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ce qu'il s'est passé le mercredi 2 juillet à Vienne

Le croquis et la prose de François Robin

Youn Sun Nah. La danse de la grue noire

Vincent Peirani, Youn Sun Nah et Simon Tailleu

Lorsqu'on apporta au roi de Silla l'objet curieux qu'un voyageur chinois avait dans ses bagages, toute la cour de ce royaume de Corée resta perplexe. Bien sûr, son aspect plaidait pour un instrument de musique - une longue planche, des cordes tendues sur une échelle de frettes - mais personne ne savait comment faire chanter ce morceau d'arbre énigmatique. Le roi, intrigué, promis une récompense à qui saurait relever le défi. Le ministre Wang San-Ak entreprit alors d'adapter le ch'in chinois pour composer de la musique dans le style du Koguryo. Son geomungo sous le bras, il vint ensuite présenter son travail à la cour. Alors qu'il jouait devant le roi, conquis, une grue au plumage noir vint alors danser au son de cette nouvelle musique, donnant son premier nom à l'instrument : "Hyonhakgum", la Cithare-Grue Noire.

Même si elle tient à Séoul le théâtre Changwoo, créé par son père pour préserver l'essence de la musique coréenne, Yoon-Jeong Heo ne cherche pas à reproduire ad vitam les notes de son vénéré maître, mais à "trouver" une nouvelle couleur au geomungo.

"La tradition est comme un tronc d'arbre : au cœur de l'arbre, il y a la musique ancienne. Ça s'élargit avec le temps, mais ça reste très enraciné."

C'est aussi le chemin de liberté qu'a pris sa compatriote, la vocaliste Youn Sun Nah, artiste résidente du festival, enthousiasmée par cette collaboration. Quand on lui demande si elle veut revenir vers une musique plus enracinée dans sa culture natale, elle s'en défend : "Si j'aime découvrir la richesse des traditions de mon pays, c'est surtout pour enrichir mon inspiration, y trouver de nouvelles vibrations." Et c'est ce qu'elle démontre sur scène avec ses trois musiciens. Il faut bien reconnaître - même si la seule amplitude de sa palette vocale peut suffire à convaincre - que l'on craignait un peu qu'il n'y ait pas grand chose de nouveau depuis l'année dernière. Bien sûr, il y a quelques passages obligés du répertoire - dont le stupéfiant Momento Magico - qui pourraient donner à penser qu'elle reproduit son concert de 2013. Mais, il y a aussi le geomungo ! En présentant l'instrument de Yoon-Jeong, Heo elle prévient : "C'est un instrument ... plutôt masculin." Entendez : percussif !

Pourtant, c'est par une longue introduction à l'archet que la frêle Coréenne se présente, une puissante vibration harmonique, une mélopée mouvante, chamanique, et qui semble attirer en sympathie tout le combo. La contrebasse de Simon Tailleu, bien sûr, qui n'a jamais semblé aussi surnaturelle, l'accordéon de Vincent Peirani, tout atmosphérique, la guitare d'Ulf Wakenius, musicien polymorphe parfait. Sur ce matériau de transe, la voix de Youn Sun Nah trouve un champ d'exploration renouvelé, se timbre d'une nouvelle couleur, explose plus encore lorsque le geomungo se propulse dans son expression la plus typique, la main droite venant frapper d'un plectre de bambou les longues cordes qui grondent comme sous le slap d'une contrebasse, avec la distorsion caractéristique de ces instruments extrême-orientaux. D'un coup, le répertoire est transfiguré, boosté par l'ostinato lancinant de l'instrument primitif, tandis que la chevelure sombre de la chanteuse s'anime, comme le plumage d'un oiseau prêt à l'envol.

Youn Sun Nah a toujours pris soin de ne pas s'enfermer dans un répertoire trop jazz, voire glamour quand sa voix s'y prêterait sans doute, réservant des espaces de tonnerre ou de préciosité. Mais en prenant les chemins de traverse, elle s'oblige avec intelligence au frottement nourricier, explorant toujours d'autres veines dans le bois qu'elle s'est trouvé.

Dans la symbolique coréenne, la grue est synonyme de longévité, voire d'immortalité. Gageons que la Diva-au-sourire-radieux sache prolonger encore et encore une carrière de surprises, dansant sur le souffle de ses rencontres comme sur la transe du geomungo, la Cithare-Grue-Noire.

