Flash-back

Quel bonheur qu'un week-end entier placé sous le signe de la musique... Ecoutez, après les quatre jours que je viens de passer, deux solutions s'offraient à moi : soit me coucher totalement éreinté, soit partager mes émotions vécues auprès des millions de lecteurs de Jazz Rhône-Alpes qui sauront, j'en suis sûr, apprécier la petite histoire de ces quelques jours passés avec, entre autres, mes amis musiciens. J'ai choisi la face B :

Je m'en va vous la conter de manière totalement chronologique et égocentrée...

vu le jeudi 17 janvier 2013

Le No Man's Land : Jammin' on a new scene...

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Jeudi 17 janvier 2013, 17h, je reçois un SMS de Bastien Brison, un de mes pianistes préférés et de surcroît un ami, qui organise une petite jam au NO MAN'S LAND, LE nouveau pub de Villeurbanne, à deux pas du métro Gratte-ciel. Habitant à 200m dudit lieu, je n'ai pas d'autre alternative que d'y faire un tour avec mon sax.

22h, je retrouve donc Bastien, avec ses acolytes Hugo Crost, un de mes batteurs préférés (et je dis pas ça parce qu'il est le batteur de mon groupe, Electrophazz, non non...), Pierre Gibbe, mais aussi Vaughn le danois à la guitare (les fidèles de la désormais célèbre Vocal Soul Session le situeront). Lisa Caldognetto (quelle chanteuse !) termine tout juste une version de Just the Two of Us, morceau totalement adapté au nombre de personnes présentes à ce moment là...

Petit à petit, un public un peu plus conséquent formé de désormais habitués du lieu s'attable au bar tenu par Angelo, qui est donc, je vous le donne en mille... le tenant du bar. La bière coule à flots, et au vu des sourires et des têtes qui bougent, les gens semblent apprécier les prestations des musiciens présents ce soir-là. Leur complicité ne trompe pas : on aime la musique, et on aime ces jam sessions qui nous permettent de toujours plus se connaître, s'apprécier, et vibrer ensemble... Parmi les désormais standards de notre génération, le groove communicatif d'un Have a Good Time, le public s'étant mis à chanter spontanément, pas du tout poussé par le sax aux commandes ;-) ; les chœurs étant assurés par Gibbos et JA. La merveilleuse chanteuse Cindy, accompagnée de Lisa, nous a rejoint sur Crazy Race (troublant, quand on réalise la ressemblance physique de Cindy avec Renée Neuville, chanteuse qui tourne avec les RH Factor !), puis l'ambiance s'est bluesifiée avec un Mo Better Blues (ceux qui n'ont pas encore vu le film de Spike Lee ont bien de la chance : il leur reste au moins 2h de plaisir avant la Fin), un p'tit Billie's Bounce (ça s'est pour faire un pied-de-nez aux quelques amateurs de jazz d'un certain âge qui prennent un malin plaisir à médire sur cette "foutue jeunesse qui ne connaît pas ses classiques !"). Gregory Boudras prendra la relève d'Hugo pour une version de Stella By Starlight, avec un groove un peu plus moderne. On aura aussi entendu au piano le talentueux Pierrick, local de la rue Paul Lafargue. La musique continuera jusqu'à minuit, dans une ambiance chaleureuse.

De mon côté, je n'en suis heureusement qu'aux 2/5 de ma soirée, puisque d'agréables discussions s'en suivront avec les indétrônables du bar, dont Cynthia qui a tenu à montrer à tous son catalogue de lingerie et sextoys en tout genre qu'elle vend aux amateurs ; Pierrick, formé au conservatoire de Bourgoin-Jallieu, et qui a donc la chance de connaître Vincent Guyot (que j'imagine très bien, en ce moment même, finissant la peinture de sa villa à Corbas : salut copain, et le bonjour à ta p'tite famille !) et Rémy Saminadin (un de mes batteurs préférés, le batteur historique d'Electrophazz), aujourd'hui exilé fiscalement à Montréal par -37°C (un comble pour ce guadeloupéen : salut l'artiste !).

