Edito (4 juillet 2007)
Pat Metheny - Brad Mehldau Summit : une grande soirée en perspective
Il s'agit bien ici de la constante et mutuelle redécouverte de deux musiciens maîtres de leur art qui ont suivi des chacun des itinéraires mélodiques originaux
Une grande rencontre chasse l'autre. Hier soir, il s'agissait de celle de George Benson et d'Al Jarreau. Ce soir se retrouvent sur scène deux des plus beaux monstres de la scène jazzy actuelle, Pat Metheny et Brad Mehlau. La soirée au théâtre antique leur est d'ailleurs entièrement consacrée sans que l'on sache encore précisément comment elle s'ordonnera.
En la matière, Jazz à Vienne peut être particulièrement satisfait d'accueillir le guitariste et le pianiste dans le cadre de ce qui s'apparente à une tournée quasi planétaire : elle a démarré aux Etats-Unis et au Canada où ils ont donné pas moins de trente concerts. Cet été, ils sont donc en Europe avant de filer ensuite en Asie du Sud-Est. C'est dire.
Tout se prête à un tel concert quelque peu exceptionnel : avant de partir sur les routes, les deux musiciens, grands individualistes, ont signé ensemble deux albums. Un premier fait de duos réalisé à la fin de l'année passée et un second, dans la formation présente ce soir au théâtre antique : Larry Grenadier à la basse et Jeff Ballard aux drums.
Passé l'intérêt évident de l'affiche, ce concert sera pour le public viennois l'occasion de retrouver le guitariste enfant chéri du festival dans une toute autre configuration que celle de son dernier concert, ici, qui avait alors signé (déjà) la fin de sa précédente tournée. Car, avec Brad Mehldau, Pat Metheny s'immerge à nouveau totalement dans cette musique dont il est l'un des plus sûrs interprètes. Troquant d'instruments au fil du concert, il ne cesse de lui imprimer ses traits toujours renouvelés et Brad Melhdau n'est pas en reste pour enchaîner des réparties qui n'ont jamais rien de gratuites. Talent pour talent, en doutait-on, le tandem Metheny-Mehldau fonctionne à merveille : rien ici d'une simple course-poursuite musicale ou d'une simple juxtaposition de deux grands solistes. Mais bien la mutuelle et constante redécouverte de deux musiciens qui ont suivi chacun des itinéraires mélodiques originaux et dont la rencontre signe un peu comme un aboutissement.
Au programme le mercredi 4 juillet
Scène de Cybèle
- (16h00): Big Band du CNR Lyon
- (17h30): Lestra Reydet Merlinc trio
- (19h00): Big Band de Roanne
Théatre antique
- (20h30): Pat Metheny & Brad Mehldau
Jazz Mix
- (22h00): Stade vs Infinite Livez
Club de Minuit
- (23h30): Steve Potts & Michel Edelin quintet
Vu hier soir au Théâtre Antique
Buika, le souffle et l'esprit
La jeune chanteuse laisse toute sa place au flamenco mais n'hésite pas à regarder ailleurs et au loin
Concha Buika le revendique. Elle n'est pas la chanteuse d'un seul patrimoine mais bien celle d'un héritage universel qui ne se fixe aucune limite pour intégrer ce qui l'intéresse.
Moyennant quoi, même si elle donne à son tour toute sa place au flamenco et aux sonorités ibériques, grâce à une voix qui porte haut et fort, elle sait aussi s'aventurer sur des planètes plus apaisées où il fait bon s'étendre. A Vienne, en préambule de la soirée George Benson - Al Jarreau (y'a plus simple) c'est ce que la jeune femme a fait. Passant de quelques chants flamencos déchirants, interprétés par une voix étonnamment rauque à des balades beaucoup plus jazzy sussurées du bout des lèvres. A dire vrai, il ne fait guère de doute qu'elle parvient plus au résultat escompté avec les secondes.
En la matière, elle est surtout aidée par sa formation à la configuration très espagnole et par le pianiste Ivan Gonzales dont le jeu fluide détend l'atmosphère et encourage.
Ce moment flamenco en préambule de la soirée aurait pu déplaire à un public venu avant tout pour retrouver Al Jarreau et George Benson. Il n'en a rien été : les accents que cette jeune chanteuse sait mettre dans ses compositions ont su convaincre.
