Edito
Jazz à Vienne .....comme un dimanche
A Vienne durant le festival, le dimanche a toujours une couleur et un déroulement particuliers.
Cela commence à la cathédrale Saint-Maurice pour une grand-messe assez unique qui accueillera cette année Craig Adams. Pour la circonstance, on a surélevé les voûtes, ne vous étonnez pas.
Rendez-vous à dix heures et un peu moins si vous voulez être bien placés.
La journée se poursuit avec les concerts Rezzo à Cybèle qui sont désormais concentrés sur le week-end à raison de deux orchestres chaque après-midi.
Enfin, à 19 H 30 (et non 20 H 30) il sera temps de s'installer au Théâtre Antique pour une soirée spéciale Gospel + cinéma.
A retenir que ni le Club de Minuit ni le Jazz Mix ne fonctionnent, histoire de vous laisser souffler un peu.
Bienvenue à Liz McComb et Craig Adams.
Pour le reste rendez-vous sur notre site et n'oubliez pas de nous confier vos adresses email. On se charge du reste.
Au programme le dimanche 1er juillet: Journée GOSPEL
Cathédrale St-Maurice
- (10h30): Célébration Gospel en compagnie de Craig Adams (bords du Rhône)
Scène de Cybèle
- (16h30): Premier concert Rezzo avec Edouard Leys Trio
- (18h00): Second concert Rezzo avec Undertow
Théatre antique
- (19h30): Craig Adams & the Voice of New Orleans
suivi de
- (21h00): Liz McComb
suivi de
- (22h30): Cinéma : The Spirit of Gospel
CE SOIR AU THEATRE ANTIQUE
Liz McComb, reine à part entière
Et pourquoi la venue de Craig Adams ce soir dans le site viennois signifie bien autre chose qu'un simple concert, fut-il le plus réussi qui soit.
La foi soulève les montagnes. Fort bien. La foi habite Liz McComb depuis son plus jeune âge et explique pour partie l'incroyable carrière de cette chanteuse dont le ressort essentiel demeure un apostolat aussi fervent que constant.
Ce n'est pas la première fois que Liz McComb est à Vienne, en France ou en Europe. Mais, chaque fois, le spectateur découvre avec ravissement ce monument du vocal, du gospel et de toute une tradition qui nous échappe de plus en plus.
Liz McComb est d'autant plus attachante ici qu'elle ne se destinait surtout pas à ce type de carrière : quand elle évoque avec nostalgie cette vie de Cleveland, dans une famille très croyante de 7 enfants moins un père mort accidentellement, elle se rappelle qu'elle se mit à chanter à peu près le même jour où elle a su marcher. Il faut dire que sa mère exerçait les nobles fonctions de pasteur-prêcheur dans une petite communauté pentecôtiste de Cleveland (Ohio).
Vous remarquerez qu'ici, bien souvent, le chroniqueur saute allègrement les étapes pour vous conter comment Liz McComb a précédé sur scène des stars comme Ray Charles, James Brown, Taj Majal et autres. Et comment elle s'est imposée en Europe dès sa première tournée en Suisse et en Allemagne avant de chanter à Paris où elle a fini par s'installer.
On ne fera pas autrement. Retenons que la jeune quinqua est à Vienne ce soir. Que ce sera un moment avant tout chaleureux, grâce à cette voix familière qui envahira le théâtre antique comme elle seule sait le faire.
Auparavant, Vienne aura donc accueilli Craig Adams, un autre monument qui ne se déplace pas seul puisque arriveront sur scène avec lui ces fameuses « Voices of New Orleans ». Jean-Paul Boutellier a déjà eu l'occasion d'expliquer pourquoi lui qui fuit le New-Orleans a tenu au contraire à organiser cette soirée comme celle du dimanche suivant, consacrées toutes deux à un genre rarement admis à Vienne. En fait, autant un certain New-Orleans, nunuche-revival n'a effectivement pas sa place ici (on résume) autant La Nouvelle - Orléans demeure le berceau passé et présent de toute cette musique.