Je décide de lancer le débat brûlant de la rémunération des musiciens lors des jams lyonnaises à Angelo, aidé de Vaughn, qui avait son mot à dire sur le sujet. Ayant entendu par ci par là quelques critiques surprenantes à son encontre, je partais avec un gros a priori. Au final, le croate d'origine s'est plutôt bien défendu, à coup d'argumentaire financier sur l'investissement que représente l'ouverture d'un tel lieu, mais aussi à coup d'arguments d'ordre musical (qualité des musiciens) et d'envergure médiatique (quel public attire les artistes qu'il fait venir) : au final, il est resté fixé sur un principe bien connu d'offre et de demande, sachant qu'il ne peut se permettre de perdre plus d'argent (elle a parfois bon dos, la crise ;-). On pourrait débattre de la stratégie, parler aussi des entrepreneurs qui osent investir d'emblée dans la culture en déclarant tous les musiciens, sans exception (je pense, par exemple, au Second Souffle, mais il doit y en avoir d'autres), en faisant le pari que cette stratégie attirera une qualité plus professionnelle, et donc à terme le public ! Public qu'on ne trompe pas si facilement, malgré les m... que nous vendent parfois (pour ne pas dire souvent) TF1, la TNT et de trop nombreuses radios hertziennes. Pardon pour l'égarement, je reviens à Angelo qui, en plus d'être un mec ultra sympa sous sa carapace manifestement un peu figée parfois, est en réalité plutôt réglo. Je m'explique. Il propose en quelque sorte plusieurs formules aux musiciens :

  • 1 - Tu es musicien amateur, et Angelo ne te connaît pas. Il te proposera sûrement de jouer un premier soir gratuitement. Toi et tes potes pourront boire quelques bières (bien sûr, si le but de l'opération est de vider le fût, tu risques d'avoir le souvenir d'un Angelo pas très cool : mais qui est le plus cool, dans l'histoire ? Tu peux organiser une billetterie. Le groupe recevra 80% des recettes. Soit ça le fait pas trop, vot' musique, et cette date aura donc été ta dernière au No Man's Land. Soit au contraire vous la vendez bien, cette prestation : du monde (jauge du lieu à grosso merdo 150 personnes), des sourires, mais avant tout de la qualité musicale, car on ne trompe pas cet ancien régisseur de métier qui a le gros défaut d'être mélomane...
  • 2 - Tu es musicien, et Angelo te connaît par un certain biais (bouche à oreilles, dossier de presse, vidéos, etc...). S'il t'accepte dans son lieu, il te proposera sûrement le même genre de deal que précédemment expliqué, mais vous prendrez 100% des recettes. S'il y a assez d'argent pour déclarer tous les musiciens, il pourra vous proposer de faire les démarches administratives, et vous aurez un cachet, le fameux graal des monteurs de statut intermittent !
  • 3 - Tu es musicien professionnel, tu as une certaine renommée, et Angelo veut te programmer : c'est possible de proposer un "taro", mais là, on tombe dans l'art de la négociation dont les secrets ont été gardés dans un gros bouquin qu'un mec a écrit il y a fort fort longtemps. La légende voudrait que cette œuvre fondatrice du commerce local et international eut été paumée il y a fort longtemps, donc un peu plus récemment que son écriture (c'est encore une sale histoire, mais je m'égare : si vous voulez plus d'infos, googueulisez "La légende du Negocius")



Voilà pour l'explication : j'imagine que tout le monde a un avis, et je serais bien curieux de le connaître, d'ailleurs... La soirée se finira par des discussions plus intéressantes sur la Musique en général, de Tom Waits (que je n'avais jamais consciemment écouté avant ce soir là : shame on me !), aux NY Gypsy All Stars (que j'adore : il a fallu partir de l'île de Krk et du cochon grillé croate pour en arriver là), en passant par les Beatles, Beethoven, Mozart et la Lorraine. "Mozart, c'était les Beatles de l'époque." dixit Angelo.