Al Jarreau et George Benson : Plus facile sur l'affiche que sur scène
En fait, on a eu droit hier soir à deux tours de chants sucessifs de la part des deux vedettes qui ne se sont guère retrouvées sur scène que pour se passer le micro. Ca n'a pas empêché le public d'apprécier un Benson plus Benson que jamais
Al Jarreau / George Benson. Egaux à eux-mêmes. Pile ce qu'on attendait. C'est ça le métier que voulez-vous. Les tubes de Jarreau n'ont pas vieilli. Si, deux ou trois rides mais si fines. Les rengaines de George Benson quant à elles sont comme les vieux alcools. Chaque année qui passe les bonifie un peu plus. Exagéré ? Il suffit de regarder le théâtre antique pour se convaincre que Benson, pourtant aux abonnés absents pendant une première demi-heure toute Jarreauienne, a vite rattrapé le temps perdu. Et sitôt son compère sorti de scène, de se dépêcher de ressortir avec délices ce tour de chant quasi annuel sans lequel Vienne ne serait pas Vienne au moment d'entrer dans l'été.
Même s'il fait un accueil chaleureux à un Al Jarreau séduisant, le public est bien secrètement toujours là pour Benson. Et le crooner à la voix de miel le sait mieux que quiconque, plaquant un répertoire qui fait mouche à chaque fois. Derrière, à peu près toujours les mêmes. Un batteur qui ferait marcher au pas et à reculons une famille de canetons tellement c'est carré, une basse de plomb, une guitare percutante. Il ne reste plus qu'à laisser défiler. Une heure après, comme l'an passé, comme tant de fois, le public est toujours plus conquis, debout, attend les rappels, espère qu'Al Jarreau et George Benson dureront ensemble plus qu'une chanson. Et en attendant fredonne et fait des grands gestes du bras façon sémaphore dans la tempête.
Car si tout commence comme cela doit commencer, par un tour de chauffe qui précède l'entrée des plus grands, le public pas forcément au fait des arcanes des contrats qui entourent les exhibitions de telles stars, attend évidemment que les deux compères entrent en scène. De fait, ils le font ; le temps d'un morceau à peine que déjà Benson se retire. On reste avec Al Jarreau qui, à sa façon chaleureuse, un brin truculente, mélange de Salvador et de Fernandel, fait quasiment oublier la scène en susurrant une quasi anthologie de son œuvre. Ca se déguste fort bien d'autant plus que l'homme sait s'approprier une scène, un théâtre, même s'il ne danse plus, qu'il ne pleut pas et que le théâtre antique est enfin plein.
Bis repetita près de trente minutes après : malgré une chanson millimétrée jouée à deux, c'est Jarreau qui nous quitte laissant la place à Benson.
GUÈRE DE SURPRISES MAIS GUERE DE DECEPTION NON PLUS
Bref, dans tout cela guère de surprises mais pas de réelle déception non plus : ces deux showmen savent précisément donner au public ce qu'il attend, transformer un simple temps de tournée pour eux en un show musical mémorable pour ceux qui les écoutent.
Un seul regret même si c'était prévisible : pour résumer, à part une chanson pour démarrer, une autre au milieu pour se passer le témoin et celle du final, les deux chanteurs auront peu convolé. Sans doute, ce n'est peut--être pas plus mal : quand ils se risquent ensemble, ils semblent s'étioler, perdre cette aisance scénique qu'ils possèdent chacun à leur façon. Bref, ça ne prend pas. Or, comment croire que de tels pros qui n'ont plus rien à prouver ne pourraient pas en faire un peu plus ?