D'où Craig Adams, en version pieuse le matin à la Cathédrale qu'en version profane le soir au Théâtre, l'orgue Hammond en plus. A ceux qui hésitent on conseillera de faire les deux : du gospel sous des voûtes gothiques abîmées reste un moment rare et authentique. Qui plus est, il s'est passé quelque chose de dramatique à La Nouvelle Orléans qu'on a tendance à très vite oublier : en quelques heures, le berceau de toutes les musiques qui nourrissent entre autres Jazz à Vienne depuis près de 30 ans s'en est allé, balayé par les eaux. La vie ne se reconstitue que lentement depuis. D'où aussi l'idée et la volonté de remettre La Nouvelle Orléans plus près de nous.
Bref, on ne finira pas la soirée sans un film comme à l'habitude : il s'agit cette fois de « The Spirit of Gospel ». Un film de Régine Abadia et Joseph Licidé de 1998, qui sont allées filmer des formations grandes ou petites qui vivent leur foi au quotidien. D'où un témoignage étonnant de ces cérémonies et de ce climat qui révèle aussi un autre visage de l'Amérique.
J-C. P
Ca s'est passé au Théâtre Antique le 30 juin
Le Paris Jazz Big Band finit par donner le tournis
Qu'apprécier le plus ? Le talent des individualités qui s'extirpent de l'ensemble au gré des moments ? Ou la cohésion de ce Big Band qui atteint parfois, sur de jolies compositions, des sommets ?
((Paris a toujours réussi aux jazzeux (voir la collection Jazz in Paris) comme à bien d'autres. Et le Paris Jazz Big Band confirme le fait à Vienne sur la grande scène du Théâtre antique. Au fil d'un set scandé de compositions personnelles, la capitale a trouvé quelques interprètes majeurs de ces ambiances qui s'entrechoquent, au fil des rues, des toits et des petits matins.
Qui plus est, l'orchestre fonctionne comme on parie au casino : il annonce la couleur, le thème, les émotions qu'il souhaite transmettre à un public qui en a vu d'autres. Ici la place Pigalle, là les Tuileries. Bref, une pré exposition du thème, pédagogique en diable. A charge pour la grande formation de traduire ensuite les saveurs promises.
Certes, avec les individualités qui composent cette machine, il y avait peu de risques de passer à côté du but. Mais dans les alchimies particulières des grands orchestres, cela ne saurait suffire, même lorsque viennent au micro Sylvain Bœuf, Stéphane Chaume, Frédéric Coudert, et autre Denis Leloup.
Tout l'intérêt du Paris Jazz Big Band est aussi là : dans un déferlement constant qui ne cesse de chalouper, d'éclater pour mieux se reconstruire. Les lignes de cuivres, étrangement disposées, sont aux aguets, la rythmique module à souhait les inflexions qui ne cessent de renouveler le morceau. Exemple avec ce Place Pigalle ressenti par Pierre Bertrand : la composition est étrangement belle, soulignant au fil des interventions les paradoxes des nuits qui ne se referment pas. L'orchestre est capable de tout même de finir en queue de poisson après avoir donné le tournis.
Le tournis d'ailleurs, on l'aura plus tard, sur quelques thèmes apparus à la nuit tombée. L'orchestre se joue de sa propre cohésion, laisse partir l'échappée, en l'occurrence un superbe et inattendu Stéphane Chaume, au sax pour une fois. Le ton monte. On atteint une sorte de plénitude musicale sur un thème signant une étrange accalmie. Ici une intro à peine sussurée à la trompette. Là, la basse de Jérôme Regard initiant dans le silence, un nouveau thème. Mais toujours et encore, le Paris Jazz Big Band refleurit, repart de plus belle, suscitant de la part d'un public conquis, une rare attention.
Bref, au vu de ce set copieux, dense et bien articulé, aucun doute à avoir sur la vigueur de l'art du big band.
Manu Katché impose aisément ses Tendances déjà anciennes
L'alliance mise au point par le musicien trouve à Vienne un décor quasi parfait. Le bugle d'Alex Tassel suffit à lui seul à installer le ton de la soirée.