Demain étant un autre jour, je repars dans les bras de Morphée autour de 3h, du Tom Waits excitant mes tympans (putain, c'est vrai que c'est bon...), décidé à parler du lieu autour de moi, même si perso je trouve que le son mériterait d'être encore un peu plus maté, le grand volume de cet ancien atelier lui donnant forcément une réverbération un peu trop prononcée. C'est bien de jouer doucement, mais je parle au nom du SNSBP, le Syndicat National des Soufflants et des Batteurs ou Percussionnistes (eux-mêmes n'arrivent pas à se décider, souvent) : on aime jouer fort, parfois !

JA Proviste

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vu le vendredi 18 janvier 2013

Strike Band : Ca frappe sévère à la MJC de Bron

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Avant Le Live

20h30, direction la MJC de Bron, où le Strike Band fait sa première date après une résidence d'une semaine in situ. La première partie est assurée par un bon p'tit duo, surprenant, qui a monté son projet en une journée.

Voici la recette :

Ingrédients :

  • 1 Castell Nutt (les habitués du Sirius le lundi savent mesurer son talent) à la guitare / chant / basse / batterie (pad)
  • 1 Yacha Berdah (le Roy Hargrove calado/lyonnais) à la basse / clavier / batterie / trompette
  • 1 micro
  • 1 guitare
  • 1 basse
  • 1 clavier
  • 1 pad avec les sons de batterie appropriés
  • 1 trompette
  • 1 ordi
  • quelques pédales que vous avez chez vous. L'usage d'un looper multi-pistes est plus que recommandé
  • beaucoup de câblasse



Recette :

  • 1- Dispose tous les ingrédients sur une scène. Si tu ne sais pas comment faire, demande à ta maman, voire à l'ingé son ou au régisseur qui sont là pour toi, si tu as de la veine.
  • 2- Joue les reprises que tu aimes, dans un esprit tournes (le funk marche très bien : Rhythm is Love, Kiss, Brown Sugar ou autres...)
  • 3 - Agrémente le tout d'une bonne énergie et d'un peu d'humour. C'est prêt, et si tout se passe bien, le public risque de trouver cela bon...





Pendant Le Live

Vient la deuxième partie, la tête d'affiche, the One And Only, j'ai nommé le STRIKE BAND!!! Le projet est né il y a deux ans dans la tête d'un certain __Luc Nyamé-Siliki, chanteur à l'âme baignée de soul, de Gospel & Hip Hop, venu pour l'occasion en famille (ils ont failli ne pas tous rentrer ?...). Si vous connaissez le Motown Revival, entre autres, vous devez connaître Luc. Alors là, permettez moi de vous dire que les six zikos, ce soir là, ils ont mis littéralement le feu sur scène : on a eu droit à du gros show à l'américaine !

Je ne sais pas qu'est-ce qui a réellement permis toute cette symbiose : les lumières, leur accoutrement (du orange comme fil rouge...), du gros son ? Un peu tout ça, mais surtout une formidable énergie, du travail, de la sincérité, de la complicité, et un peu de talent tout de même. Bravo les potos ! Un p'tit line-up pour n'oublier personne et je passe à la suite de la soirée (qui est malheureusement loin d'être terminée) :

  • Luc Nyamé-Siliki : chant, Mini-Korg (je sais plus comment il s'appelle, celui là, dsl) & show
  • Hugo Crost : batterie & show
  • Pierre Gibbe : basse & show (à première vue, vestimentairement parlant, j'aurais fait un mix entre un vieux républicain texan et Crocodile Dundee... dire qu'il pensait ressembler à Larry Graham !)
  • Maxime Payan : guitare (je ne le connaissais pas : super guitariste, toujours à sa place, donnant l'énergie qu'il faut où il faut, quand il le faut)
  • Clyde Rabatel : claviers, chœurs & show (grosse perf', ce soir !)
  • Heritanjona TJ Razakarivony, alias Tanz' (Ok, ça sera Tanz' pour wam ! Une découverte, mais quel talent !) : chœurs & show
  • Djer's et Cie : ingénieur du son console (Djer's est connu des fidèles de l'émission NIGHT GROOVE RADIO, une initiative formidable de quelques férus de groove : ces malades ont carrément décidé de faire une émission de radio hebdo, puis accessoirement d'organiser quelques concerts dans l'année)
  • Aurea : artiste peintre (atelier dans les pentes de la croix-rousse, rue Imbert-Colomes)



