Nous avons écouté cette semaine: "Brazil" de Sinti Swing
Pour une fois nous confions cette rubrique à une fidèle lectrice de Jazz-Rhone-Alpes.com, Judy Rankin, amoureuse du swing manouche, pratiquante. Elle a souhaité nous faire partager ses impressions sur le dernier album de Sinti Swing: "Brazil"
Le nouveau cd Sinti Swing est finalement disponible au grand bonheur des adeptes de ce groupe phare du style mais pas assez présent sur nos scènes locales. Son titre annonce clairement le couleur : "Brazil" en référence du premier morceau "(Aquarela do) Brasil" (1939), du grand compositeur brésilien Ary Barroso et enregistré, entre beaucoup d'autres, par Django en 1947.
Qui que soit de la samba brésilienne, des grands standards de jazz américains ou morceaux plus rares comme "Bernie's Tune" ou des compositions des membres du groupe (à remarquer l'étonnant "Gypsy Bop" signé Sébastien Felix & André Tartagluionne) , on retrouve des musiques chaleureuses, joyeuses et surtout qui swinguent dans tout les sens et les nuances du mot.
Si le swing de ce groupe est authentique et musclé à souhait, on ne regrette pas les détours vers les douceurs des ballades comme le classique "Stardust" de Hoagy Carmichael et l'exquise interprétation de "Insensiblement" de P. Misaki ou une petit valse toute fraiche et légère ("Swing Valse" de Gus Viseur & Barro Ferret). La diversité des morceaux qui se succèdent est un vrai régal. Sinti Swing Quartet renouvèle très agréablement le répertoire du style, ce qui n'est peut être pas étonnant étant donné la rencontre de la tradition manouche des frères Sébastien & Youri Felix aux guitares avec le jazz outre-atlantique du new-yorkais John Intrator au violon.
Tout au long des pistes le dialogue entre les quatre musiciens se réveille, par la voix recherchée du violon de John en alternance avec les phrases limpides et sensibles de la guitare solo de Sébastien. Mais aussi par le puissant moteur rythmique de la guitare de Youri Felix à "la pompe" (et sans laquelle ce n'est PAS du swing manouche ! ) et le soutien efficace de Alain Dessauges à la contrebasse, comme une battement du coeur, qui créent la structure musicale sur laquelle les solistes évoluent.
Dés la première phrase jouée et partout par la suite, la main du maitre guitare soliste Sébastien est facilement reconnaissable. Tantôt avec une cascade brillantte, tantôt une explosion de notes qui caractérise son style très personnel, il construit son interprétation avec un bel équilibre entre une voix manouche aux couleurs orientales et une allant jusqu'au bop. La grande surprise, et le plaisir, est de l'entendre jouer quelques morceaux des grands classiques de jazz sur une guitare éléctro-acoustique. Cet instrument lui permet de développer des phrases soutenues mais aussi des lignes lyriques de la plus grande pureté - on ferme nos yeux et on est transporté vers un des ces intimes "super clubs" à New York où le jazz cool est un art pratiqué jusqu'au sublime. Sébastien est aussi à l'aise sur un instrument que l'autre et on ne peut que souhaiter qu'il continue de développer des nouvelles interprétations en jouant sur les deux tableaux.
Le swing fluide et poussé du violon de John est le parfait complément à la brillance de la guitare solo de Sébastien et apporte un important élément de cohésion aux cordes diveres du quartet. On remarque "Viper's Dream" qui est rendu à la perfection entre les deux solistes, et ses envolés authentiques sur les morceaux bréiliens.
Django et Stephane Grappelli sont bien sûr présent sur ce cd, par la composition du quartet et par leurs influences sur les interprétations ("Stardust" !) mais la seule composition de Django ne se fait pas vraiment remarquer. Entouré d'une telle variété et inspiration dans les autres morceaux, le "Swing Guitars" , enregistré pour le premier fois en 1936, semble daté, même si les musiciens nous offrent une convaincante recréation de la complicité vécue lors de la rencontre originale du violon et de la guitare manouche.
Une composition "Sinti Swing", cette fois par Youri Félix, va se faire remarquer par son inhabituelle juxtaposition du genre swing avec une valse. C'est au premier abord un peu déroutant, voir déstabilisant. Mais patience, vous allez revenir sur ce morceau; le thème s'installe facilement puis définitivement dans la mémoire et son alternance deviens seduisant. Comme celui d'un show sur Broadway qu'on sifflote en sortant du théâtre, ceci va finir aussi par vous captiver.
Bref, un album riche, agréable et intriguant, montrant qu'avec Sinti Swing le swing manouche est en de bonnes main et en belle forme, pour notre plus grand plaisir.
Judy Rankin