Jean-Claude Pennec
Ce soir au Club de Minuit:
Ne pas manquer Steve Potts & Michel Edelin quintet
"Notre" flûtiste hexagonal retrouve à Vienne un sax rare mais complet dont la venue à Vienne promet d'être un grand moment
Le Club de Minuit ne serait pas ce lieu idéal d'écoute s'il ne favorisait pas année après année l'éclosion de jeunes et vieux talents et les rencontres les plus inattendues. Tout passe pratiquement sur cette scène qui joue la petitesse comme une arme fatale. Ce soir c'est au tour de Steve Potts qui, hasard, s'est donc vu proposer le Club plutôt que la grande scène. Saxophoniste inventif, Steve Potts a surtout été marqué par ces aînés qui n'ont cessé de redonner à l'instrument des nouvelles couleurs et surtout par Steve Lacy dont il nous restitue des pans entiers. On peut surtout se demander comment ce musicien qui s'est frotté à toute la scène américaine, frayé avec Ben Webster ou Dexter Gordon avant de s'installer à Paris a pu à ce point passer au travers des festivals et des grands-rendez-vous jazz d' l'Hexagone. Il sera au Club avec un autre rare musicien : Michel Edelin, l'un des rares flûtistes à s'être consacré à un instrument qui ne s'impose pas d'emblée dans les formations de jazz. Histoires d'inclinations et histoires de parcours récents : selon la bonne fée Ludivine, les deux musiciens qui résident à Paris déambulent dans les mêmes univers, ce qui donne souvent des idées. Restait tout de même à mettre la menace à exécution : d'où ce quintet présent ce soir à Vienne qui verra aux côtés de Steve Potts et de Michel Edelin, Sophia Domancich (p), Bruno Rousselet (b) et Simon Goubert (dms).
- Ce soir à partir de 23 H 30 au Club de Minuit
Vu hier soir au Club de Minuit (03/07/2007):
Sarah Morrow, démonstration faite
Avec Robert Glasper, et un DJ électro, la jeune tromboniste renouvelle l'art du trombone en lui ouvrant de sacrés horizons.
Il faut suivre Sarah Morrow. Jusqu'il y a peu, la jeune femme était une musicienne, sûre, demandée, jouant les bons offices dans toutes les formations qui avaient besoin de ses services. Ne passent évidemment pas inaperçus ses séjours aux côtés de Ray Charles, Dee Dee Bridegwater ou le Duke Ellignton Orchestra.
Depuis, les années ont passé et la tromboniste fait donc le plus souvent cavalier seul. Un pari tout de même un peu osé tans l'instrument se voit rarement à ce point mis en avant et reste le plus souvent en retrait ou partage la vedette.
Rien de tel avec Sarah Morrow qui depuis, huit ans, a coutume de pousser la porte des studios et de nous y fixer des traces indélébiles de son étonnante évolution. En la matière, elle ne perd pas de temps puisque après quelques essais fructueux, là revoici à Vienne en compagnie du trio ou du quartet avec lequel elle vient de sortir son dernier album. Pour la circonstance, elle a su embringuer Robert Glasper, pianiste des plus recherchés et bâtir avec lui une formation ad hoc.
On le savait. Sarah Morrow joue avec une énergie qui transfigure chacune de ses interventions. Rapide, nuancée, sans trop en faire ou en dire, elle sait faire de son trombone sans surprise l'instrument le plus éclatant qu'on connaît mais aussi le retenir et l'amener à de beaux écarts intimistes. Chris Dave aux drums et Derrick Hodge à la basse font montre ici d'une écoute constante pour fournir l'écrin nécessaire. Mais c'est toutefois le va et vient musical entre la tromboniste et Robert Glasper qui donne tout le sel à ce set. Encore que pas tout à fait : pour « poivrer » un peu la chose, Sarah Morrow s'est adjointe un DJ et ses platines. D'où des confusions volontaires de sons électroniques balancés à petites touches qui viennent renforcer ou rendre plus complexes les monologues de la musicienne. Cette alliance trombone - électro sur fond de trio classique est étrange mais riche, que ce soit sur des compositions personnelles ou lorsque le quintet laisse aller un standard ou une pièce connus. En tout cas, elle apporte à l'instrument un petit grain de folie supplémentaire et inattendu qui fait merveille.
Jean-Claude Pennec
- Sarah Morrow (tb), Robert Glasper (p), Derrick Hodge (b), Chris Dave (dr), DJ Jahy. CD chez Blue Note avec les mêmes.
Galerie du Mardi 3 juillet 2007
Buika / Benson & Jarreau / Taylor McFerrinSarah Morrow
LES TARIFS
Entrée au Théâtre antique :
- Tarif normal : 30 euros
- Collectivités : 27 euros
- Etudiants :
- Jeunes 12-16 ans accompagnés : 19 euros
- Billet supplémentaire abonné : 19 euros
- Moins de 12 ans : gratuit mais le billet est obligatoire et doit être retiré au guichet le soir du concert.
- Billet espace réservé : 52 euros (HT)
Abonnements :
Abonnement individuel 7 soirées ;
- Tarif normal : 125 euros
- Collectivités, étudiants : 115 euros
- Billet supplémentaire abonné : 19 euros