strike-band-aurea-250x291Je me permets une petite digression sur le cas Aurea, et l'œuvre qu'elle a accomplie en live pendant la durée du concert. On connaît ou pas ce genre d'initiatives (Aurea a œuvré par deux fois sur Jazz à Vienne), qui permet de réaliser, à mon sens, la parfaite symbiose de différentes expressions artistiques. Le spectateur vit simultanément un concert en assistant en toile de fond à la construction de formes qui prennent vie pendant le spectacle pour donner finalement le haut d'un homme, de face... Le regard sombre, il tient sa tête qui semble bouillonner tant les couleurs sont chaudes : du rouge, du orange, du jaune ! La symétrie est quasi parfaite... Strike Band comme signature... Certains disent de l'Art qu'il trouve son essence dans la communication d'émotions et de sens. Pour ma part, j'y souscris à 100%, et le public a eu droit ce soir à une belle démo ! Dans cette œuvre, qui a été conçue originalement par François Robin, j'y vois (ce n'est peut-être que moi et vous me direz qu'il va trop loin, ce JA) ; bref, j'y vois toute la torpeur de l'Homme qui souffre, l'angoisse qui peut ravager tout être humain... et pourtant il y a une force, un contrôle, une beauté qui ressort de ce tableau : c'est comme si le Strike Band nous envoyait un message clair, en le formulant même sous différentes formes.

"Prends tes tourments passés, contrôle-les, et fais-en ta force : avance et frappe (to strike, in English in the text !), libère cette énergie qui bouillonne en toi et qui fait de toi un Homme vivant... "

Merci à Cédric Galais pour les photos



Après Le Live

Voilà, je vous laisse méditer là-dessus, le show touche à sa fin : encore une bien belle soirée ! On prend le temps de discuter du concert et autre, de siroter une petite bière (pas trop, avec modération, vue la route à faire et la pluie givrante qui s'est abattue sur Bron). Une voix amicale me dit alors : "Tu viens au Manoir ? On se réunit pour célébrer la première de Strike Band." Quiconque connaît un tant soit peu l'âme dudit lieu ne pourrait refuser une telle proposition. Du coup, j'ai le temps. Je traîne. On traîne. On se dit qu'il serait judicieux de se motiver un bon coup pour descendre les trois tonnes de matos dans les voitures. Les gens y vont à reculons, il faut organiser tout ça... 30 minutes plus tard, l'orga semble assez rôdée, et je me retrouve 1h plus tard la caisse pleine direction chez Djer's et son garage. On déballe, on commence à ranger, mais problème ! Il faut garder une place pour le Renault Espace, qui porte bien son nom, le bougre !

Une partie de Tetris diabolique s'enchaîne alors avec Clyde et Djer's pour finalement, au bout d'une heure (et là, je ne sais même plus si j'exagère) se diriger vers la sortie. Mais connaissez-vous la loi de Murphy ? Pour les non initiés, il s'agit d'un concept inventé par un gars, Murphy, à qui il arrivait constamment, de manière maladive, toute une série d'emmerdements (certains lui préfèrent donc le nom sympa de loi de l'emmerdement maximum : LEM). Ses stats personnelles lui ont fait constater une sorte de loi des séries, à savoir qu'à partir du moment précis où vous n'en pouvez plus, où vous vous dites que la journée a été assez compliquée comme cela, eh bien s'il devait y avoir un "testicule dans la soupe", n'attendez plus : c'est maintenant ! Nous voilà ti pas qu'on se retrouve bloqués 15 min de plus devant un portail automatique complètement HS que Djer's domptera finalement...

