Lundi 2 juillet 2007
EDITO: Soirée flamenco, rien que flamenco
Quel rapport entretiennent le jazz et le flamenco ? Pour certains il est évident. Pour d’autres il est ambigü.
On profitera de la soirée pour tenter de se convaincre que ces musiques ont plus d’affinités qu’on ne le croit. En première partie, Juan Carmona et son groupe escorté de l’Orchestre National de Lyon. Suivra Chano Dominguez et son New Flamenco Sound.
Paradoxalement, alors que les deux première soirées ont eu une audience limitée, ce double concert risque de faire le plein. Allez comprendre.
Le Club de Minuit sera également aux couleurs flamenco avec Diego Amador.
N’oubliez pas en revanche que vous avez rendez-vous dans l’après-midi avec deux orchestres d’universités américaines à Cybèle, puis avec Moe Joe sextet, que la Tente à Bœuf fonctionnera à partir de 20 H mais que le Jazz Mix fait relâche.
Au programme le lundi 2 juillet: Flamenco et Jazz
Scène de Cybèle
- (16h00): Ohio State University
- (17h30): California State University East Bay
- (19h00): Moe Joe Sextet (Conservatoire de Lyon)
Théatre antique
- (20h30): Juan Carmona & l'Orchestre National de Lyon
suivi de
- (22h00): Chano Dominguez "New Flamenco Sound"
Jazz Mix
- Pas de Jazz Mix ce soir (Ca nous manque déjà !)
Club de Minuit
- (00h00): Diego Amador :"piano jondo"
Ca s'est passé au Théâtre Antique (Dimanche 1er Juillet 2007):
Craig Adams et les Voices of the New Orleans : miracle sur scène
A mi-chemin de la cérémonie et du concert, le set de Craig Adams et de ses complices choristes a transcendé le théâtre. Pourtant, l’imposant chanteur était arrivé sur scène avec le minimum pieux et syndical
Le plus sidérant demeure la faculté qu’a Craig Adams à mettre le feu en deux mesures à un théâtre antique prêt à répondre. Trois accords de piano, un petit signe à ces Voices qui lui font face et le théâtre enfin à peu près plein se retrouve debout, tapant des mains et dansant sur place.
Un petit miracle ? Il est vrai que tout le set est placé sous le signe de la foi, de Jésus et de la prière. Une foi incantatoire, démonstrative, festive et dansante qui suffit pour transformer des rythmes simples en moments musicaux d’exception.
Quand Craig Adams pénètre sur scène, il n’a pourtant avec lui que le minimum pieux ou syndical : une basse et une batterie. C’est court même si on n’a aucun doute sur la capacité des Voices à chahuter un peu dès que la batterie donnera le top départ.
Ce fut en fait largement suffisant. Craig Adams habite réellement le piano qu’il fait ronronner comme rarement ce superbe instrument condescend à le faire. Il est en tout cas largement suffisant pour permettre au chanteur et à son quatuor de lancer la cérémonie, tant ces voix sont profondes, sonores et superbement placées. Ajouter à cela une présence scénique de l’ensemble constante : le chant n’est rien sans danse et, au fil des morceaux, Craig Adams comme les Voices of New Orleans se débrident, poussent la salle à réagir toujours plus. Les trois chanteuses qui les composent, Lekeisha Johnson, Keisha Dominik et Cindy Bellizan (leader) escortées de Josh Kagler feraient le spectacle à elles toutes seules si Craig Adams sait contourner comme pas deux piano et orgue Hammond pour aller chauffer un peu plus encore le Théâtre.
Alleluia. Le show enfle, se communique au théâtre. Outre Craig Adams, le grand responsable de ce feu d’artifice est aussi pour une bonne part Alvin Batiste, presque oublié derrière ses drums qui a martelé un tempo d’enfer tout au long du concert, pendant que Ben Bester construisait discrètement l’architecture rythmique de la soirée.
Bref, on a eu droit à tout : la petite fugue à l’orgue hammond, les scintillements d’un piano virevoltant, quelques interventions en leader redoutables des chanteuses et l’omniprésence chaleureuse de Craig Adams. Mais cela n’explique toujours pas comment d’un coup de baguette, l’ensemble se transcende et métamorphose tout ce qui l’entoure.