François Robin

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Du coin de l'œil de Daniel Peyreplane

Avant-Après

Sur la scène de Cybèle

Heavy Fingers : "Jamm"

Encore un pesctacle destiné au plus jeunes, mais fait par des adultes cette fois-ci.  Il faut dire que je me suis bien amusé aussi. Un rôle de méchant au baraqué et chauve de l'équipe, Manu Filat assorti à son sax baryton, des postures de rebelles lâches pour ses partenaires, une mise en scène astucieuse et le tour est joué.

On passe près d'une heure à écouter de la bonne musique en se distrayant. Parfait pour commencer sa journée à Cybèle. Une bonne façon de faire entrer du jazz dans la tête des plus petits sans qu'ils trouvent à y redire.

Pascal Derathé

David Bressat Trio

Le trio de David Bressat présente la particularité de se produire alternativement avec deux contrebassistes titulaires, aujourd'hui c'était Benjamin Guyot.
Le répertoire du trio s'appuie sur une combinaison de compositions originales de David Bressat (Pastel Song, Soleil caché, Tous les choix) et de reprises de chansons françaises qu'il affectionne particulièrement (L'orage, Le petit jardin, La pluie fait des claquettes) et que l'on voit évoluer intelligemment au fil des années.
C'est avec plaisir que l'on retrouve chez David Bressat cette transparence du jeu qui, sous la musique improvisée, laisse apparaître des éléments du thème comme des amers par temps agités et cette élégance du style qui semble couler de source sous ses doigts. Chez Benjamin Guyot on apprécie l'accompagnement tout de discrétion et ces contre-mélodies originales capables de mettre en exergue les phrases mélodiques du piano. On retrouve et on aime dans le jeu de Charles Clayette cette alternance de puissance bornant le thème et cette manière subtile d'accompagner, de souligner et de mettre en avant les interventions et les chorus de ses partenaires.
Un jazz chaleureux, rêveur et inspiré très largement ovationné par le public de la scène de Cybèle.

 
Michel Mathais

Roosevelt High School Jazz Band

Le Roosevelt Jazz Band fait partie de ces jazz-bands universitaires qui constellent le territoire des États-Unis. Relisant jour après jour le livre épais des standards de jazz, ils contribuent à garder fertile le terreau dans lequel la culture américaine plonge ses racines. C'est ainsi qu'ils jouent, pour le plus grand plaisir du public, les standards qui vont de Duke Ellington à Thad Jones en passant par Count Basie.

Ce sont véritablement des pages d'histoire qui se tournent sous nos yeux. C'est net, précis, parfaitement organisé, pas du tout scolaire et plutôt bon enfant. C'est un exercice ludique parfaitement rafraîchissant pour la mémoire et touchant côté cœur.

Michel Mathais

Le Garfield High School Jazz Ensemble

Les improvisations picturales

Chaque jour, à côté de la scène de Cybèle, deux artistes peintres se livrent à un exercice de style: ils disposent d'une toile de 80cm x 80cm. A eux de traduire avec leurs pinceaux ce qu'ils ressentent. Au total dix-huit peintres se livreront à cet  exercice durant le festival.

La cuvée du jour:  les Catrin Monsieur et Madame qui ont œuvré pendant la prestation du David Bressat Trio.

 Prochaines improvisations picturales : le  5 juillet  (celle du 4 ayant été annulé en soutien à la grève des intermittents du spectacle)

Au théâtre Antique

L'Orchestre national de Lyon et Stefano Bollani pour "I Got Rythm"

L'Orchestre national de Lyon est un très bel ensemble, qui répond fidèlement aux mouvements et impulsions de son chef Leonard Slatkin. Le grand nombre de musiciens permet une mise en valeur de l'œuvre de Gershwin. Un orchestre symphonique, c'est un peu comme une mer, ça brasse, ça s'agite, les mélodies courent d'un pupitre à l'autre, ça respire. Mais... je n'ai pas été ému.

Le grand pianiste Stefano Bollani est un artiste magnifique, inventif et inspiré, qui colle à la musique de Gershwin, en prenant des chemins de traverse et des libertés que seul le jazz peut proposer. Mais... cela ne m'a pas ému.