3h du matin : arrivée au Manoir. Une joyeuse bande de loustics a déjà commencé à bien festoyer. L'ambiance est détendue, un joli gâteau au chocolat est même avidement partagé, et c'est donc ce moment que choisissent Yacha et Gibbos pour sortir une guitare chacun, et animer une jam vocale qui peut difficilement être plus éclectique : du gros blues au Reggae, en passant par une compo Yiddish de Pierre (Yachaï, Yachaï : ça vaut le détour!), Belle (Notre-Dame-de-Paris), Killing me Softly par Célia, Lauryn ayant eu un empêchement... C'est incroyable la capacité de ces monstres du groove pour entendre immédiatement toutes les grilles d'accords qui s'enchaînent avec des modulations pas toujours volontaires ! J'allais oublier le moment le plus fort, lorsque Pierre a lancé LE medley Patrick Sébastien qui m'a fait réaliser combien sa musique peut être rassembleuse : vive Patrick et vive le manoir ! Et vive Clyde Rabatel-Zapata (vous ai-je dit que c'était un de mes pianistes et chanteurs préférés ?) qui nous a permis de passer cette merveilleuse soirée ensemble : on se croyait limite chez nous, au grand dam de son cher colloc, pourtant situé tout en haut, au 3ème étage dans sa tour de verre dominant orgueilleusement le tout Lyon et qui, après tout de même plus de 3h de tubes ininterrompus n'a plus pu s'empêcher de dire à Clyde : "Bon, maintenant, c'est fini le karaoké !".

Crises de rire à gorge déployée, l'envie de chanter est trop forte et j'essaie de me poser en chef d'orchestre en réclamant un pianissimo sur une version baroque de Sur un oranger (Kaamelott ! Le souci avec cette chanson, c'est qu'elle reste), toujours perturbé par le rire d'un gonz' incontrôlable ou d'un chanteur zélé...

Il est bon parfois, et cela fait même du bien (vous n'avez qu'à voir le succès de cette pratique au début des années 40 dans notre belle France), de dénoncer ouvertement les coupables. Je vous les nomme pêle-mêle, il y avait en cause Pierre Gibbe, Yacha Berdah, Célia Kameni, Hugo Crost, Luc NS (les ¾ du temps roulé en boule dans les bras de Morphée), Emilien the trombone player, Djer's (et ses stops blagues zikos), Arthur dit Donut's (mon âme sœur du saxophone), sans oublier Castell, la jeune et magnifique chanteuse Thaïs (un peu comme à la maison), et la digne représentante de la fratrie Rabatel-Zapata dont j'ignore encore le prénom, mais dont je vois encore les yeux écarquillés devant le spectacle qui s'offrait à elle depuis 3h. Je pourrais taire le nom de Bruno Belleudy, le locataire du 3ème, ainsi incriminé pour totale perte de patience, mais je ne pourrais alors évoquer son talent pour la photo. C'est ce qu'on peut appeler une petite dénonciation positive... Le cerveau embrumé, la soirée est sur le point de s'achever et la faim vient poindre de manière insistante. Pour pallier ce genre de situation, le zikos fêtard a développé inconsciemment ce que certains neurobiologistes ont nommé le réflexe pâtes qui l'amène à sortir la plus grosse casserole qu'il a sous la main, et d'y plonger, une fois l'eau bouillante, une quantité plus que raisonnable pour deux personnes de spaghetti bon marché ! Ce plat du pauvre aurait pu le rester si les deux compères n'avaient pas dégoté une certaine quantité d'oignons et d'aulx (un ail, des aulx : j'ai bon ?) : le massacre commence et on laisse à leur dépouille coupée plus ou moins finement le loisir de se mélanger au beurre et à l'huile d'olive afin de rissoler le temps qu'il faut, pour finir par la jouissance d'un jet de crème fraîche tombée des cieux. Agrémentant nos pasta al dente, ce doux mélange accompagné du calme et de la réjouissance d'un tel moment avec mon pote avait en effet quelque chose de divin...

