band lui va comme un gant, pour notre plus grand plaisir, et c'est dans ce registre que je la préfère.

Michel Perrier

vus également

Justin Kauflin

Alfredo Rodriguez

et

Andreas Varady

The Amazing Keystone Big Band joue Quincy Jones

Cette soirée exceptionnelle se poursuit avec un de nos grands ensembles régionaux : The Amazing Keystone Big Band avec en invité Michel Hausser. Ils vont rendre hommage à Quincy Jones en interprétant un répertoire de ses compositions et de ses arrangements.

Le démarrage de ce set est plutôt calme et les musiciens semblent avoir des difficultés à se caler sur le tempo de "Mister Q", on les sens timorés dans l'interprétation de la musique du maître ! Est-ce que cette retenue est due à la présence en coulisse de Quincy Jones ? Ceci dit on se met à leur place, interpréter les standards de Quincy Jones alors qu'il est présent et qu'ils jouent à domicile, il y a de quoi être impressionnés ! On en connait d'autres qui seraient tétanisés sur leur terrain, la balle au pied et devant leur public. Mais bon, il faut il y aller et jouer le match ! Michel Hausser ajoute aux morceaux une touche délicate de percussion avec son jeu au vibraphone. Les leaders du groupe avec notamment la section de cuivre prennent des solos sur un ton plutôt technique.

Cette première partie ou le groove et le swing ne sont pas encore présents, a le mérite de montrer que le Big Band maîtrise la finesse des arrangements. On pense à l'époque de : "Quincy Jones Explores the Music of Henry Mancini". On appréciera la dextérité dans l'interprétation des standards tels que Quintessence ou Soul Bossa Nova. C'est à partir de ce morceau, choisi comme hymnes pour le mondial de foot en France en 1998, que nos hommes ont accroché le groove à leurs interprétations et jusqu'à la fin de leur set.

Le Big Band a invité les jeunes protégés de Quincy Jones qui ont été présentés en première partie et le concert est jeté à bras le corps dans le swing ! C'est le pianiste cubain Alfredo Rodriguez qui enflamme le Big Band avec une touche de Cu-Bop. On pense à la période où Quincy Jones jouait chez l'inventeur du style, Dizzy Gillespie Il est suivi du jeune guitariste virtuose Andreas Varady qui nous montre que sa dextérité est aussi présente avec un grand ensemble. Il fait honneur à ses aînés, Wes Montgomery, Jim Hall, très présents à l'époque dans les Big Band. La voix de Nikki Yanofsky prend beaucoup d'ampleur et de relief. Elle libère beaucoup de groove sur les accompagnements de l'orchestre. Elle lâche toute la puissance de sa tessiture pour nous montrer son potentiel.

L'apothéose de ce final vient avec l'arrivée sur scène du maître lui-même, pour diriger le Amazing Keystone Big Band. Quincy Jones, dos au public mais face aux musiciens donne le ton et fait accoucher le Big Band d'un swing fabuleux. L'orchestre donne toute sa puissance, le bonheur que les musiciens ont à jouer cette musique est palpable. Et le trompettiste, arrangeur, chef d'orchestre, producteur, directeur musical ne s'y trompe pas, à quatre-vingt un ans il est encore capable d'aller chercher le meilleur chez les artistes et de les transcender ! On lit aussi le bonheur sur son visage et dans ses pas de danse.

Le public est comblé et le montre par une standing ovation qui vient boucler ce concert après celle que Quincy Jones a reçu au début de la soirée à son entrée sur scène. On aimerait retrouver plus de soirées d'hommage comme celle-ci avec les dernières légendes du jazz. Jazz à Vienne, il est encore temps, tout juste temps, de programmer du bonheur comme celui-ci sur la grande scène de l'Amphithéâtre.

Jean-François Viaud

Au Club de Minuit

Youn Sun Nah

Je n'ai rien lu sur Youn Sun Nah, je ne l'ai jamais entendue. J'ai ouïe dire. C'est comme avec Ibrahim Maalouf. Passé à côté. Peut-être par excès de notoriété, parce que ce qu'on m'en a dit me fait penser à quelque chose d'immense, de trop gigantesque pour être vrai. D'inatteignable, de trop parfait. Avais-je un à priori sur cet « objet  médiatique », pensant que tout ce qui relève de la médiatisation n'est pas bon par définition ? J'ai voulu entendre, j'ai voulu voir. J'ai vu en premier une foule immense qui se tassait dans le petit théâtre de Vienne, débarrassé de ses chaises et de ses tables, qui avait fait une heure de queue. J'ai vu des pieds écrasés, des gens qui se postent devant vous, pour mieux voir. J'ai donc plus entendu que vu. J'ai entendu un bon guitariste. J'ai entendu une chanteuse, une diva, avec une voix parfaite, d'une timidité presque maladive quand elle parlait.

Est-ce que les divas m'intimident ? Est-ce le répertoire choisi pour ce concert ? J'ai entendu une voix qui m'a rappelé les années 60, le folk song. Et puis voilà. Je suis venu, j'ai vu, je suis reparti au bout du quatrième morceau.

Pas de gigantisme. Tant mieux. Pas de perfection insupportable. Mais pas de surprise non plus. Une chanteuse aux accents des années 60, une Janis Joplin déchirée. Une Nina Hagen retenue ou une chanteuse irlandaise à la voix pure. Un mélange de tout cela, intéressant mais dont je me sens finalement assez éloigné..

Laurent Brun

Au JazzMix

Nik Bärtsch's Ronin

En ce début de nuit où les festivaliers déferlent du théâtre antique, Nik Bärtsch et son groupe "Ronin" ( prononcer Ronine) démontrent au JazzMix que la créativité est portée désormais par des artistes ambitieux et inventifs comme lui.

La pression des intermittents se fait plus forte, le petit chapiteau du JazzMix arbore désormais une bannière noire avec le message de bienvenue : "En lutte"

Et même si on les comprends on aimerait oublier que nous sommes tous en lutte, et s'enivrer avant que nous perdions notre ultime combat.

Et pour décoller la prescription du docteur JAV était formelle deux heures de Ronin avant le coucher vers 3 heures matin.

Les "Nik Bärtsch's Ronin viennent de Zurich où ils distillent un jazz constituées de boucles, entièrement fait à la main, (sans séquenceurs électronique), destiné à soulever l'auditeur dans une transe voluptueuse.

Cette musique est teintée de spiritualité qui me fait penser aux danses des Derviches Tourneurs qui tournent inlassablement pour communiquer avec Dieu. Je me suis laisser dire que les Ronin passent par une phase de méditation avant leur entrée sur scène.

Leur musique est très percussive, elle alterne les phases de calme et de montée maitrisée vers le nirvana. Dans cette folie musicale tout est sous le contrôle ferme du leader et pianiste Nik Bärtsch.

Pour ce qui concerne le répertoire de la soirée on retrouve des morceaux qui figurent dans l'excellent "Live 2012" . Le titre des compositions sont des numéros de modules, ça manque un peu de poésie, mais lors d'un concert le groupe assemble les modules de leur vaisseau musical et pour voyager vers l'intersidéral c'est idéal.

Mes préférés sont les modules 35 et 45, bon ça ne fait pas rêver, alors voici mon conseil: appuyer sur "play" et bon voyage.

Jean-Marc Aguirre