Du grand art.
Jean-Claude Pennec
Liz McComb rend hommage à La Nouvelle Orléans
Depuis des années, la chanteuse promène sur scène ou dans ses albums un quasi apostolat tranquille mais profond. Le Club de minuit en a aussitôt profité
Liz McComb entre en scène, se glisse derrière (pourquoi derrière) le piano et en moins de temps qu’il ne faut pour l’écrire, s’approprie le théâtre antique, enfin à peu près complet. Au fond rien de surprenant dans ce concert qui démarre si ce n’est la beauté de cette voix, pâtinée au gospel, à la soul comme au blues. Pour le reste, on le sait, Liz McComb ne fait pas que chanter : elle promène depuis des années sur scène ou dans ses albums un quasi apostolat tranquille mais profond auquel le public résiste rarement même quand il affiche un sourire en coin.
Pour le coup rien de tel : on plonge dans le répertoire de la chanteuse avec délice. On pourrait presque parler de retrouvailles. Si ce n’est qu’à côté de sa formation habituelle, notamment marquée par la présence d’un vénérable orgue Hammond B3 + Leslie manié de main de maître par Harold Johnson, la chanteuse a ajouté le temps du concert un violoncelle, une guitare et surtout un étonnant rappeur, Tony Dorsey.
Chez Liz McComb, il y a sans conteste un côté mère-poule. Non seulement envers son orchestre mais aussi vers ce public pour lequel elle ne cesse d’appeler la bénédiction du Seigneur. C’est peu dire que ça marche : son authenticité immédiatement palpable, surpasse tout commentaire ou hésitation. Comme de plus, elle n’est pas manchot, qu’elle sait mettre le feu aux poudres et que près d’elle s’activent trois choristes efficaces, le concert est bien parti.
De fait, notre chanteuse va égrener un beau répertoire. Dont une partie du Soul Peace & Love qu’elle vient de publier.
La prestation va son train et on aurait pu s’en arrêter là si Liz McComb n’avait pas décidé d’entamer une sorte de troisième concert alors que l’orage tonnait. Appelant Craig Adams, sa rythmique et les Voices of New Orleans, la rencontre est devenue un hymne magnifique en l’honneur de la Nouvelle Orléans, meurtrie et presque passée à la trappe. Un rare moment comme Vienne ou les autres festivals ne parviennent plus à en créer. Tous sur scène, se partageant les rares micros, pour redire leur foi et l’indéfectible optimisme qui les anime. Mais aussi pour reparler de la Nouvelle Orléans : c’était à l’évidence le but de Liz McComb, faire parler Craig Adams de la si difficile reconstruction de cette ville, berceau du jazz et de toutes les musiques qui en sont issues. Et, alors que le concert était fini, que la pluie crépitait de plus belle, le sublime gospelman raconta la reconstruction en cours de la Nouvelle Orléans, le retour de ceux qui l’avaient fui. C’est loin d’être fini mais le public ne s’y est pas trompé.
Pour finir, ce concert conservera longtemps de multiples saveurs : ce violoncelle de Sedef Ecertin, sorti d’on ne sait où et dialoguant avec la pianiste. Ces choristes omni-présentes mais d’une justesse impeccable, mais aussi et surtout Tony Dorsey rappeur de son état, venu échanger avec Liz McComb dans un duo de bonne facture.
Jean-Claude Pennec
Ca c'est passé au Club de Minuit (Samedi 30 juin 2007):
Marc Richard : Remember Johnny Hodges
Ce qu’on doit à ce saxophoniste disparu il y a 40 ans : petite et séduisante leçon de choses administrée au Club par un toujours étincelant Marc Richard + amis bien intentionnés
A la différence d’autres, Marc Richard sait ce qu’il doit à Johnny Hodges, saxophoniste au long cours qui, au pupitre principal de l’orchestre de Duke Ellington, administra pendant plus de 40 ans des milliers d’impros,. On pourrait lui savoir gré d’avoir su traverser ces périodes essentielles du jazz en peaufinant toujours plus son instrument : cette aisance à discourir, ce phrasé léger communicatif sous-tendu par une joie de jouer restée intacte jusqu’au bout. Et non. Disparu (au début des années 70), Johnny Hodges est lentement passé de mode tout comme les thèmes qui lui collent à la peau.
