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35^ème édition Jazz à Vienne :

Ce qu'il s'est passé le vendredi 26 juin 2015

Première journée de cette trente-cinquième édition avec un programme chargé qui commence dès 10h00 avec le concert des scolaires pour se continuer ensuite dans toute la ville avec  une thématique générale "New Orleans".

Le croquis et la chronique de François Robin

 
Le défilé "Carnaval Jazz New Orleans"

Lorsque des colons Français fondent la ville de la Nouvelle Orléans en 1718, ils apportent avec eux le carnaval qui fait aujourd'hui la fierté des habitants de ce berceau du jazz. Le carnaval, mot venu de l'italien qui signifie littéralement « enlever la viande », est une fête des populations chrétiennes pour marquer la prochaine entrée en Carême, et par là-même faire bombance avant le jeûne prochain. C'est aussi forcément l'occasion de faire une entaille - à l'abri d'un masque - au carcan des convenances. La Vienne médiévale, ville hautement religieuse, vivait au rythme des processions qui entraient et sortaient du quartier canonial, véritable ville close dans la ville, et qui maîtrisait de fait tout le commerce de cette voie stratégique. Aujourd'hui disparue, la porte de la Bobe, au bout de la rue Clémentine, portait aussi le nom de Caramentran - autrement dit Carême-entrant - le nom provençal du carnaval.

Les Grecs avaient leurs Dionysiaques, les Romains, leurs Saturnales, c'est en fait toute une tradition archaïque de renouvellement du cycle agricole, la sortie du sommeil de la Terre, qui sera adaptée à la nouvelle religion chrétienne, où les Vivants et les Morts se croisent à l'instar des fêtes de printemps de toutes les civilisations du monde. Deux ans après le passage de l'ouragan Katrina, la Parade des Vivants - mise en scène dans la série Treme- parle de cette renaissance, de l'incroyable solidarité des musiciens qui deviendront le visage d'une ville qui veut guérir.

En ouvrant sa 35ème édition par une parade sur le thème du carnaval de la Nouvelle Orléans, Jazz à Vienne offre donc à celui-ci un juste retour aux sources qui nous rappelle que la musique est d'abord populaire. Nous aurions tort d'y associer tout sentiment de médiocrité. Lorsque Camille Saint-Saëns compose son Carnaval des Animaux en 1886 pour un concert de carnaval, on reprochera à ce compositeur considéré comme « sérieux » d'avoir voulu faire rire, ce qui l'amènera à en interdire l'exécution publique de son vivant. L'écriture, qui s'inscrit dans la tradition française du pastiche musical, en est pourtant très soignée, nécessitant une technique instrumentale particulièrement exigeante. La légèreté n'empêche pas l'excellence.

C'est probablement ce que se sont dit les compères de l'Amazing Keystone Big Band, cet orchestre de jeunes furieux talentueux qui avait, cette année encore, la charge de composer le spectacle offert aux scolaires de la région. Six mille enfants sur les gradins du vieux théâtre...il faut ce qu'il faut ! Comme pour leur version de Pierre et le Loup qui connaît maintenant un succès remarquable, ils remanient avec le vocabulaire du jazz cette partition du Carnaval des Animaux trop souvent jugée avec condescendance. Une réussite ! Accompagnés par le récit de Monsieur le Grand Méchant Loup, les thèmes de Saint-Saëns refleurissent sous les traits du swing, du be-bop, de la bossa, avec une jubilation évidente et une communication garantie, sans jamais céder à la facilité. Du grand Art ! A l'heure où certains évoquent le nivellement par le bas, les magiciens de l'AKBB démontrent que l'on peut se mettre au service de l'enfance, de la musique et du rire avec le même sérieux.

En défilant eux aussi à la parade « comme les grands », les classes d'enfants n'ont probablement pas pensé autrement. Lorsqu'elle se met à portée de tous, il n'y a pas de musique mineure.

François Robin

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Du coin de l'œil de Daniel Peyreplane

A la une ! A la deux ! ... Raté !!!