Ok, il est déjà 8h, et une personne arrive dans la cuisine, tout pimpant (paimpanng, comme j'aurais dit dans ma langue d'origine, le stéphanois). Ce n'était pas n'importe qui car l'autochtone qui prend ici son repas préparé la veille par "une espèce de merveille de la nature", expression qu'il lâche tout naturellement, n'est autre que Hugo Quillet, tout simplement un des meilleurs trompettistes que je n'ai jamais eu le plaisir de côtoyer. N'ayant plus la force de tenir une discussion sensée, on me suggère d'occuper pour quelques heures de repos la chambre de Félicien Bouchot, alias Felloche, au premier. Pour ne pas connaître ce maître de la trompette, du trombone et de l'arrangement (écouter quelques secondes du big band BIGRE pour vous en convaincre !), il faut vraiment tout juste débarquer en pays lyonnais tant il est implanté dans le paysage musical de la région depuis longtemps. Pour m'endormir, je décide d'écouter l'album "Soul Station" d'Hank Mobley. Mal m'en a pris, je ne peux décrocher du groove unique de ce saxophoniste trop injustement méconnu du grand public. Ça, c'est du swing, bon dieu ! Pourquoi ai-je l'impression que ses phrases me parlent. Si je poussais le délire psychotique un peu plus loin, je jurerais qu'il me chuchote : "Détends toi... respire... prend le temps...". Cette relance de batterie après les 2 grilles de stop chorus, et la phrase archi laid-back du ténor... putain c'que c'est bon ! C'est le blues, mais pas celui du vieil esclave usé par les champs de coton, plutôt celui du mec qui semble depuis toujours fourré aux jams with the other cats. Il a raison, Hank ! "Prendre le temps"... Quel est le con qui a voulu nous faire croire qu'il fallait tout avoir tout de suite, alors que l'essentiel peut parfois se trouver au bout d'un tuyau en laiton... Ma dernière vision avant de trouver le sommeil aura été le roman de Yann Apperry, "Diabolus in Musica" : je souris en faisant le lien avec Kaamelott, puis m'endors, le cœur léger...

JA Proviste

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vu le samedi 19 janvier 2013

Minor Sing & Célia Kaméni : Mes potes, au feu de la scène !

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Samedi 19 janvier : Je vois la fille qui partage ma vie cravacher durement pour ses partiels, le moral dans les chaussettes, au 6ème étage de notre appart' en béton, à Villeurbanne, cité qui risque bien de devenir ville-dortoir si on n'encourage pas des lieux comme le No Man's Land (Bar New-Yorkais). Ni une, ni deux, je lui demande de prendre ses affaires, direction chez mes parents, dans cette belle campagne que ne peuvent soupçonner les dizaines de milliers de voyageurs pendulaires qui font le Lyon St-E., puis le St-E. Lyon (ou inversement) quotidiennement. David Marion (le meilleur pianiste que je connaisse) nous rejoint avec sa chère et tendre pour un apéro au coin du feu, avant le départ prévu pour la MJC de St-Martin la Plaine, le village d'à côté, où se produit le quartet de swing manouche Minor Sing, qui a une invitée très spéciale ce soir-là.

Pour les dix ans du festival Guitare Vallée, les programmateurs de l'association "l'art et la tanière" ne se sont donc pas trompés, et le public chaleureux et familial a suivi. Les deux cents personnes occupant la MJC se laissent donc caresser par la douceur des compositions du quartet... Dans le swing manouche, les stars sont souvent le guitariste soliste et le violoniste (on pense à Django et Grappelli), mais la musique sonnerait beaucoup moins bien sans leur contrebassiste et la pompe de leur guitariste. C'est un peu comme la construction d'une bâtisse : Sylvain Pourrat et sa contrebasse constituent les fondations, le socle en béton ancré dans la terre, indétrônable. Son acolyte Jean-Christian Choitel assure la pompe à la guitare : je le vois comme la belle charpente de notre structure : elle repose sur ses fondations, assure le time, mais donne toute la dimension harmonique des morceaux. Pour le second-œuvre et la déco intérieure, nous avons respectivement Laurent Vincenza, le frère du patron de la Clef de Voûte, le désormais célèbre club jazz des Pentes (Laurent y assure d'ailleurs régulièrement les dimanches du jazz manouche), et Jean Lardanchet, merveilleux violoniste que je ne connaissais pas, mais qui doit être pour sûr la réincarnation caladoise (il vient de Villefranche-sur-saône) de Stéphane Grappelli, tant sa technique classique et son sens mélodique font de lui un élément indiscutable du groupe.