((La venue de Manu Katché à Vienne samedi soir était l'occasion d'élucider les tiraillements musicaux du musicien. Des tiraillements bien compréhensibles à mettre sur le compte d'une curiosité bien placée et non d'une sorte d'instabilité stylistique. On ne vous fera pas un dessin.
On sera reparti du concert un peu frustré.
D'abord l'histoire telle qu'on la conte : Manu Katché qui a traîné ses baguettes sur à peu près sur tous les plateaux est un jour remarqué par Manfred Eicher, le gourou d'ECM. Depuis qu'il a entendu un jour Somewhere Down the Crazy River de Robbie Robertson, il ne jure plus que par le batteur de Saint-Maur et va tout faire pour qu'il vienne enregistrer chez lui avec quelques-uns de ses grands pensionnaires d'ECM (dont Garbarek).
Il faut croire que l'expérience a plu à Manu qui, dans la foulée, rassemble en 2004 la formation vue samedi soir au théâtre antique, et publie Tendances, un album de toute beauté.
C'est cette expérience et les musiciens choisis alors pour la mener qui étaient donc sur scène à Vienne. Seul remplacement, la contrebasse confiée une fois de plus à Jérôme Regard, déjà là avec le Paris Jazz Big Band quelques instants auparavant.
A l'applaudimètre, pas de doute à avoir : le public a largement apprécié le batteur et ne l'a laissé partir qu'avec regret. La juxtaposition d'un bugle tel que sait le triturer longuement Alex Tassel et d'un piano confié à Avitabile explique en partie la chose. Cette alliance convaincante due à Manu Katché fait merveille, surtout dans le cadre de Vienne. Le quartet impose sa vision sereine au fil des morceaux et le batteur n'a surtout pas à forcer son talent pour prouver l'intensité des liens qui le lient à cette musique. Tout le concert sera à l'avenant : d'abord la performance d'Alex Tassel qui avec une grande sobriété impose cette atmosphère inattendue sur un public conquis. Est-ce pour autant ce qu'il attendait ? Rien n'est moins sûr. Mais Manu Katché a démontré hier soir que sa place n'était pas usurpée.
J-C. P
Le Club de Minuit le vendredi 30 juin 2007
Stéphane Chausse quartet : un joli récit
Le temps d'un après-midi, quatre compères du Paris Jazz Big Band, se complaisent à construire un récit musical riche, inventif et abouti. Un coup de maître
On va de plus en plus apprécier l'installation pour 22 ans à Vienne du Paris Jazz Big Band. Car le bougre ne cesse de faire des petits, des apartés, des bandes voire des soli. A côté de la grande et belle formation invitée du Théâtre antique hier soir, la mère-poule élève et fait prospérer quelques jolis canards qui n'hésitent pas à aller voir ailleurs comment est l'air.
Ainsi les quatre réunis dans le Stéphane Chausse Quartet, qui réunit outre ce dernier, Alfio Origlio aux claviers, Jérôme Regard à la contrebasse et Stéphane Huchard aux drums. Bref ce sont donc quelques-uns des plus solides piliers de la formation qui se retrouvent dans cette aventure et d'où l'intérêt de ce cavalier(s) seul (s).
En la matière, le set donné vendredi soir au Club est de ceux qu'il faudra réécouter pour en découvrir toutes les saveurs. Car, loin d'être une succession de morceaux aboutis que portent ensemble les quatre musiciens, c'est en fait un véritable récit qui se construit sous nos yeux/oreilles. Récit à quatre voix où chacun argumente, devient le leader, ou au contraire s'estompe, disparaît, escorte, lève le doigt et corrige l'ensemble.