Ce soir, prenant de la hauteur et m'élevant dans ce théâtre antique, cela ne faisait pas sens. Je pouvais apercevoir les tracas que rencontrent les photographes avec le festival (il est de plus en plus difficile de faire son travail correctement tant les contraintes sont devenues paralysantes), je pensais également aux problèmes dans lesquels sont empêtrés les intermittents du spectacle. Je n'arrivais pas à recoller les morceaux : le trop d'un côté, le pas assez de l'autre.

L'art peut-il lutter contre les injustices ? Oui, s'il s'engage. Est-ce que ce soir-là cet art manquait d'engagement ? Je n'en sais rien. Que Gershwin, l'Orchestre de Lyon, Stefano Bollani me pardonnent.

Laurent Brun

Youn Sun Nah

Grande triomphatrice à l'applaudimètre de l'édition 2013 de Jazz à Vienne, Youn Sun Nah revient comme artiste résidente de la nouvelle édition ce qui va lui ouvrir la porte de trois scènes différentes du festival. Avant le Club de Minuit et les Musaïques, ce sont les retrouvailles avec le Théâtre Antique pour un concert en quartet élargi où l'on retrouve le guitariste Ulf Walkenius, l'accordéoniste Vincent Peirani, le contrebassiste Simon Tailleu et en invité spéciale la musicienne coréenne Yoon-Jeong Heo spécialiste du geomungo un instrument de musique traditionnel (sorte de cithare longue à six cordes) déjà utilisé par la formation lors d'une tournée en Corée.

C'est visiblement émue que Youn Sun Nah se présente sur la scène du Théâtre Antique avec un important défi à relever, celui de ne pas décevoir le fidèle public du festival qui attend une prestation aussi grandiose de celle de l'année précédente tout en apportant bien sûr sa dose de surprises et de nouveautés. Elle choisit de débuter le concert par sa composition Uncertain Weather présente sur l'album de la consécration " Same Girl" (2010), suivie par une autre de ses compositions Lament présente sur l'album suivant "Lento" (2013). La place de plus en plus importante laissée à l'accordéon de Vincent Peirani (le musicien qui n'en finit pas de monter dans le cœur du public jazz) réussit à totalement transcender et renouveler ses deux morceaux très appréciés des fidèles de Youn sun Nah. La nouveauté viendra avec Mistral une composition de Ulf Walkenius écrite en Avignon par jour de grand vent et qui ne manque effectivement pas de souffles par les savantes combinaisons et conjugaisons de voix et d'accordéon transcendées par les accords glissés de guitare. Avec l'arrivée pour trois morceaux de Yoon Jeong Heo et la touche d'originalité apportée par les sonorités du geomungo,

Youn Sun Nah assume totalement la rencontre entre ses racines coréennes et le jazz voir même le folk sur A sailor life et le rock sur son maintenant célèbre Pancake. Avec Momento Magico temps fort de "Lento" devenu aussi le titre de l'album solo de Ulf Walkenius (Act 2014), le Théâtre Antique retrouve toute la magie du concert de 2013 avec encore une fois un chorus essentiel et libéré de guitare et une toute aussi flamboyante partie d'accordéon d'un Vincent Peirani décidément très inspiré. L'énergie monte encore d'un cran sur le traditionnel country Ghost Riders in the Sky où la voix de Youn Sun Nah se déchaîne dans tous les registres possibles d'un art totalement maitrisé. L'ovation parcourt les gradins, maintenant debout.

Pour les rappels ce sera à nouveau un traditionnel coréen suivi de la reprise du Calypso Blues de Nat King Cole interprété en solo et a cappella avec d'époustouflants effets de voix assortis de boucles : tout pour convaincre les derniers résistants s'il y en avait encore.

Ce soir pour Youn Sun Nah, dans ce Théâtre Antique qui l'aime tant, c'est le changement dans la continuité qui s'est imposé et l'a emportée vers un nouveau triomphe. Parions que les gradins seront toujours fidèles pour un prochain rendez-vous !

Gérard Brunel

Club de Minuit

JazzMix

Malcolm Braff

Le pianiste suisse que l'on croise chaque année au CosmoJAzz est descendu dans la vallée et a atterri au Magic Mirror. Il vient avec son trio et une chanteuse pour un registre très électro et planant. Lumière flouté à souhait... c'est parti pour un trip à l'hèlvétique.