C’est pourquoi cette soirée d’hommage rendu par Marc Richard au grand saxophoniste dans ce Club de Minuit plutôt adepte de découvertes et de jeunes pousses était intéressante à suivre. Comme on renoue avec un patrimoine inaltérable.
Ca manquait sans doute de surprise. Mais là est le charme d’un tel set : reprendre un standard connu de tous et lui redonner âme et couleur. En la matière, le quintet est à son affaire. Marc Richard fait plus que reprendre avec un plaisir manifeste les thèmes en question. François Biensan à la trompette, se pique au jeu. Derrière, fatigue du décalage horaire ? , François Laudet semble assurer le minimum. Il est vrai qu’il a beaucoup donné la veille. Ca n’empêche pas le quintet de monter en régime, de s’installer dans le répertoire, tombant la veste, et de faire durer le plaisir. A la contrebasse, on retiendra Raphaël Dever et au piano, Philippe Milanta qui a l’art de culbuter quelque peu cet ensemble harmonieux et sans failles. Peut-être un peu trop « revival », l’hommage a en tout cas fait mouche en rappelant au public encore nombreux combien cette musique demeure incontournable.
J-C.P.
Ca c'est passé au Jazz Mix (Samedi 30 juin 2007):
Ceux Qui Marchent Debout : l’art de la fanfare électronique
"Tout ce qui groove, tout ce qui bouge" annonçait la plaquette du concert de Ceux Qui Marchent Debout (CQMD) ; les spectateurs n’ont pas été déçus. Ce groupe qui mélange la fanfare funk à l’électronique prouve une nouvelle fois le bien fondé de sa réputation.
Six musiciens vêtus de t-shirts orange, un public venu en masse grâce à la programmation un samedi soir, le tout sur une musique certes répétitive mais très entraînante, la performance offerte par CQMD au Jazz Mix restera gravée dans les mémoires. Loin de l’ambiance feutrée du concert de Manu Katché au théâtre antique, la petite salle des bords du Rhône s’est rapidement transformée en spectacle de théâtre de rue.
Pour une fanfare, quoi de plus normal. Sauf qu’ en plus de dix ans d’existence, CQMD ont réussi à inventer leurs propres sonorités, identifiables à la première écoute. Bien aidés par un banjo électronique, un fuzz trombone et une batterie scindée en deux pour permettre à chaque musicien de déambuler à sa guise dans la salle de concert, ils ont trouvé leur marque de fabrique. Les sons triturés par l’électronique s’entrechoquent joyeusement, faisant se mêler Soul, Ska, Jazz et Funk en un bain électrisant, allant même jusqu’à chatouiller les frontières de la musique techno.
Drôle de mélange que cette fanfare funky, qui ne renie pas ses origines en préférant aller jouer au milieu du public plutôt que sur scène. Certains musiciens offraient pendant les morceaux de petits colliers en plastiques ornés du dollar américain, histoire d’inclure le plus de monde possible dans leur univers anticonformiste. Un concept repris avec pertinence sur la terrasse extérieure du Jazz Mix, où les cœurs enflammés par l’ambiance suffocante de l’intérieur sont venus à la rencontre d’un peu d’air frais, sans pour autant perdre une miette du concert grâce à l’écran géant installé pour l’occasion.
Pour une première prestation à Vienne, Ceux Qui Marchent Debout ont offert un spectacle hors du commun, et le public en redemande. Peut être parce que, comme ils le chantent avec énergie, avec eux, "New Orleans will never die".
Pascal Percie du Sert
- Site officiel : http://www.cqmd.net/
LES TARIFS
Entrée au Théâtre antique :
- Tarif normal : 30 euros
- Collectivités : 27 euros
- Etudiants :
- Jeunes 12-16 ans accompagnés : 19 euros
- Billet supplémentaire abonné : 19 euros
- Moins de 12 ans : gratuit mais le billet est obligatoire et doit être retiré au guichet le soir du concert.
- Billet espace réservé : 52 euros (HT)
Abonnements :
Abonnement individuel 7 soirées ;
- Tarif normal : 125 euros
- Collectivités, étudiants : 115 euros
- Billet supplémentaire abonné : 19 euros