Au Théâtre Antique

The Amazing Keystone Big Band : "Le carnaval jazz des animaux"

Comme chaque année le festival commence au Théâtre Antique par le concert offert aux scolaires. Le public est une vraie ménagerie piaillante et stridulante, ce carnaval des animaux, c'est donc un peu sa fête.

L'orchestre se met en place, le récitant, Sébastien Denigues, arrive en hurlant "Loup est mon nom" . Le festin peut commencer.

Le carnaval des animaux est revisité façon grand méchant loup avec une histoire racontée et embellie par la musique.

Les principaux animaux de retrouvent sur scène (en musique) : lion, poule, tortue, hémione, kangourou, éléphant, agneau, cygne,...

Chacun livre son combat avec ce loup ce qui se traduit par de belles poursuites musicales (même avec la tortue !), à leurs rythmes. Avec une fin qui n'est pas forcément "happy" pour le loup.

On retrouve l'esprit du Carnaval de Camille Saint-Saëns revu et corrigé par ces jeunes et talentueux trublions du jazz.

Les musiciens du Amazing Keystone Big Band font plus que jouer, ils miment, jouent la comédie, transformant ce concert en spectacle attachant et réussissant à maintenir l'attention du jeune public de bout en bout.

Un spectacle encore bien frais qui mérite quelques menus réglages de placements mais qui assurément est promis à un beau  succès à l'image du "Pierre et le loup". Chapeau !

(Vincent Labarre, Thierry Seneau, David Enhco, Félicien Bouchot: trompettes ; Bastien Ballaz, Aloïs Benoit, Loïc Bachevillier et Sylvain Thomas: trombones ; Pierre Desassis, Kenny Jeanney, Eric Prost, Jon Boutellier et Ghyslain Regard: sax ; Thibaut François: guitare ; Fred Nardin: piano ; Patrick Maradan: contrebasse ; Romain Sarron: batterie)

Sur la scène de Cybèle

Le tremplin ReZZo-Focal et ses trois premiers groupes en lice

Le premier à passer est le "David Eskenazy Trio"

Un premier trio "piano / basse / Batt' " empreint de classicisme acratopège, très influencé par EST. Des compositions agréables qui nous accompagnent dans cette torpeur viennoise qui augure d'un festival ensoleillé et chaud. Pas de leader apparent, chaque instrument se partage la tâche à parts égales.

"Thomas Mayeras Trio"

Encore un trio de forme classique mais qui nous propose un répertoire sur un autre registre. Un voyage dans le temps pour revenir aux belles périodes des trios pionniers, une prestation immarcescible comme le souligne Jean-Claude Rochat, patron du Chorus de Lausanne. On ne peut s'empêcher de penser à Oscar ou à Teddy (Wilson) et aux formidables pages d'histoire du jazz et du trio, avec entre autres un hommage à Clifford Brown. Un groupe soudé, des musiciens souriants qui envoient un bop fringant et enlevé, le set commence et se termine par un blues ce qui plaît bien évidement au public de Cybèle. Des compositions qui tournent grave. C'est bien en place.

(Thomas Mayeras: piano ; Géraud Portal: contrebasse ; Germain Cornet: batterie)

Place ensuite au "Ahn Tuan New Quartet "

Que voilà une jolie surprise que la proposition de ce quartet drivé par le pianiste Ahn Tuan. Au trio de base (Michel Molines: contrebasse ; Baptiste Castets: batterie) s'ajoute Illyes Ferfera aux saxophones.

Le set s'articule sur une suite originale en huit parties.

Une écriture moderne, bien construite et harmonieuse. L'ensemble respire entre chorus de piano et de sax et nous promène dans un univers personnel très riche où les empreintes de Brad, Tigran et Frédéric (Chopin, s'il vous plaît) ne sont pas loin.

Le bon plan de l'après-midi, je vais retourner écouter leur premier album "Introducing Ahn Tuan".

Avec tout ce monde dans les rues de Vienne, la zone de Cybèle est noire de monde et le reste même entre les concerts.