Le set démarre de façon curieuse avec un thème incantatoire, mélange d'oriental et de celte, histoire que chacun prenne ses marques. On applaudit la performance mais on reste en-deçà. Arrive « Rue Longue », une composition de Stéphane Chausse du nom de cette sentine étroite, odorante et millénaire qui traverse de part en part la vieille ville de Menton, où le musicien a grandi. Cette fois, on est à notre affaire. Enfin, on essaie : le quartet va vite, triture quelques mesures, passe à autre chose, accélère, se calme, suspend son vol. Ca ne gâte rien : Stéphane Chausse aime visiter les zones les plus basses de sa clarinette, là où l'instrument dévoile ces couleurs inclassables mais irrésistibles. A leur façon, ses trois invités font de même : la contrebasse de Jérôme Regard apporte ici bien autre chose qu'un soutien désintéressé. Elle se révèle ici l'âme de l'ensemble, un œil sur chacun tout en vivant sa vie. Tour à tour, le quartet se reconstitue : les variations d'Alfo Origlio qui, pour une fois, ne nous fait pas trop regretter de délaisser l'acoustique pour le « Rhodes » séduisant et disert, sont des petits joyaux. Enfin, en constant renouvellement, discret comme jamais ou au contraire presque combatif, Stéphane Huchard ne cesse d'entraîner son petit monde.
Au gré des impros, on perçoit combien ces jeunes musiciens ont intégré tout un héritage musical sans s'y soumettre. En se décidant ensemble d'aller voir ailleurs. Manque peut-être un zeste de légèreté. Mais c'est peut-être une condition de la réussite de cette construction.
Dans de telles ambiances, le Club de Minuit approche de la perfection.
Jean-Claude Pennec
- On retrouve le Stéphane Chausse Quartet (les mêmes) dans un album qui vient de paraître. En vente notamment à l'accueil du Club.
Le jazz mix
La Fonction: sur un air de P-funk le jeudi 29 juin 2007
Avec ses costumes à paillettes et son maquillage irréel, La Fonction avait investi la scène du Jazz Mix jeudi soir. Entre funk énergique et groove lancinant, le groupe parisien a essayé d'appliquer sa recette festive au public de Vienne, non sans mal.
A grands renforts de cuivre et de guitare saturée sur des rythmes clairement inspirés du funk des années 70, les neuf allumés de cette formation parisienne se sont donné du mal pour entraîner dans leurs délires de P-Funk psychédélique la cinquantaine de personnes présentes. Techniquement sans failles, les musiciens ont enchaîné les longs passages solos, grâce aux rythmes de base propices aux performances individuelles. Les mélodies sensuelles, dans la droite ligne du porno groove, permettent des ouvertures musicales variées. Les cuivres nous emmènent vers un ska très tendance chez les artistes de la nouvelles scène française, les guitares vers un rock plus lourd qui plait au public plutôt "djeun's" ; au final, c'est un mélange très plaisant qui s'échappe des enceintes de ces doux-dingues.
Un enthousiasme malgré tout bien freiné par des airs de déjà vu qui sape une grande partie de l'aura de ce petit groupe qui monte. Le texte, pourtant mis en valeur par un chanteur aussi charismatique que surexcité, n'est pas non plus au diapason. "On me reproche souvent mes textes un peu légers" avoue-t-il d'ailleurs dans l'une de ses chansons, preuve peut-être que "la Fonction" du groupe n'est pas de faire réfléchir, mais bien de divertir. Les superbes maquillages hauts en couleurs et les costumes aux milles paillettes, directement inspirés des années disco, sont là pour nous le rappeler : la fête, l'humour et la dérision sont les meilleurs remparts contre l'ennui du quotidien.
Pascal Percie du Sert
- Premier album "La Conspiration est déjà commencée" sorti en juin 2004 disponible chez Underdogs Records
Le diaporama d'hier
Paris Jazz Big Band / Manu Katche & Tendances
LES TARIFS
Entrée au Théâtre antique :
- Tarif normal : 30 euros
- Collectivités : 27 euros
- Etudiants :
- Jeunes 12-16 ans accompagnés : 19 euros
- Billet supplémentaire abonné : 19 euros
- Moins de 12 ans : gratuit mais le billet est obligatoire et doit être retiré au guichet le soir du concert.
- Billet espace réservé : 52 euros (HT)
Abonnements :
Abonnement individuel 7 soirées ;
- Tarif normal : 125 euros
- Collectivités, étudiants : 115 euros
- Billet supplémentaire abonné : 19 euros