Après cette première heure de set en quartet basée sur les compos de Sylvain (Cocktail Caliente, Manzanas Swing...), Laurent (Emilie, Minor Sing...) et Jean (Stompin' at the ENM...), place à l'entracte qui permet aux chanceux présents ce soir là de déguster toutes sortes de produits locaux de qualité (pour les intéressés, j'ai de supers adresses !). Pour le deuxième set, la maison Minor Sing s'est offert un joli ravalement de façade en la personne de Célia Kameni, chanteuse lyonnaise que tout le monde connaît sans réaliser réellement le potentiel artistique de cette jeune femme de 21 ans formée au CNR de Lyon, qui s'attaque ce soir à un répertoire de standards swing à la sauce manouche, dans lequel beaucoup ne l'auraient pas imaginée... Et pourtant, quelle classe ! Célia occupe la scène avec un naturel déconcertant : sa décontraction met tout le public à l'aise, et les premières notes d'un Honeysuckle Rose finissent de charmer un public qui était déjà bien conquis. Sur de belles paroles en français signées Agnès Fournière, Célia entame une version de Swing Gitan, morceau qu'elle "ne connaissait pas avant ce soir"! En revenant à "un jazz standard qu'elle connaît", elle donne à I can't give you anything but love une interprétation toute personnelle, empreinte de sa culture soul, elle nous fait pleurer sur une version blues et aérienne de Night & Day, hymne à l'amour perdu que l'on attend indéfiniment... Les applaudissements sont généreux et spontanés, le concert touche à sa fin (c'est passé trop vite) sur un rythme plus entraînant avec It's all right with me : dans cette chanson, notre personnage a retrouvé quelqu'un, mais cela suffit-il à oublier son amour passé ? On s'en doutait, le public en redemande, et Minor Sing s'exécute avec comme Bis un morceau que j'adore et qui m'évoque des tas de souvenirs heureux : avec Gee Baby Ain't I Good To You, Célia nous prouve qu'elle peut chanter le blues comme personne, Laurent fait sonner sa gratte comme si nous étions dans un vieux club de Chicago dans les années 30 et Jean enchaîne avec un super chorus tout en pizz... Comme si cela ne suffisait pas, le public en réclame toujours plus, et Minor Sing, tout en générosité, boucle cette soirée avec un tube : All Of Me, tout le monde connaît et est donc pris d'une envie soudaine de frapper dans les mains. Nous ne sommes malheureusement pas à Chicago, et à St-Martin-la-plaine, la culture populaire étant plus proche de la bourrée que du swing, les 200 personnes marquent avec entrain les 1er et 3ème temps de chaque mesure. Avec David, on essaie de rectifier le tir avec notre 2 et 4, mais c'est trop tard, le mal est fait : peut-on et doit-on réellement leur en vouloir ? Je ne crois pas, je dirais même qu'il faut respecter la culture et les défauts de culture de chacun. J'ai une grande affection pour tous ces gens auprès de qui j'ai grandi, et qui ne demandent qu'à écouter ce genre de formations de qualité. Un jour, ils taperont spontanément sur le 2 et 4, et peut-être même qu'en les poussant un peu, ils quitteront leur chaise pour danser et rendre magiques ces moments où la musique rime avec partage, et où le jazz rime avec culture populaire...

Le concert est fini, en moins de deux, les deux cents chaises sont pliées, je retrouve les musiciens et Célia pour lui communiquer toute l'estime que j'ai pour elle. Lui communiquer aussi ma frustration de ne pas l'avoir entendu choruser sur un morceau ou deux. Mais elle est comme ça, Célia, elle ne fait que ce qu'elle maîtrise, elle prend le temps de se nourrir d'un tas de choses, de se préparer, histoire d'être indiscutablement légitime le jour J. Histoire aussi de créer l'attente, peut-être bien ? Maligne, la Kameni ! En tout cas, chez Electrophazz, elle a déjà franchi le pas. Pour les intéressés, c'est en concert que ça se passe... En parlant de mes projets, j'extirpe David pour rentrer à Génilac ; j'ai la vision soudaine du bon pot-au-feu qui a mijoté trois heures, et j'en suis d'autant plus pressé. Demain, une après-midi de boulot nous attend avec Antoine et Yann, car ce sont bel et bien les nouvelles compos du groupe qui sont sur le feu. Après ces trois jours passés, je n'ai pas d'inquiétude, l'inspiration viendra d'elle-même...

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