Arrive la discrète Leylla McCalla qui s'installe au Kiosque, elle nous indique dans un franglais charmant que c'est sa deuxième venue à Vienne

... mais que l'année passée elle n'avait pas pu jouer à cause de la grève des intermittents. Le Festival l'a donc invitée à nouveau et elle offre un showcase au public de Cybèle. Autant dire qu'il a été difficile d'approcher du Kiosque tellement la foule était dense. En toute simplicité elle nous distille quelques chansons et morceaux de sa Louisiane natale qui augure d'une belle soirée le lendemain au Club de Minuit.

Sur la scène de Cybèle arrive ensuite le Zed Brass Band

Avec ceux-là pas de tour de chauffe. Le groupe emmené par Vincent "Zed" Ollier au "lindadesousaphone", regroupe les meilleurs soufflants de la région et ils sont là pour faire la fête à l'image de ce que doit être un brass band. 

Derrière deux percussionnistes acharnés : Philippe Bostvironois et Fabien Rodriguez donnent le tempo et devant les trompettes, sax et trombone envoient la sauce. (Sylvain Félix, sax baryton ; Hervé Salamone et Christophe Métra: trompettes ; Eric Prost, sax ténor et Pierre Baldy-Molinier: trombone et présentation).

C'est bon de faire la fête !

Dans Vienne

La ville était en fête (sauf les automobilistes qui avaient oublié de retirer leur voiture du Cours Romestang) et noire de monde. Une météo estivale agréable, de la musique dans les rues, une parade de défilé qui présentait les différents quartiers de la Nouvelle Orléans. Des scènes installées un peu partout pour cette première journée de festival 100% dans la ville (pas de concert au Théâtre Antique). 

Il y a cette année trois scènes "Jazz en ville".

La petite scène de la Rue du Musée, coincée entre les nombreuses  terrasses des restaurants qui faisaient le plein ce soir accueillait un trio "électro" surprenant mélangeant, trip-hop, techno, et électro-jazz : "Jezz at home"

Sur la place de l'Hôtel de Ville, c'est le sextet de Jean-Pierre Alessi, bien connu dans la région avec son "French Preservation Hall" qui entame la soirée. Du New Orleans pur jus, conforme à l'esprit de la journée. La place est dégagée, les gens dansent comme au "bon vieux temps"

Changement de régime avec le "Too Many Zooz".

A Cybèle un spectateur évoquait ce groupe en disant "il faut absolument y aller, le sax est top". Docile, je retourne place de l'Hôtel de Ville. Effectivement dès l'arrivée à l'angle opposé à la scène l'ambiance est toute différente.

Un sax baryton sautillant, un trompettiste, Matt Doe, limite nonchalant, jouant avec son verre de gnôle, un "tambour man" furieux, King of Sludges, le dos au public et une pêche d'enfer. Voir LeoP s'agiter avec son sax est une expérience unique. Ce gars-là va envoyer le pâté pendant plus d'une heure, embouchant avec force son sax, capable de jouer en sautant, courant, en se déhanchant, en faisant des pas de danse une punk attitude assez rare sur nos scènes. Une débauche d'énergie, tout en restant musicale, qui chope le public entre les oreilles et le galvanise. Matt Doe et LeoP n'ont pas vingt-cinq ans, le percussionniste en a le double et l'ensemble fonctionne à merveille. Un son de brass band à eux trois. Grosse claque et chouette découverte. voir ici pour se rendre un peu compte

Pour terminer la soirée sur la scène de la place de l'Hôtel de ville et succéder à Too Many Zooz il fallait du lourd, c'est chose faite avec "Broken Brass Band"

Huit jeunes néerlandais qui à l'image de ce qui précédait n'ont qu'un seul but : pousser. Et ça pousse. Le public est chaud bouillant, la place est pleine de monde, les cafetiers font des affaires.

Belle initiative du festival que d'offrir une journée complète en centre ville, il y a quelques années la ville et les commerçants tournaient le dos au festival, la pente semble être remontée.